De la maison d’en face, derrière les rideaux crasseux, une matrone à la voix rogomme houspillait son fils et l’exhortait à manger son petit-déjeuner préparé avec un amour sincère dans une vaisselle douteuse. Des coups du plat de la main martelant la table ponctuaient son discours aigu. Le môme ne répondait pas, il devait pleurer en silence, de grosses larmes coulant dans son bol de lait refroidi.
La petite vieille d’à-côté poussa la porte de sa maison et, voûtée par la vie, se mit à semer des croûtons de pain à l’intention d’une bande de pigeons hideux déjà prêts à restituer copieusement ce repas sous forme de fientes blanchâtres qui boufferaient les corniches de leur acidité. Elle portait une robe grise trop courte, un châle en laine gris et des charentaises grises, sans doute pour mieux se fondre dans ce décor. Des chaussettes bleues accentuaient cette grisaille. Sur ses mollets amaigris, de belles et grandes varices s’épanouissaient. Elle sourit en voyant ses chers oiseaux se précipiter sur cette quotidienne pitance et rentra chez elle de son pas traînant, raclant le sol d’un chuintement saccadé.
Un chien bâtard, accroupi de façon ridicule, les pattes tremblantes, la queue frémissante, le regard triste, tentait de pousser sa pauvre crotte, l’air de s’excuser. Comme si une merde de plus dans ce bourbier changerait quelque chose à toute cette laideur. Lorsqu’il y parvînt, il la renifla et reparti vaquer à d’autres occupations.
Un poste de radio dégueulait les mérites d’une poudre à lessiver, un nouvel attentat en Irak, le nouveau tube de l’été et le montant de la cagnotte à gagner. La voix enjouée du présentateur en costume, que l’on devinait parfumé, soigneusement coiffé, contrastait avec le décor, le rendant presque anachronique, et ajoutait à l’écoeurement.
Quand il pleuvait de cette coutumière pluie gluante et visqueuse, une sorte de brume fumante émanait de la cour, l’enveloppant dans un brouillard odorant qui s’estompait peu à peu à mesure qu’il s’élevait vers les toits, les franchissait, et allait polluer la rue. Aujourd’hui, par chance, il ne pleuvait pas. Le soleil radieux posait ses rayons délicats sur la lie du monde. Il n’y avait donc que des mouches, des grosses, vertes, qui bourdonnaient leur joie de vivre sur cette fange. Elles volaient, nerveuses, d’une saleté à l’autre, la trompe inquisitrice, les antennes alertes, se délectant de toutes ces saveurs délicates.
Plus loin, pas assez, quelques usines sordides projetaient vers le ciel des fumées brunâtres que le vent rabattrait sur cette cour comme si tout ce que la terre comportait de saletés et de laideurs devait finir ici. Les murs des maisons, anciennement blanchis à la chaux, en portaient les stigmates sous forme de traînées jaunes dégoulinant vers le sol et se mélangeant avec des traces d’éclaboussures diverses. La blancheur d’antan n’était plus qu’un souvenir.
L’égout, à demi bouché, happait avec gourmandise tout ce qui se présentait à lui. De temps en temps, la nuit surtout, un rat venait passer son museau entre les barres métalliques, reniflait longuement, puis s’aventurait au-dehors pour y trouver de quoi se remplir l’estomac. Le jour, le tas de détritus appartenait aux chats et aux pigeons. La nuit, les rats y régnaient. Accord tacite entre ennemis jurés, mais les chats ne faisaient pas le poids face à ces monstres énormes et agressifs.
Il referma la fenêtre, promena un regard presque amusé sur son studio et y vit plus ou moins la même chose qu’au dehors.
L’évier rempli de vaisselle sale débordait d’assiettes maculées de nourriture séchée, de tasses et de verres collants et de casseroles remplies d’eau croupie, grouillante d’une vie invisible. La table bancale était recouverte d’une nappe douteuse où les repas de ces dernières semaines étaient lisibles. La radio murmurait les mêmes conneries que celle du dehors. Les mouches, plaquées au plafond se déplaçaient lentement, repues. Parfois, l’une d’elles allaient s’empêtrer dans une toile d’araignée. L’odeur était insupportable pour quiconque n’y était pas habitué.
Il regarda une nouvelle fois par la fenêtre. Cinq mètres environ, c’était à la fois trop haut et trop bas. C’était un coup à se rater et à finir sa vie dans une chaise roulante, un lange au cul et un bavoir au cou.
Il haussa les épaules et décida sereinement de se recoucher…
Maussade, les yeux embués de sommeil, il ouvrit la fenêtre qui grinça dans le matin pâle. Un bref regard circulaire sur la cour commune suffit à le convaincre de la banalité glauque de cette journée qui commençait et serait semblable aux précédentes. Des poubelles éventrées par les chats du quartier répandaient leurs couches sales, leurs épluchures de pommes de terre, les boîtes de conserves vides d’où suintait de la sauce tomate ou de l’huile, et mille autres choses encore toutes puantes et graisseuses. Un immonde bric-à-brac de jouets cassés, de sommiers usés, de meubles bancals, de vêtements déchirés, de tous ces objets devenus inutiles composait une montagne de banalité. De simples relents de vie…
= ajouter un commentaire =
Les commentaires sont réservés aux utilisateurs connectés.
