David Waulkner contemplait les hommes qui se reposaient dans la vallée, quelques mètres en contrebas. C’était leur premier arrêt depuis deux jours. Ils avaient entassé leurs armes, pour la plupart de vieux pistolasers 503, et s’étaient regroupés à l’ombre d’un bâtiment abandonné. Ils n’avaient pas eu le courage de retirer leurs lourds vêtements de protection et dormaient dans leur crasse. L’air était lourd et les branches des arbres morts craquaient au vent.
L’un des hommes vint le rejoindre, le visage couvert de poussière.
- Tu ne te reposes pas ?
- Non M. Waulkner, ça va.
Puis, après un temps :
- Qu’est-ce que vous regardez comme ça ?
- Notre Faction. Elle n’est plus ce qu’elle fut jadis. A l'image de ces plaines désolées qui devaient être fertiles et riches, il ne reste plus rien de notre glorieux passé. Les hommes sont épuisés, la Faction est vieillissante. Nous avons connu trop d’échecs, nous avons perdu trop de camarades sans même avoir le temps de les enterrer. Je crois toujours à ce que nous faisons. Même lorsqu’une guerre est définitivement perdue, cela ne signifie pas que la cause était mauvaise. Mais les hommes… Les hommes ont besoin de gloire, d’admiration, et de fêter les victoires dans la boisson.
- Peut être que la Faction W erre depuis trop longtemps… peut-être que nous devrions retourner à Camp Baptiste.
- Camp Baptiste est trop loin et trop dangereux. L’orage va tomber. Il nous faut déjà repartir. Réveille les hommes, dis-leur que nous partons.
- Où allons-nous ?
- Dis-leur juste que nous partons.
Les hommes se relevèrent en marmonnant, les yeux à moitié fermés. David Waulkner était redescendu parmi eux et encourageait ceux qui se mettaient péniblement debout.
- N’oubliez pas le Fidèle de Jared. Nous en aurons bien besoin !
Ces quelques mots redonnèrent le sourire à la plus part des hommes qui entreprirent de pousser devant eux un adolescent enchaîné. A chaque pas il perdait du sang de ses multiples blessures. Il claudiquait plus qu'il ne marchait.
Ils parcoururent ainsi les plaines arides pendant plusieurs heures, alors que le ciel s’était assombri et qu’on entendait au loin l’orage s’approcher. Le vent emportait des tourbillons de sable et d'herbes sèches. Au loin, des silhouettes désarticulées se faufilaient entre les roches. Des mutants isolés qui n'osaient pas attaquer. A mesure que le ciel s'assombrissait, on les discernait de moins en moins.
David Waulkner fit s’arrêter la Faction au pied d’un grand rocher blanc, étonnament blanc, dont le sommet culminait à une dizaine de mètres du sol. Il observa longuement l’endroit, puis demanda à l’un de ses hommes de creuser un petit trou au pied du rocher. Lorsque ce fut fait, et alors que les premières gouttes commençaient à tomber, il y glissa un paquet et entreprit de reboucher le trou. Les hommes étaient nerveux et scrutaient les alentours sans relâche.
- Attachez le Fidèle au rocher, juste au-dessus du trou rebouché.
L’adolescent semblait si exténué, qu’il ne se débattait même pas. Les hommes l’attachèrent facilement. L’un d’eux lui mit une petite claque pour être certain qu’il soit bien réveillé.
- Maintenant que deux hommes me rejoignent en haut du rocher. Les autres iront se cacher. L’orage perturbe les machines, il faut agir maintenant.
Waulkner avait élevé la voix pour couvrir le bruit du vent qui avait redoublé de force. Deux hommes s’étaient spontanément rapproché de lui, et Waulkner fit signe au reste de la Faction de se replier. Ses deux compagnons commencèrent à escalader le rocher, et Waulkner se tourna vers l’adolescent à qui il parla doucement.
- Les hommes sont toujours heureux de sacrifier un Fidèle de Jared. C’est un peu un instinct animal, vois-tu. On aime voir couler le sang de son ennemi. Ils ont beau être de grandes brutes, ils apprécient l’ironie de voir un adorateur des machines être broyé par l’une d’elles. Je ne sais pas si cela t’intéresse encore d’une quelconque manière, mais je te le dis, moi cela ne me fait rien. D’ailleurs je n’aime pas l’ironie. Nous nous sommes trop souvent mal conduits, mais les membres de la famille Waulkner ne sont pas des barbares. Jutes des hommes qui se sentent coupables, et prêts aux pires choses pour essayer de réparer leurs erreurs passées.
