LA ZONE -

Pour se désennuyer un peu

Le 20/12/2009
par Dégueulis
[illustration] Tout l'avait déçu. Tout le décevait constamment.
Tout commença par une femme, sale habitude. Il vivait depuis longtemps avec une bonne femme, une femme d'intérieur routinière et allant engraissant. Il avait pris la sentence maximum : fiançailles, mariage, maison à crédit, deux voitures, télé, nouvelle salle de bain, nouvelle cuisine. Avec une petite remise de peine toutefois, ils n'avaient pas d'enfants, ils ne pouvaient pas, la Nature est bien faite. Parfois.
Ne comptons pas sur cet espoir de mère déçue pour expliquer le manque d'entrain et la constance métronomique de sa vie inutile. Elle était ainsi, c'est tout, ayant trouvé un homme, elle l'avait harponné, agrippé, serré de toutes ses forces dans ses attentions ordinaires et prévisibles. Tous les samedis, aux alentours de 14h42, elle se laissait aimer avant de retourner à une autre position allongée, en un canapé trop mou où l'on ne peut que s'enfoncer devant un écran également mou.
Cela ne lui faisait rien, cette organisation verrouillée et chronométrée la rassurait même. Lui, en revanche, souffrait. Tellement profondément qu'il lui fallut une quinzaine d'années pour s'en rendre compte.
Désormais, il sentait très nettement ce malaise qui l'impressionnait lorsqu'il se trouvait chez lui ou chez sa femme plutôt ou bien encore chaque fois qu'il sortait avec elle, c'est-à-dire rarement. Tout son esprit hurlait, un interminable appel à un peu d'air frais, de changement, de liberté. Il aurait voulu secouer sa femme pour voir quels fruits en tomberaient mais sentit qu'elle n'existait déjà plus, elle ne mourra jamais, elle était tout simplement hors du temps ou plutôt dans une boucle du temps.

Puis vint le travail. Ouvrier spécialisé dans une usine d'aéronautique, il faisait défiler des pièces, apportant de sa main sûre et expérimentée une légère transformation. Ébavurer, fraiser, percer, meuler à une vitesse incroyable, ses gestes semblaient aussi naturels que ceux des machines qui l'entouraient. Cela lui convenait, l'automatisme permettait à son esprit de vagabonder. Mais venait toujours la pause déjeuner, longue, à peine une heure pourtant, où il s'était lassé d'écouter et parfois de participer à ces discussions d'ouvriers obtus, fermés à tout sujet moins terre-à-terre. Les mêmes revenaient sans arrêt, il les avait classés mentalement par leur platitude décroissante : la politique, l'argent, le foot, la maison, les querelles de droit, les impôts, les voitures, les contrôles de police, l'emplacement probable des radars ce jour-ci, la météo, le sexe.
Tout était débattu sans aucune finesse, aucune recherche, aucune connaissance. On croyait des sourds se parler entre eux sans l'aide du langage des signes. Là aussi, une boucle dans le temps s'était formé bien que parfois, un collègue partait remplacé par un plus jeune identique en tout point aux autres.

Ses amis, sa famille l'ennuyaient à présent, il ne put bientôt plus différencier les réunions de famille et les soirées bière d'avec cette pénible heure de pause repas. Il les avait côtoyés, discutés sans jamais rien échanger de fort, sans qu'une quelconque de ces personnes ne put l'aider à porter sa joie ou sa peine. Par devoir.
Aucune distraction ne l'amusait plus, il avait essayé beaucoup de sports différents, des ateliers créatifs, tenta de se cultiver, de s'impliquer dans des associations avec toujours la même lassitude après 3 ou 4 mois à peine plus intéressants. Même la joie de posséder et d'acquérir qui égaye habituellement les imbéciles ne le touchait pas, c'est dire.

Une chose toutefois ne l'avait jamais déçu. Il était né au bord de la mer et n'avait jamais pu s'en éloigner, il avait déménagé bien sûr mais d'une côte à une autre. Toute son enfance, son adolescence puis sa vie en somme avait été lié à cette incroyable quantité de flotte.
Il la découvrit très jeune, le premier souvenir que sa mémoire avait enregistré était la sensation de ses pieds dans l'eau.
Il n'avait pas les mêmes jeux que les autres mouflets, au lieu de se servir d'une pelle et d'un seau pour reproduire dans la pureté de l'endroit l'ignoble trace que l'homme imprime habituellement dans les beautés de la nature, lui délaissait ces outils pour jouer dans les vagues quelque soit la température de l'eau. Il n'allait pas bien loin au début, son corps frêle eût été emporté et sa mère le couvait de son œil, maternel évidement.
Il était attiré par cet horizon dégagé, libre, sans vraiment savoir pourquoi. Il ressentait souvent le besoin d'y aller, si ce n'est pour se baigner, au moins pour la regarder, la sentir et l'entendre. Les premières émancipations lui permirent d'affirmer cette attirance pour l'océan, on le laissait désormais partir seul vers les plages et les falaises de la région. Il connaissait tout de cette amie, le battement régulier, ample et infini des marées, la houle et la force des vagues, la configuration des fonds. Il avait appris cela à son contact, devenu bon nageur, il vadrouillait à peu près partout sur elle.
Quand vinrent les premiers toussotements de sa sexualité, il expérimenta les plaisirs d'une vague caressant largement et d'un seul coup tout son corps et l'abandon de soi dans une lame de gros temps. Ce n'était certes pas l'humidité chaude d'un vagin ou le galbe et le rebondi d'un sein dodu mais il ne connut ces jouissances qu'après celles de l'eau. On n'oublie jamais sa première fois. Il avait développé un lien affectif extrêmement puissant avec la mer, son esprit la considérait anthropomorphe à présent, il traduisait ses états par des sentiments humains et lui parlait lors de ses ébats. Une maîtresse secrète.
Émancipé, ce lien se consolida encore, elle était l'appui dont il avait besoin face à toutes les contrariétés et restait des heures avec elle ou en elle pour se réconforter. Cela lui rendit plus supportable son emprisonnement dans la routine et faisait couler un peu d'adrénaline pure dans ses veines ramollies. L'imminence d'une noyade dans le remous glacé, la vitesse à laquelle on pouvait être propulsé par la lame l'excitait et lui faisait palper la vie qu'animait son corps.