= commentaires =
Prendre un économme.
Le tenir de la paume en pointant le pouce parallèle à la lame.
Prendre Amélie Poulain.
Lui carrer le pouce dans l'anus et planter la lame la ou cessent les rides du trou de balle.
Faire une incision circulaire par petit à-coups.
Laver et ranger l'économe une fois Amélie Poulain désanussée.
Entrer sa main dans la plaie (un peu comme un fist fucking qu'aurait foiré)
Serrer la main très fort sur ce que vous chopperez.
Tirer un grand coup sec en vous aidant de posant vos pieds sur les fesses d'Amélie jusqu'a ce qu'elle ne soit entièrement retournée.
ça doit être à peu de chose près la recette pour faire un texte comme celui-ci.Et bon appétit bien sûr.
Les chats et les pigeons fraternisent autour des tas de détritus, maintenant ? C'est encore pire que je ne croyais.
C'est pas mal, mais, évidemment, "pas mal" c'est en général un peu chiant. On t'avait dit des ragondins, pas des rats. Sinon, merci, on manquait de textes sur le suicide. Oui, je sais, j'en avais fait un aussi, autrefois, jadis.
L'argumentation descriptive ne me convainc pas trop, j'ai pas vraiment l'impression de lire un truc neuf, m'voyez. Les poubelles/le bourreau d'enfant/la vieille aux pigeons/Irak/machine à laver, c'est pittoresque mais pas tout le monde s'appelle Baru. Là c'est une question de sincérité, j'en trouve pas.
Perso, pour toute la partie descriptive, je n'aurais gardé que ça ou presque : "Quand il pleuvait de cette coutumière pluie gluante et visqueuse, une sorte de brume fumante émanait de la cour, l’enveloppant dans un brouillard odorant qui s’estompait peu à peu à mesure qu’il s’élevait vers les toits, les franchissait, et allait polluer la rue. Aujourd’hui, par chance, il ne pleuvait pas. Le soleil radieux posait ses rayons délicats sur la lie du monde. Il n’y avait donc que des mouches, des grosses, vertes, qui bourdonnaient leur joie de vivre sur cette fange. Elles volaient, nerveuses, d’une saleté à l’autre, la trompe inquisitrice, les antennes alertes, se délectant de toutes ces saveurs délicates."
Après, le texte me semble un peu déséquilibré aussi mais bon je me sens pas capable de rentrer dans les détails techniques.
C'est platement chiant, ce qui veut effectivement dire que ça ne parvient même pas à être tout à fait chiant. C'est bidimensionnel en tous points, nasement déséquilibré, d'un manque d'intérêt poliment silencieux.
J'aime bien les allusions aux animaux. Les chats, oui, très bien, j'aime les chats. "Un chien bâtard, accroupi de façon ridicule" ça me plaît. Ca manque de sangliers, mais passons.
Non pour le reste ce qui est dommage c'est qu'il y a trop d'adjectifs, l'auteur veut trop tirer de force son texte vers le sordide et le Glaüque. D'ailleurs ça commence par "Maussade, ..." et ça c'est pas bien. C'est comme le chien, qui se fout de savoir si c'est un bâtard, d'ailleurs personne sait reconnaître une race de chien pure, d'ailleurs on s'en fout et du coup ça fait too much, et point trop n'en faut.
Voilà. J'aime si on retire les adjectifs et puis la fin aussi.
J'y ai vaguement vu un truc pas très éloigné d'un texte à bibi, Refrain des heures. Et du coup, en relisant mon propre texte, je me suis dit que j'avais été économe en animaux farfelus pour une fois.
commentaire édité par Nico le 2010-7-22 22:59:28
Je trouve pas le texte chiant, parce que j'adore les descriptions, mais plat certainement.
D'abord une incohérence selon moi :
" une matrone à la voix rogomme houspillait son fils et l’exhortait à manger son petit-déjeuner préparé avec un amour sincère dans une vaisselle douteuse. Des coups du plat de la main martelant la table ponctuaient son discours aigu. Le môme ne répondait pas, il devait pleurer en silence, de grosses larmes coulant dans son bol de lait refroidi. "
"Rogomme" est très évocateur, là c'est une bonne voie. Mais pourquoi la voix rauque est elle décrite comme aigue quelque lignes plus loin. C'est une contradiction vraiment bête qui pouvait être évité en écrivant plutôt " discours qui devenait aigu " ou partait dans les aigu " ou n'importe quelle autre connerie, mais là non !
Sinon pourquoi il chiale le gamin alors qu'on lui prépare un
petit-déjeuner préparé AVEC UN AMOUR SINCÈRE. BORDEL C'EST PAS RIEN UN AMOUR SINCERE ! Donc si il se fait engueuler malgré ça faut vraiment le développer et l'expliquer un peu, sans ça là aussi c'est un contresens.
Le texte passe finalement presque à chaque fois à coté de ce qui pouvait en faire son intérêt par manque de développement je trouve. En fait c'est un brouillon d'un truc qui pourrait avoir plus de gueule, même en restant dans les clichés de la vie en banlieue dans les années 60.