Le Fidèle, presque inconscient, ne répondit pas. Alors Waulkner s’élança lui aussi sur le rocher, jusqu’à rejoindre ses compagnons au sommet. Il sortit de sa poche des jumelles optiques et une petite télécommande. Il scrutait la plaine tout autour, mais la pluie s’abattait violemment à présent et l’on n’y voyait pas à dix mètres.
Ils attendirent ainsi de longues minutes, immobiles et sans bruit. Le silence s’était insinué aussi tranquillement et complètement que la peur.
Soudain Waulkner leva lentement sa main pour faire signe à ses hommes que la machine était là. Par instinct, les hommes se recroquevillèrent encore un peu plus au sommet du rocher.
Au travers de ses jumelles, Waulkner observait sans mot dire le Silencieux s’approcher du rocher, dans la direction de l’adolescent. Lui, qui avait discerné la silhouette du robot, prenait seulement conscience de ce qui l’attendait. Il hurlait. Cinq mètres. Visiblement désorienté par l’orage, la machine s’approchait doucement, en silence. Trois mètres. Deux mètres. D’un coup les scies mécaniques se mirent en marche, et un très court cri étouffé déchira la pluie battante.
Waulkner saisit la télécommande et appuya aussitôt sur l’un des boutons. L’explosif qu’il avait enterré sauta dans un bruit de tonnerre, et le rocher commença à se fissurer de sa base jusqu’au sommet. La machine était détruite, mais le rocher s’effritait et d’un coup, tout s’effondra en gros blocs. Waulkner fut projeté à plusieurs mètres et roula dans la boue, ce qui le sauva. Ses deux compagnons s’étaient fait écraser - l’un d’eux criait encore, mais on entendait au son de ses hurlements étouffés par le sang qui inondait ses trachées qu’il n’y avait déjà plus rien à faire. Quant à l’adolescent, il n’en restait rien. Waulkner se releva, s’assura que le robot était bien inerte, ramassa les pistolasers de ses compagnons et commença à s’éloigner. Sans enterrer personne. Mais sous l’effet conjoint des lourds blocs de pierre et de la pluie, les corps broyés s’enfonçaient déjà dans la boue.
Trois hommes sacrifiés pour un Silencieux détruit. David Waulkner continuait à marcher, couvert de boue, rejoindre la Faction W. La pluie le nettoyait petit à petit.
LA ZONE -
« Le corps des femmes accouche d’enfants. L’esprit des hommes enfante des monstres. »
Hank Waulkner, cité par Alistair Greylawney, Livre.
Hank Waulkner, cité par Alistair Greylawney, Livre.
= ajouter un commentaire =
Les commentaires sont réservés aux utilisateurs connectés.
= commentaires =
C'est un bon début (puisqu'apparemment, il s'agit d'un début) presque trop court, mais qui laisse présager une suite tout aussi bonne. On rentre tout de suite dans l'ambiance, c'est juste dommage qu'il n'y ait pas plus de précision sur l'action en elle-même, mais c'est quand même vachement youkaïdi.
Moui. Je trouve certaines choses dommages, notamment Waulkner, qui, quand il parle fait très Bruce Willis au fond. Et un peu kitsch. Si c'est voulu, ça peut être superbe. Une sorte de Starship Troopers avec en fond une atmosphère qui n'est pas sans rappeler K. Dick. J'aime beaucoup l'atmosphère. Je suis donc impatient de voir la suite.
Et sinon question à l'auteur, histoire de voir si y'a un truc à cerner là : Jared, comme dans Jared Leto?
J'ai bien aimé. J'attends d'en lire plus pour donner un avis plus net, là c'est bref et éventuellement maladroit.
Ah oui, et pour avoir commencer la première phrase par un nom complet (et à consonance angloise), plein de trucs me sont revenus en tête, des trucs cool. Soit béni.
Je n'ai fait que survoler, ça pourrait être pas mal mais sans déconner, des pistolasers ? Pistolasers quoi ?
