Je suis insignifiant, à mes yeux comme aux yeux de tous, ma souffrance est insignifiante, pourtant elle englobe mon être, le ronge, tapisse les murs alentour, se retrouve dans chaque cellule de chaque chose, vivante ou non, empreinte indélébile.
Je marche, et tout ce que je vois ne sont que les stigmates de nos erreurs, dont on continue de se délecter, comme de joyaux. Tout ce que je vois, c’est la bêtise humaine qui transpire par les pores de chaque mur, chaque bâtiment, chaque enseigne.
Que tout brûle, putain.
Le macadam craque sous mes pas, puis se fissure en de profonds sillons, qui s'engorgent presque aussitôt de lave. Les arbres alentour s'embrasent, et le ciel vire à l'orange. Les pneus des véhicules éclatent sous la chaleur montante, et j'entends les premiers cris de désespoir. La douleur se lit alors sur les visages de ceux qui, il y a une minute à peine, ne se préoccupaient même pas de leur existence. D'un geste de mes bras, les sillons deviennent cratères, qui vomissent des geysers de flammes. Les cris s'intensifient, les corps commencent à se consumer. Une femme, le corps calciné, vomissant la souffrance qu'elle ne peut plus hurler, tend un bras étriqué dans ma direction, geste d'espoir futile, puis se désagrège. Je crache de dépit sur le tas de cendre qu'elle est devenue. Tous faibles, tous.
J'avance, inexorablement.
J’apprivoise peu à peu mes funestes capacités. Tous seront cendres, car J’ai parlé.
Les arbres, autrefois verdoyants, ne sont plus que de pauvres cure dents étriqués. Les craquèlements des flammes sont doux à mes oreilles, je me laisse bercer, les yeux mi clos, et bientôt je suis seul. Plus rien n’existe, j’ai arrêté le temps. Les hommes, vieux souvenir, me sont enfin agréables. Devant mes yeux, le chaos originel, le vide, le Rien.
Alors, dans un dernier geste, mon corps -ultime ordure- s’embrase, et j’épouse l’essence de ce qu’est devenu le monde.
Libre. Libre…
Puis, rien. J'ouvre les yeux, et remarque que je n'ai cessé de marcher depuis lors. Toute l’ordure que je croyais avoir chassé est là, dans son horrible splendeur. Je surprends mon image dans une vitrine, un stupide sourire de contentement sadique aux lèvres. Putain.
Et je n'ai vu qu'un homme, sur la vitrine; j'ai vu de la merde, du vide. Des os, des viscères, de la peur.
Rien.
Tous ont les yeux rivés sur moi, le Rien, et la journée est belle, et je n’en ai rien à foutre, parce que mon esprit n’est pas à la contemplation, non, il est tout entier à la peur et au dégoût, mais bientôt, tout cela ne sera plus, parce que je n’en aurai plus rien à branler de leurs vies stupides, ni de la mienne, VOUS ENTENDEZ TAS DE PUTES???? HAHAHA JE M4EN BRANLE MAINTENANT DE VOS CONNERIES? VOUS POUVEZ ALLER CRAMER AVEC VOS FEMMES ET VOS BARS ET VOS ALCOOLS A LA CON? VOS RESPONSABILIT2S 0 2 BALLES QUI N4ENGAGENT QUE VOTRE ESPÈCE DE TAR2S, même pas capables de réagir, et moi non plus somme toute, putain j’ai envie de vomir hahaha, ça pue cette merde, est-ce que ce soir ils vont raconter ça à leur femme devant le journal télévisé avec leur chiards de merde gras et puants déjà de suffisance?, mais ma gueule putain, du spectacle maintenant, parce que bon, ils n’ont pas le temps, ces enfoirés, il faut encore qu’ils bouffent, chient dorment baisent pleurent picolent regrettent recommencent jusqu’à en crever, ça prend toute leur énergie, c’est normal; aller au boulot maintenant, je crois que les vapeurs me foutent en vrac, j’ai envie de rigoler putain, je tremble, bordel mais je vois plus rien, aller une clope putain, vite, ça ne fait rien, je fume je fume ça ne fait rien BORDEL MAIS POURQUOI? AH VOILA J4AI CHAUD, putain c’est agréable, mais je m’en fous que ça soit agréable, sois lucide, bordel de petit enfoiré incapable, ça y est , j’y vois, les pompiers sont là, du coup comment ils vont s’y prendre? M’éteindre ou venir me chercher d’abord? Putain j’ai mal ça y est, encul2 DE PUTAIN DE MERDE VITE QU4ON M4AIDE? MAIS NON ARRÊTEZ BORDEL? PUTAIN RIEN 0 FOUTRE JE SAUTE§
J’ai juste aperçu le sol, puis rien, pas même une douleur, rien qui vaille la peine, juste cette putain de voix qui ne veut pas s’éteindre, la salope.
Tous semblables, tous. Je n’aime pas être confronté à ça. Le même mécanisme, toujours. La même foule, les mêmes gestes, les mêmes désirs. Les mêmes besoins. L’homme, et son libre arbitre, esclave de sa chair. Tout ici bas est régi par le cerveau reptilien, et l’hypophyse, cet enfoiré, et le mien est pire que tous, trop gourmand, exécrable. Le reste, ce n’est que prétextes, et ça me fatigue.
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C'est cool.
La première partie chiante et banale qui se fait dessoudée par le dernier paragraphe, c'est du bonheur. Vraiment bien aimé.
Caps lock makes difference.
Sinon, c'est plutôt jouissif, malgré les quelques premières lignes.
Si le caps lock sauve tout, alors...
CAPS LOCKS EST UNE TOUCHE POUR LES PETITS JOUEURS! VA DONC ECRIRE UN TEXTE EN CtrlAltSuppr.
notation musicale : http://www.youtube.com/watch?v=mjAN3zH-X9E