3. Où Rodrigo nous narre ce qu’il croit comprendre de la Galatea
Marie Tudor fut la seconde épouse de notre bon roi Philippe II. Ce mariage n’était, bien entendu, pas du goût des Anglais car la reine en toute sincérité tentait de restaurer le catholicisme, religion de sa mère Catherine d'Aragon. Il est bien connu que le sort des empires se joue bien plus dans les chambres nuptiales que sur les champs de bataille. Le destin voulu que Marie ne décède prématurément et n’ayant point eu de descendance avec notre bon roi, ce fut sa demi-sœur, Élisabeth, ennemie des Ibères, qui lui succéda sur le trône d'Angleterre. Elle restaura l'anglicanisme en l’honneur de son père Henri VIII qui l’avait promulgué.
Il est vrai que j’ai eu bonne éducation, tant religieuse, que littéraire ou politique. Je suis patriote à n’en point douter, mais j’ai quelque mal à concevoir que le vaste empire d’Espagne puisse longtemps résister aux barrières des cultures et des langues. Nous édifions une nouvelle tour de Babel, et Dieu finira par nous en vouloir tôt ou tard. L’exemple le plus flagrant est celui des Pays-Bas que nous n’occupons plus que par la répression et la menace de l’escopette. Nous menons des guerres aux quatre coins du globe, des Amériques aux Philippines, et dans la péninsule même de nombreuses voix s’élèvent contre la suprématie des Habsbourg. Diverses poches de résistance et de multiples révoltes sont matées dans le sang.
Élisabeth Ière ayant pris position pour soutenir l’insurrection des provinces des Pays-Bas, il n’y avait qu’une seule issue possible pour notre bon roi Philippe II, qui n’est point à blâmer dans l’affaire : envahir l’Angleterre et destituer l’usurpatrice pour porter Marie Stuart la catholique sur le trône. Cette vile diablesse d’Élisabeth engageât alors le corsaire Francis Drake pour feindre des attentats sur nos flottes sans qu’une guerre franche n’ait encore été déclarée. Le mercenaire incendia 37 de nos navires dans le port de Cadix. La reine fit par ailleurs exécuter sa rivale l’accusant de conspiration. Cet acte barbare souleva l’indignation de toute l’Europe catholique. Ce ne fut qu’une formalité : Philippe II obtînt la bénédiction papale pour renverser la fourbe souveraine.
En mai de l’an de grâce 1588, cent-trente navires de l'Invincible Armada quittèrent Lisbonne en direction de l'Angleterre. Sur les trente-mille hommes à leur bord, on ne comptait que forçats, réservistes, frustres paysans enrôlés de force, et quelques hidalgos de ma trempe, volontaires bien que novices dans l’art du combat. Nous devions d’abord rejoindre dix-huit-mille soldats expérimentés sur les côtes flamandes et nous nous attendions tous à ce qu’Alvaro de Bazan, marquis de Santa Cruz, vainqueur de la flotte française de Philippe Strozzi à la bataille des Açores, ne prenne le commandement de l’expédition mais la fatalité en décidait autrement. Il mourut inopinément d’un mal fulgurant. Alonso Pérez de Guzmán duc de Medina Sidonia, meneur d’hommes aguerri, prit sa relève sur le l’ordre du roi. Bien que fin stratège, il n’avait pas le pied marin. Il paraitrait que nous ne devons notre déroute qu’à son mal de mer incessant, mais je n’en crois rien car comme à présent je me remémore les propos de mon bon maître : « dans le chaos de la poudre et du feu, des forces de la nature, les actions et la volonté d’un homme seul ne peuvent infléchir ce qui est joué par avance…»
Nous quittâmes d’abord le Portugal pour faire route vers les Pays-Bas et y retrouver la flotte des vétérans d'Alexandre Farnèse troisième duc de Parme, avant, tout du moins nous l’avions espéré, de cingler ensemble vers l’Angleterre et y faire débarquer toutes nos troupes . Le périple fut plutôt calme. Le galion qui me transportait disposait d’un système ingénieux permettant aisément de manipuler espars, entre autres mâts, bômes, et tangons, et de réduire le nombre d’hommes affectés aux manœuvres courantes des drisses, et des écoutes, ainsi que l’effectif aux manœuvres dormantes des étais et haubans. Ce système permettait également de régler, établir et conduire la voilure, avec une telle agilité, qu’une fraction seule de l'équipage n’était requise pour ces périlleux travaux. Mon rang m’épargnait ces tâches ardues. D’autres besognes plus honorables auraient pu occuper mon emploi du temps mais seule la lecture de l’ouvrage de Cervantès m’importait. Je fis croire que j’aspirais à devenir timonier et à m’engager dans une école militaire une fois de retour à la Sainte mère patrie. Aujourd’hui je dois bien avouer que poursuivre une telle carrière aurait été une bénédiction. Gérer les informations nautiques et les cartes, entretenir et mettre en œuvre le matériel de navigation et de passerelle, prendre soin des communications par pavillons et projecteurs, toutes ces saines occupations auraient égaillé ma morne existence.