Merci pour les commentaires. Comme précisé, c'est la première des trois intros. Le texte séparé des 2 autres n'a pas grand sens, les trois ensemble en revanche commencent à dresser le tableau. Je suis très preneur de tous les avis et conseils.
Petite précision à ceux qui ont tiqué sur les pistolasers ou les personnalités Bruce Willis, le côté pastiche-populaire ou serie B est central dans le texte.
Une parodie de série B c'est pas censé être un poil marrant ou même léger ? J'aime bien le style concis, mais y a des détails qui manquent, genre un Silencieux, mis à part que ça a des scies mécaniques, ça ressemble à quoi ? Ils sont à peu près combien dans cette foutue Faction ? C'est quoi une Faction ?
La suite.
Niquel, ca peut donc etre tres bon. Et Asa, pense donc très fort à starship troopers, qui n'a en soi rien de si comique que ça. Et qui par contre est tres pastiche.
et je plusseoie donc. La suite!
Je suis complètement passé à côté du ton parodique. Du coup, j'ai aussi sursauté devant le mot pistolaser, et la présence de mutants. Rétrospectivement, d'accord, ceci explique cela, la parodie explique les clichés, mais, en même temps, on peut effectivement se demander l'intérêt si ce n'est pas drôle. Mais à trop se demander l'intérêt, on finit par ne rien écrire, il est vrai. Sinon, impossible d'en dire plus sur le fond.
Comme Hag, j'ai une impression de maladresse assez générale. Pas que ce soit exécrable, mais des maladresses. Rythme des phrases, souvent, assez plat. Cliché : les plaines arides. Répétitions du mot adolescent. Répétitions du mot hommes.
"Ils attendirent ainsi de longues minutes, immobiles et sans bruit. Le silence s’était insinué aussi tranquillement et complètement que la peur."... Ici, au lieu de "sans bruit", j'aurais attendu un autre adjectif. Tu as peut-être renoncé à "silencieux" à cause du début de la phrase qui suit, mais en fait la phrase qui suit rendait cette précision inutile dans celle-ci.
"très court cri" sonne mal. De plus : "cri étouffé" suivi par des "hurlements étouffés" un peu plus loin.
"Sans enterrer personne." Cette phrase san verbe me semble mal venue ici. Lourdeur de fond et de forme (a l'air de prendre un ton tragique pour souligner à quel point c'est horrible, et brise le rythme du texte dans la mesure où il y en a... bref, effet inutile).
"Il claudiquait plus qu'il ne marchait." Claudiquer, c'est encore marcher. Il suffit de glisser le mot claudiquer dans une phrase au lieu de marcher. Ou je ne sais pas. Mais de dire la même chose autrement.
Deux ou trois problèmes de virgules ici ou là.
Je vais tenter d'éclaircir un peu ce que je voulais dire par serie B... oh et puis non. La flemme. En tout cas je ne voulais pas dire comique ni parodique.
Merci pour les remarques ds. Je sais que ça a l'air de n'aller nulle part pour l'instant. J'aurai peut être du publier les trois textes d'intros d'un coup, mais là ça aurait sans doute été trop long...
cet anti-machinisme me semble être une entrave à l'avènement des grands ventilateurs, au fond. Je tiens pour les machines. Les machines sont nos amies.
Et surtout les machines vibrantes.
Il y en a pour tous les gouts. Les Fidèles, c'est des fans de machines. Un poil geeks un poil cons.
Le Grand Ventilateur me paraît être une excellente suggestion. Je le note dans la catégorie "idées pour saboter l'histoire".
Dans la deuxième intro vous pourrez découvrir (roulements de tambours) pas d'action, pas de partouzes à géométrie variable, pas de sang couleur ketchup, mais des statues et quelques moines. Vous êtes impatients je sais.
Les grands ventilateurs, au pluriel et sans majuscule. Aucun rapport avec le grand Ordinateur. Et ils ne sont pas une suggestion, ils sont une certitude, je les entends déjà tourner. Ils tireront profit des marées lunaires, de la force de coriolis, du mouvement de nutation, ils seront huilés comme ta soeur, et ils protègeront des pustules (quoiqu'en disent certains mauvais esprits).