Dorénavant, rien ni personne ne semblait avoir d'existence que ces vagues déferlant sans arrêt et le renouvellement dans l'inconstance de toutes les postures et les attitudes de l'océan. Aucun souvenir d'un bain ou d'une contemplation ne pouvait un évoquer un autre qui lui soit semblable.

Tout l'avait déçu. Tout le décevait constamment. Hormis la mer.

Il ne prit pas vraiment la décision, il lui devenait normal de vivre là où il avait toujours été heureux, il refusait de souffrir à nouveau. Il partit de partout comme à son habitude pour un bain vespéral. Sa femme, les badauds en balade, les quelques surfeurs qui le virent passer : on ne s'étonna pas.
Eux non plus n'existaient plus, c'est pourquoi il ne se retourna même pas lorsqu'on l'appela, le voyant partir vers le large. Il s'éloignait lentement à grandes brassées, nagea longtemps, profitant de ses qualités d'athlète. Il était assez loin lorsque la nuit tomba, il ne voyait plus de terre autour de lui seulement de l'eau à perte de vue et le vol rare d'un oiseau de mer égaré. Il n'avait aucune peur, son corps et son esprit était en paix, peut-être savait-il déjà.
Il s'unissait à celle qu'il avait toujours aimé sans jamais le savoir après avoir quitté ceux qu'il haïssait sans jamais le savoir. Il poussait à l'extrême le lien qui les unissait depuis qu'il l'avait vu, depuis toujours.
Un vent d'ouest amena de colossales vagues sur lui depuis le cœur même de l'océan, aux oscillations qui le secouaient, il jugeait que les vagues atteignaient sur ces hauts-fonds une hauteur d'environ 10 mètres, il en entendait l'extraordinaire fracas un peu plus loin. Ce bruit l'excita et apporta un souffle nouveau dans ses muscles et son esprit, il se plaça plus près des vagues pour en saisir une.
Elle se levait à peine qu'il avait déjà atteint une vitesse inconnue de lui, il glissait sur le ventre dans le ventre de la vague, il en avait presque mal. De l'adrénaline pure inondait son sang, dilatant ses pupilles. Et la vague montait encore, il y glissait à mi-hauteur et pouvait voir selon sa posture, un tube gigantesque se former au-dessus de lui. Il entendit au loin le même fracas que tout à l'heure, le tube se refermait et l'air piégé dedans fut soufflé comme par une explosion. Il fut projeté plus loin sur la vague, où elle déferlait toujours, un peu assommé mais plus conscient que jamais.
Il se trouvait maintenant de nouveau dans le tube, il admirait l'acoustique nouvelle créée par ces murs d'eau si lisses et transparents qu'il pouvait voir la Lune au travers.
Il n'en profita pas longtemps, la vague se recroquevillait sur elle-même, s'emprisonnant elle-même et tout ce qu'elle contenait dans un remous inextricable, une juxtaposition de courants violents et contraires.
La formidable pression exercée sur son corps lui fit expulser tout l'air de ses poumons en lui brisant les côtes, il rendit tout ce qui n'était pas fixé à son corps, tous ses organes se vidèrent d'un coup, tous ses fluides corporels retournaient à la grande soupe primitive. Les différents courants qu'il rencontrait l'amenait en tous sens, l'écartelant au maximum de sa souplesse en lui cassant peu à peu les membres et en contrariant sa colonne vertébrale. Cela se déroulait trop vite pour qu'il ait mal et l'adrénaline ne laissait pas passer la douleur de toues façons, il vivait ainsi un moment proche de l'orgasme, le plus extraordinaire de sa vie, entouré d'eau et du chaos qui l'avait toujours fasciné.
Brisé, vidé, son corps n'en tenta pas moins d'inspirer une dernière fois, réflexe imbécile d'une vie qui garde toujours un espoir, même infime que l'air ne soit pas si loin ou que l'eau puisse se respirer. Ses poumons s'ouvraient malgré les blessures et il put sentir, centimètre par centimètre, la fraîcheur de l'eau qui envahissait sa gorge, sa trachée, ses poumons jusqu'à la plus infime ramification.
Son esprit vivotait encore, il songeait ni à la mort ni à ce qu'il laissait derrière lui. Il jouissait de l'union qu'il venait de réaliser avec son amante, dans l'eau de leur corps et le froid qui les parcourait. Il s'imaginait sentir jusqu'à la moindre vaguelette s'écrasant sur les plus lointaines côtes, les abysses, les îles ou les hauts-fonds. Il sentait le glissement des créatures vivants en son sein et le bonheur qu'à la mer à briser et engloutir les Hommes qui la prennent.