Je m’empressai de lire avidement le livre que l’excentrique Cervantès m’avait offert pour me préparer à la bataille. Comme de toute évidence, un roman pastoral n’aurait jamais pu bénéficier de la moindre crédibilité auprès des gradés, je pris soin de rajouter à l’encre sous le titre, « la Galatea », la mention «De l’art du combat maritime rapproché et de la stratégie de coordination des frappes». Le subterfuge fonctionna si bien, que chacun à leur tour, les officiers de navigation et de quart m’interpelèrent pour prendre les références de l’ouvrage et nul autre personne ne vînt m’affecter à la moindre tâche durant la traversée pour ne point perturber mon recueillement studieux.
Bien que de structure classique, l’œuvre de Cervantès n’était pourtant pas aussi calamiteuse que mes préjugés sur le style littéraire des guerriers ne me l’avaient laissé présager. La fluidité de l’écriture et la maîtrise parfaite du Castillan me laissèrent d’ailleurs perplexes. Par contre comme je m’y attendais, l’intrigue était d’une sublime vacuité, dépourvue de tout intérêt pédagogique de quelque ordre qu’il fut.
« Tiens donc ! Les bergers Elicio et Erastro, tous deux amourachés de Galatea, chantent et clament à tue-tête leur amour pour la belle pastourelle ? Ils dansent et gambadent dans les prés, ils cueillent des fleurs en sautillant comme des cabris et récitent des poèmes à celle qu’ils voient comme la déesse du Tage réincarnée ? Comme c’est original ! Je n’en espérais pas moins d’un roman pastoral, soit dit en passant. »
Je refermai alors violemment les pages de l’ouvrage imbécile, comprenant que Cervantès s’était bien joué de ma personne au sortir de la bodega sévillane. Mais pas moins d’une heure plus tard, quelques titillements vinrent à troubler ma réflexion.
« Il y a surement un message codé dans l’ouvrage? Les faits qui y sont exposés sont probablement des métaphores et il faut être assez habile pour pouvoir en appréhender le sens caché qu’elles renferment ?»
Le titillement devint rapidement un trouble, puis le trouble se convertit soudain en obsession. Il me fallait à tout prix percer le mystère de la Galatea. Je retournai au pont inférieur près de la cellule et du canon que l’on avait attribué à mon unité. Il n’y avait encore personne aux postes de combat aussi j’y trouvai un endroit paisible pour déchiffrer le roman.
« 'Galatea est promise à un riche berger portugais mais elle s’offre à Elicio si ce dernier l’aide à échapper à la volonté de son père…'
Voila peut-être une de ces fameuses ellipses ? Alors face au chantage, faire chanter soi-même un tiers pour en quelque sorte dissiper la pression du maître chanteur, est un avantage majeur dans l’art de la guerre ? Ce serait comme appeler à l’aide un ennemi alors qu’on est confronté à un de ses alliés ? Oui, ce doit être le message que Cervantès voulait transmettre. Poursuivons :
'Elicio et Erastro bombent le torse et cherchent à établir qui des deux aime Galatea davantage. '
Bon sang… Mettre en concurrence la tierce entité face à un quatrième parti ? Oui, cela se tient et c’est d’ailleurs un bien sage conseil pour semer le trouble dans une coalition ennemie. Poursuivons :
'Arrive Lisandro qui, tout chamboulé, annonce que Leonida vient d’être assassinée par Carino, qu’il a lui-même ensuite exécuté par vengeance…'
Alors, là ? Autre contexte… Un imprévu ! Ce doit être une subtile référence à l’abordage. Faudrait-il appliquer la loi du talion, qui ne trouverait nulle autre pareille en de tels cas ? Si un ennemi tue un des nôtres, faut-il d’abord s’occuper de lui ? C’est en effet très intelligent de la part de Cervantès. Repérer les plus forts et les éliminer avant qu’ils ne fassent plus de dégâts. Ensuite :
'Galatea, en compagnie de Florisa, cueille des fleurs et confectionne des guirlandes dans un pâturage où Teolinda les rejoint pour leur révéler ses sentiments pour Artidoro et la fâcheuse coïncidence qu’ils ne voient l’un en l’autre que l’image de leurs propres frères et sœur. '
