LA ZONE -

Glissades et enfantillages

Le 23/02/2010
par Ezna
[illustration] Je me suis réveillé avec la sensation d'oublier quelque chose.

Cette nuit il avait neigé de la cocaïne.
Le silence avait envahi la piaule. Un silence alcaloïde.


Alors j'ai bondi, saisi un stylo bic qui trainait à point nommé sur mon bureau et j'en ai férocement arraché la cartouche d'encre avec les dents.
J'ai ouvert la fenêtre et j'ai scrupuleusement inhalé le rebord. Mon premier rail.
Je me suis dit que tous les matins devraient commencer ainsi.

Bordel, j'avais une furieuse envie de faire des glissades. J'habite une de ces bâtisses biscornues de l'intérieur, pourries de l'extérieur. Mais encastrées en amont d'une venelle sinueuse et pentue qu'on trouve encore dans les vieilles bourgades de province. En somme, idéal pour une glissade si tant est qu'on a le cul dérapant et équipé d'un anus assez solide pour tolérer un dallage approximatif.
Alors j'ai pris deux gros tournevis et je suis sorti de chez moi. Tout enhardi j'étais, et déterminé à aller me cueillir un des ces petits branleurs qui vadrouillent souvent en haut de la ruelle, un sac poubelle voire une petite luge en main dès les prémices de l'hiver.
Sauf que ce n'était pas l'hiver mais encore un de ces putains de mois d'août brûlants qui déciment les vieillards et les nouveaux-nés négligés.
J'ai mangé une boule de coke et je suis sorti.

J'ai trouvé quatre gamins en haut de la pente. Comme prévu. Sauf qu'ils n'avaient ni luge ni sac plastique mais bien un ballon. Les cons.
L'un d'eux se cognait frénétiquement la tête dans le ballon qui m'apparut trop mou, un autre, grassouillet, gisait sur le sol, l'air mort ou très fatigué, un filet de bave mousseux sur le coin des lèvres. Un grand maigre marchait stupidement dans un mur et je notais que son front prenait une teinte violette probablement parce qu'il percutait régulièrement les solides pierres. Je lui fit part de mes impressions et de son erreur probable mais j'imagine qu'il n'en eut rien à secouer. Trop jeune.
Le dernier semblait plus agé, moins siphonné que ses camarades il avait l'air presque sain. Il m'a toisé avec attention sans rien dire, puis j'ai senti son regard s'attarder sur mes tournevis. J'ai cru percevoir comme de la panique. La paranoïa.
Je ne sais pas pourquoi mais j'ai gueulé avec bienveillance:
"TU VEUX LES VOIR ?" Bordel que le geste était saccadé aussi. Le môme s'est enfui à toutes jambes. Camé.

J'ai saisi le petit gros qui n'avait pas l'air bien, empoignant le gras de sa nuque d'une main et un mollet de l'autre et puis je l'ai lancé dans la pente. D'une force ! J'avais décidément une pêche d'enfer. J'ai bouffé 10 bons grammes de neige qui trainaient sur ma manche en regardant le goret s'enfoncer dans un mur quelque mètres plus loin. Lamentable.
Trop court, trop dense et surtout pas assez lisse, le gosse ne s'était pas révélé à la hauteur de mes espérances.
Le grand con avait l'air plus plat. Il avait cessé d'avancer dans le mur et avait préféré s'asseoir. Son front ruisselant coloriait les cristaux d'un rouge profond. Il y a du débit dans le front.
Je lui ai expliqué que j'avais besoin de son aide pour glisser. Comme il n'avait pas l'air de vouloir arrêter son coloriage, j'ai eu une idée. J'ai enlevé une brique branlante du mur et puis je l'ai donné au gamin au ballon. En échange de son ballon. Il s'est donné deux beignes et puis il s'est assis, lui aussi. Et il a commencé à colorier de son côté.

Alors le grand gamin s'est allongé sur le ventre et j'ai réalisé qu'une formidable opportunité se présentait à moi. J'allais me mettre au surf.
J'ai poussé ma planche dans la pente et je suis monté dessus. J'ai senti deux ou trois craquements et puis tout le bordel a fini par se stabiliser.
Avec un pied, j'ai commencé à me lancer et puis on a gentiment pris de la vitesse. Pas trop vite non plus. A notre rythme. Ma planche n'avait pas l'air de bien glisser alors il a fallut que je talonne à plusieurs reprises, parfois avec force et raclements.

Et puis ma planche a disparu et j'ai vraiment commencé à dévaler la ruelle à pleine vitesse. Par je ne sais quel miracle je fusais à toute allure sur mon surf immatériel, dépassait ma baraque, effrayait quelques badauds et, me rapprochait inexorablement du croisement avec la route.
Quelques mètres avant l'arrivée, le charme s'est rompu.
Je me suis vu courir comme un dératé sur un sol désespérément dallé, un œil rebondissait à mes côtés, le nerf optique collé à ma semelle. Et puis j'ai aperçu le gros camion blanc, à l'angle de ma rue et de la départementale, à nouveau.
"Non par pitié, pas encore..." sanglotais-je en essayant vainement de stopper ma course.
La terreur m'envahit violemment; un courant d'air chaud parcourant mon corps creux des pieds à la tête puis le frisson qui survient avec un retard semblable au son après l'éclair.
J'avais peur, non pas de mourir, ça je l'avais déjà accepté plusieurs fois. J'avais peur d'oublier.
"SOUVIENS TOI BORDEL DE MEEEEEEEEEERDE"

************

Je me suis réveillé avec la sensation d'oublier quelque chose.

= commentaires =

Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 23/02/2010 à 23:25:08
la fin est merdique, le reste est génial.
ça aurait mérité un tournoi de curling avec deux gars qui sniffent à la place de balayeurs.
Narak

Pute : 2
    le 24/02/2010 à 18:13:10
Rien capté, mais pourquoi pas.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 25/02/2010 à 00:03:45
http://z0r.de/1516
.
    le 25/02/2010 à 10:11:38
Nul
Ezna

Pute : 0
    le 25/02/2010 à 17:14:08
luN
.
    le 25/02/2010 à 17:22:08
Cacophonie
Ezna

Pute : 0
    le 25/02/2010 à 17:30:49
Littéraire
Aesahaettr

Pute : 1
    le 25/02/2010 à 17:48:16
Rien capté, et surtout de l'idée redondante de vouloir à tout prix faire de la luge avec des gens mais pourquoi pas. Ça ressemble à l'expression d'un trip entre potes (hé mec, imagine il neige de la coke...). En ce qui me concerne ça n'a pas fait mouche mais que ce soit "littéraire" n'est pas un problème, c'est surtout que c'est un peu abstrus.
Ezna

Pute : 0
    le 25/02/2010 à 22:55:20
Hé ! T'as tout capté !
Burinayique

Pute : 0
    le 26/02/2010 à 06:56:56
Bon texte. Très bon texte, si tu changes la fin.
J'aime bien.
Kolokoltchiki

site blog fb
Pute : -1
    le 03/03/2010 à 17:18:47
La fin avec le camion est pas terrible. En revanche, revenir au début du texte à la toute fin ne me gêne pas, bien que ça aurait été plus interessant si le texte -le rêve, ou l'hallucination, ou le vide-ordure- avait été plus développé.

Sinon c'est du Festin Nu en plus soft. Bon.

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