Maman touche le fond

"T'es rien qu'un connard, t'es vraiment aussi con que ton père !"
J'acquiesce avec un grand sourire. Merci maman, je ne manquerai pas de lui transmettre le message dès qu'il sera rentré. Au fait, pourquoi ne divorceriez-vous pas ? C'est très à la mode, le divorce, et si ça peut nous éviter d'entendre tes aboiements de roquet, je t'en serai peut-être (oui, peut-être, n'abusons pas) reconnaissant. Si si, un peu quand même.
Chaque mot, chaque syllabe sortant de l'antre buccale de ma génitrice me fait sortir de mes gonds. Peut-être la crise d'adolescence.. Moi qui pensais l'avoir presque terminé, mais en fait c'est comme je ne sais quel jeu vidéo débile, y a plusieurs niveaux, haha. Pourquoi je ne fous pas le camp de chez moi ? Parce que je suis un fils-à-papa con comme un manche et que, connaissant ma mère, elle serait soulagée les 3 premières secondes et profiterait de la quatrièmes pour alerter les flics. Une mère poule quand même, eh ouais. Cot-cot. Je me dis, ou je me persuade qu'au fond je l'aime bien, c'est ma mère quand même. Tout ce blabla pour me rendre compte que je suis toujours en train de fixer ma chère maman avec des yeux de merlan frit et un sourire hypocrite qui commence à me crisper la machoire, à force.
"Et monte dans ta chambre, et en passant t'as du linge à ranger, j'en ai marre ça fait deux jours kiltrainelatévraimenkunabrutiettuménervejenaimarrejvaisretournerchezmamère.."
Comment dire.. retournes-y ? Je n'écoute pas la fin de son discours tant il est gorgé d'hystérie, j'aurais peur qu'elle m'explose à la gueule et je me serai retrouvé bien con, qu'est-ce que j'aurais dit à mon père quand il serait revenu ? Ouais, au fond il doit bien l'aimer lui aussi, c'est sa femme quand même, au fond.. Au fond d'son cul quand il la bourre, ouais. Quel comique, j'en pleure, un "haha" s'impose là aussi les amis. Je monte donc dans ma chambre afin d'avoir un semblant de calme, bien que j'entende quand même ses hurlements me rappelant une hyène en chaleur. Je n'en ai jamais entendu mais c'est comme ça que je les imagine. Faut que j'arrête de me faire rire, je vais finir par me pisser dessus et là, j'en connais une qui serait pas contente. Non mais je vous jure, au fond je dois bien l'aimer, hein, c'est ma mère quand même. Je m'égare je crois. Qu'est-ce que je disais ?
"Va sortir le chien ! !"
Non, non je ne disais pas ça.. (Comique, hein Louis ?) Mais bon si tu insistes je vais le sortir quand même, tes désirs sont des ordres et ce ne sont pas des paroles en l'air.
J'emmène donc la bête susmentionnée dans un parc pas très loin de chez moi, et j'accède au calme et à la tranquilité. J'ai l'impression de rêver, le parc est vide, le silence est presque total, on n'entend que le bruit de la rivière qui ma foi, a l'air gelée par ce temps. Ah non tiens, un bruit de moteur qui se rapproche. Oh, bordel de merde de pute de cul.
"Mais qu'est-ce que tu fous, ça fait une heure que t'es sorti et j'ai failli appeler les flics mais t'es vraiment un con mon pauvre garçon heureusement que j'ai pensé à venir ici ! Imagine si j'avais vraiment appelé la police, hein ? Tu te rends compte oui ou merde ! ?"
Ah ben oui, j'imagine bien, oui. J'ai presque envie d'en rire. Oh et puis merde, j'en ris, haha. Et j'ose même une petite folie, tant que j'y suis. Tandis que ma mère s'approche de moi, je la pousse de toutes mes forces dans la rivière. Petite boutade, je ne serai pas du genre meurtrier, c'est juste histoire qu'elle garde la tête froide, haha. Parce qu'au fond, je l'aime bien. En parlant de fond, la voilà qui coule. Bon, je la laisse encore un peu, elle ne sait pas nager.. Bah, elle sera reconnaissante si je la sauve. Je suis son fils, quand même. Et puis au moins, quand elle n'a pas la tête à l'air libre, je n'entends pas ses cris.
Putain, elle bouge plus. Merde. Merde. J'ai fait une connerie, je crois. J'hésite.
Oh et puis tant pis, dans le fond, je l'aime bien. Mais vraiment tout au fond alors.Tout au fond d'la flotte, haha.