… cela semble se complexifier. Cervantès chercherait ici à tromper le vil ennemi qui trouverait ce recueil et en connaitrait le véritable usage en insérant des propos parasites, sans queue ni tête ? à moins que, non ! Je vois où il voulait en venir. Alors Galatea en fait ce n’est pas le lecteur, mais notre mère patrie. Je faisais fausse route jusqu’à présent. Et Florisa symbolise nos alliés, il en va de soi. Cueillir des fleurs… Tresser des guirlandes… la paix en somme. Une troisième nation désemparée vient semer le trouble car elle s’allie pour d’obscurs desseins avec une quatrième nation, alliance remise en cause par les prises de parti des alliés respectifs de chacune d’elles… D’accord. C’est concevable. Mais quel est le rapport avec l’Espagne et la coalition qu’elle formait ? Peut-être plus d’indices dans la suite du récit ? Je continue avec envie et en gardant l’esprit critique nécessaire pour ne pas m’emmêler dans ce filet de métaphores un tantinet alambiquées. Mais au fait quel est le rapport avec la loi du talion déjà ? Bon, on reverra cela plus tard. Continuons :
' Deux célèbres pasteurs Tirsis et Damon se joignent aux deux groupes de bergers. Ils dansent, chantent, tambourinent et flûtaient, avant de rendre visite à l’ermite Silerio qui fond en larmes en évoquant la belle Nisida de Naples qu’il aime plus que tout.'
Ceci conforte ma dernière idée. Enfin, de manière imagée, j’entends. Les protagonistes, aux traits si différents, ne sont plus ici des nations mais bien des têtes couronnées, de hauts dignitaires et hommes de pouvoir. Je crois bien reconnaitre en l’ermite, notre ancien chancelier et inquisiteur général Juan Pardo de Tavera d’ailleurs… Galatea serait en fait notre bon roi d’Espagne ? Comme c’est curieux et hardi de la part de Cervantès. J’entrevois en me gaussant dans cette scène pastorale la célèbre séance d'abdication de Charles-Quint en 1555 qui fit de Philippe le chef et souverain de l'ordre de la Toison d'or, puis le lendemain, le nouveau duc de Bourgogne, de Lothier, de Brabant et d’autres régions dont je ne saurais me remémorer le nom. Le foudre de guerre du Saint Empire Romain Germanique (peut être bien l’ermite ici finalement) conservant la couronne impériale (symbolisée ici par l’amour de l’ermite pour la belle Nisida de Naples. Mais pourquoi Naples enfin ? ) jusqu'à sa mort (évoquée par le désenchantement amoureux, bien entendu). Selon le pacte de famille, Ferdinand (Tirsis ou Damon dans le roman, je ne saurais trop dire) devait faire élire Philippe (Galatea donc) roi des romains quand lui-même deviendrait empereur. (Tout cela est symbolisé par les chants entrecoupés de musique, le doute n’est pas permis) Devant l'hostilité des électeurs et les vexations que Charles Quint (Silerio l’ermite, cela est évident à présent) avait fait subir à ses neveux autrichiens (Tirsis et Damon, alors, en reconsidérant la chose ?), Philippe fut poliment éconduit au profit de son cousin le roi de Bohème (là pour le coup, je suis gêné car dans mon exégèse celui-ci n’apparait pas en temps que personnage alors que son rôle est central…). Peut être émergera-t-il dans la suite de l’histoire ? Je tiens le bon bout. Poursuivons :
' On apprend que Silerio a trahi un de ses amis, Timbrio, qui l’envoya prendre nouvelles de sa bien aimée Nisida à Naples. Il eut le malheur d’en tomber lui-même éperdument amoureux et fit croire que celle-ci était morte, plongeant Timbrio dans un profond désarroi qui le poussa à l’exil. Empli de remords, Silerio consacra le restant de ses jours à l’ermitage. '
Je n’y comprends plus rien. J’avoue être perdu. Traiter de la sorte feu Charles Quint le foudre de guerre ! Que son âme bienveillante nous protège tous ! Comment Cervantès se permet-il ce blasphème ? Et d’ailleurs en quoi cela me révèle-t-il une bribe du secret qui entoure cette œuvre ? Je dois faire fausse route. Poursuivons, nous verrons bien si mon interprétation est bonne :
'Dariano avec Silveria se marient en présence de tous les pasteurs. Mireno est inconsolable car il est éperdu de Silvera. Un grand débat d’idées sur les choses de l’amour s’en suit entre les plus infortunés des bergers. L’amour idyllique de Lénio, désabusé, est opposé à celui de Tirsis, un amour qui veut le bien de la personne aimée considérée en elle-même, non comme moyen mais comme finalité.'