Un corps fut retrouvé quelques jours plus tard, sur une plage une centaine de kilomètres au nord, gonflé et bleui. Les goélands s'étaient déjà repus de la plupart des chairs.

= commentaires =

Lapinchien

tw
Pute : 6
à mort
    le 20/12/2009 à 20:37:31
hihi le nouveau commenmateur de texte est tres drôle. Il file bien les coups de pieds dans les burnes aux auteurs et dit des gros mots drôles. C'est bien, ça donne envie de lire pour critiquer. (CERTIFIED)

Commentaire édité par Lapinchien.
    le 20/12/2009 à 20:37:31
Je vais commencer par me bourrer la gueule, suite au traumatisme lourd consistant à avoir vu sur la Zone un titre inspiré de Georges Brassens. Ensuite j'essaierai de lire ce texte.

A quand Jean Ferrat, bordel, à ce train-là.
Kwizera

Pute : 1
    le 20/12/2009 à 20:42:04
C'est votre nouveau concours, Glaüx et LC, après de les poster à 22h22min22sec, de poster à la même seconde vos commentaires ?
Lapinchien

tw
Pute : 6
à mort
    le 20/12/2009 à 20:48:40
preuve est faite que je ne suis pas Glaüx. sinon et si on s'intéressait au texte et à l'auteur ?
Kwizera

Pute : 1
    le 20/12/2009 à 20:55:58
Le texte est pas mauvais, pas mal écrit. Il rejoint la longue liste de ces textes censés décrire l'ennui d'un type dans notre monde. Soit. Mais pourquoi faut-il ennuyer le lecteur de surcroît ?
nihil

Pute : 1
void
    le 20/12/2009 à 21:00:22
"sinon et si on s'intéressait au texte et à l'auteur ?"

Ahah et en plus il l'a fait, le con. Non mais Kwizera, c'était un bizutage en fait. Personne ne s'intéresse aux textes ou aux auteurs.
Kwizera

Pute : 1
    le 20/12/2009 à 21:21:31
C'était ça mon bizutage ? 'Tain la Zone c'est vraiment plus ce que c'était ; je m'attendais à une séance de viol collectif avec des loutres et des récitations sataniques des textes du Duc.
nihil

Pute : 1
void
    le 20/12/2009 à 21:34:58
Coupes budgétaires. Des lapins nains, ça t'irait ?
Kwizera

Pute : 1
    le 20/12/2009 à 21:43:17
Je préférerais des canards, mais bon...
Hlxc

Pute : 0
    le 20/12/2009 à 22:42:04
Le résumé gâche l'ennuie de lire ce texte qui résumé ressemble au résumé.

Homme libre, toujours tu chériras la mer!
La mer est ton miroir, tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
    le 20/12/2009 à 22:45:46
L'amer, c'est bon avec de la bière.
Hag

Pute : 2
    le 20/12/2009 à 23:03:02
Barbara Gould seal of approval.
Lapinchien

tw
Pute : 6
à mort
    le 21/12/2009 à 01:41:23
C'est pas l'homme qui prend l'amer,
C'est l'amer qui prend l'homme.

J'ai adoré ce texte que je trouve très bien écrit, super visuel, un peu comme un clip video concept. Entre une pub pour le panaché Force 4 et la digne fin qu'aurait mérité cet enculé de Brice de Nice.
glopglop
    le 21/12/2009 à 18:03:48
Pas de style : "...allant engraissant..." ,
Pas de syntaxe : "...quelque soit..."
Ni style, ni syntaxe : "Désormais il sentait très nettement ce malaise qui l'impressionnait lorsqu'il se trouvait chez lui ou chez sa femme plutôt ou bien encore chaque fois qu'il sortait avec elle, c'est à dire rarement."
Yog

Pute : 2
    le 22/12/2009 à 16:44:30
Encore une victime du grand bleu, me dis je, appreciant tout de meme ce petit opus
Putsch

Pute : 0
    le 22/12/2009 à 20:12:58
C'est dommage, parce que c'est pas mal écrit en soi, bon c'est pas génial non plus, mais c'est pas mal.
Peut être que si la psychologie du personnage était plus induite dans l'action, qui serait, elle plus développée, ça aurait pu être moins chiant.
Là ça gave un peu.

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