Bon. Alors là je ne dois absolument pas prendre les choses au pied de la lettre. J’ai dû me tromper avec les têtes couronnées. Le message est plus basique probablement. Que vient faire l’amour dans l’art de la guerre ? Peut être faut-il faire une transposition tout simplement et opposer une haine absolue de l’ennemi à une sorte de rancœur modérée ? Serais-ce une invitation de Cervantès à dépouiller la mise à mort de l’adversaire de toute jouissance vindicative. Serait-ce cela le secret d’une bataille rondement menée ? Égorger et étriper ses opposants avec respect ? (…) Passons :
'Nisida et Timbrio réapparaissent en quête de l’ermite. Tous les protagonistes se recueillent alors sur le tombeau de Meliso. La muse Calliope fait alors irruption et célèbre en cent onze octaves plus de trente poètes espagnols.'
Dans cet intrigant passage, il n’y a qu’un seul conseil évident. Rendre gloire aux maîtres de guerre tombés, prendre exemple sur eux. La muse Calliope n’est autre que Minerve en tenue de camouflage. Concluons :
'Contre toute attente le dénouement n’est pas heureux puisque le père de Galatea finit par la marier au riche berger portugais. '
Foutredieu ! Toute cette intrigue alambiquée pour en fin de compte conclure de manière aussi fataliste. Fichu Cervantès ! Soit je ne comprends rien à tes messages, soit tu es un mauvais chrétien qui ne croit ni au libre arbitre, ni au jugement dernier et qui rend honneur à la destinée et à l’inéluctabilité des choses !
' Dans le chaos de la poudre et du feu, des forces de la nature, les actions et la volonté d’un homme seul ne peuvent infléchir ce qui est joué par avance…'
Autant que chacun de nous ne pique un roupillon alors plutôt que de manœuvrer les canons avec peine et souffrance ! Au diable, tes mauvais conseils d’estropié !»
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S2RIEUX QUOI? RETOURNE JOUER A TA CONSOLE SUR DARK NAROUTO TU NOUS FOUTRA LA PAIX§§§
ghetto faboulous gang noir ici la famille sisi les bonhommes
De quoi tu parles jeune demeuré?
J4VIENS DE LA STRREET MON POTE ET MOI LES TEXTES COMME 9A CA VA DROIT TAU COEUR§§ OK?§§
Je tiens à dire que j'ai porté plainte contre ce texte TELLEMENT C4EST DE L AMERDE§§§
Je retire ce que j'ai dit. Alain Decaux est un petit joueur.
Et parler des manoeuvres et des postes dans la marine à voile dénote une connaissance approfondie.
Très marrant, le Rodrigo qui se pète la tronche dans ses métaphores.
On voit que Lapinchien tient compte des commentaires : dans "le destin voulut", il a superbement éradiqué le t pour faire plus vite à poster la 3è partie.
bande de sous étrons.
Ton texte est vraiment bien. Je m'en excuse. Je veux le publier. Je suis désolé. Je suis E.Zemmour. Toutes mes condoléances.
Je suis contre l'euthanazi.
"Nous quittâmes d’abord le Portugal pour faire route vers les Pays-Bas et y retrouver la flotte des vétérans d'Alexandre Farnèse troisième duc de Parme, avant, tout du moins nous l’avions espéré, de cingler ensemble vers l’Angleterre et y faire débarquer toutes nos troupes."
Celle-là je la garde, vu que je sais jamais quoi répondre quand on me demande "alors, ton weekend ?".
Bonjour vous avez déjà ouvert un bouquin d'histoire moderne ? bha voilà c'est à ce genre de bouse que ça ressemble, sauf à la 3ème personne,sauf que je savais pas que c'etait zonard ça, c'est de la merde HEINN ??? HEINNN ???
-y a pas de cul
-y a pas de cul
-y a pas malsanité.
et pis pète les couilles ça ressemble au script des "Tudor" sur Arteuh.
Tel le vampire je suce des vits.
C'est quoi ces "ne" qui trainent? genre "Le destin voulu que Marie ne décède prématurément" et "ne prenne le commandement de l’expédition"?
c'est MBDTC,s. Le narateur vient d'Oulan Bator et il t'encule à sec (j'ai reçu l'amour en héritage) Va chier ! et merci d'avoir raboté tes yeux sur mon texte.