Je ne fais que traverser les heures, tapis au fond de mon lit. Je pense. Je pense toujours trop. Les gens, les mouvements, actions de masse, évènements, morts, élections politiques de tout poils, naissances, drames humains, gestes héroïques, rien, rien à branler, de toutes ces conneries qui vous font oublier que votre vie est merdique, inutile, vide et illusoire. Tout est à court terme. Rien ne peut être concret, entier et simple. Tout est absurde et faux. Je reste là, à glander, à attendre un évènement, n'importe quoi. Je suis au téléphone avec mon ex-femme, une pouffiasse de quarante balais mal engrossée.
j'ai passé vingt ans à découper des quartiers de viande bovine, j'ai saigné des gorets et plongé mes mains dans leurs entrailles, pour me barbouiller de leurs tripes, comme le veux la tradition familiale. bouchers bovins de pères en fils. Une tradition aujourd'hui sans avenir puisque la famille ne compte plus de descendants mâles. Mon ex s'égosille de sa voix éraillée et criarde. Seul, j'ai créé mon affaire, gagné mon argent, payé mon modeste logement, et c'est pas une pauvre petite roturière un peu excitée qui va me la faire. Même si aujourd'hui je suis au chômage, et bientôt toucherai le minimum, et là, ce ne sera plus drôle. Mais pour l'instant, je préfère m'attarder à emmerder l'autre.
- Il serait temps de prendre tes responsabilités, vieux salaud, vieux connard, tu m'as pourrit la vie pendant...
Je raccroche. Cette vieille carne est toujours aussi conne, mal élevée et nerveuse, que depuis le jour où je l'ai connu. faut dire que dans certaines campagnes, encore aujourd'hui, les mariages s'arrangent. Pire que des musulmans.
ma fille viens d'avoir quatorze ans. Qu'est-ce que je peux bien en avoir à foutre. Il y a huit ans que je ne l'aie pas vue ou entendue. J'ai bien trop peur de perdre le contrôle et de la violer là, sous les yeux de sa pute de mère, que j'ai quittée le jour de l'accouchement, en geste symbolique. J'aurais dû la frapper dans le bide du plus fort que je pouvais, ça aurait pu éviter à ma fille de grandir entourée de cons.
Bon. On verra bien, j'y vais. Oui, je dois y aller, c'est ça, il faut que j'y aille, que je reste tranquille dans mon coin. Contrôle, il faut surtout que je garde le contrôle, pas paniquer, y aller et rester assis et sage en prenant un air niais et tout ira, oui, tout ira.
Trois heures sur cette putain de route engluée de tout ces abrutis qui s'excitent sur leurs volants. Trois heures que j'observe mon voisin de gauche en train de palucher sa gonzesse en lui pelotant les seins. trois heures que j'ai cette putain d'envie de les déchirer à coup de hâche, lui, sa pouf, et leur bébé qui dort sur la banquète arrière. peut être est-il mort, d'ailleurs. Il fait une chaleur lourde qui me tiens collé à mon siège, comme soudé par la sueur. Et ces deux porcs sont comme des sangsues sur la voie de la reproduction. Impossible d'échapper à leur spectacle de bave confondue par voie orale.
J'attends. Il se passe une heure, puis deux, j'ai fait douze kilomètres en plus.
Il est 16h30 quand j'arrive chez mon ex-femme. le "Biiip" de l'interphone débouche sur la voix grossière que je ne connais que trop bien, à mon grand regret.
- Ouais ?
- C'est moi. Ouvre.
- C'est pas trop tôt. T'aurais au moins pu prévenir. C'est tout toi ça. Monte.
J'attaque ma montée de trois étages et entendant sortir derrière moi, du micro de l'interphone, les mots "Vieux pédé".
Rien ne me parait aussi imbécile et inutile que de fêter les anniversaires. Rien ne me parait plus laid que cette grosse pute qui se moque ouvertement de moi, des efforts que je fais pour remplir mon rôle de père. Bien que je n'en ai absolument rien à foutre, de ce rôle là.
Ma gamine est belle. Son corps est beau. Je voudrais la serrer contre moi et effleurer sa main. Mais je ne peux pas. Pas maintenant. J'ai peur de perdre le contrôle. Contrôle, il faut surtout que je garde le contrôle, pas paniquer, rester assis et sage en prenant un air niais et tout ira, oui, tout ira. ...
- Bon. Et bien puisque tu as oublié le gâteau, je suppose qu'il va falloir que j'aille en acheter un. Merci François, merci. Comme d'hab, hein ? Toujours penser à ta petite personne pourrie et oublier l'important ?
C'est un salope mais il ne faut pas qu'elle parte, il ne faut pas qu'elle me laisse seul avec la petite, surtout pas.
- Et tu peux pas lui en faire un de gâteau, grognasse ?
- Tiens, d'ailleurs, c'est toi qui à fauté, c'est toi qui y va. y'a une boulangerie au bout de la rue. Je t'en prie, pauvre abruti.
C'est sans doute mieux ainsi; attend, mais qu'est-ce qu'elle branle ? Pourquoi elle me suis ? Non !
- Je t'accompagne, je dois acheter des clopes.
Ma fille à une voix douce et enivrante. je lui suggère un petit tour jusqu'au parc qui longe le bois, pour mieux parler, après tout ce temps. Le gâteau attendra.
- j'ai plein de choses à te dire et un pardon à te demander. Tu sais, tout n'as pas été toujours simple. Ta mère a dû t'en faire voir, dis-je d'un air froid et détaché.
Elle reste silencieuse, observant dans le vide tout en effectuant de petits pas bourrés de féminité. C'est un femme, oui, une vraie femme de seulement quatorze ans. Je ne peux pas. Pas maintenant. J'ai peur de perdre le contrôle. Contrôle, il faut surtout que je garde le contrôle, pas paniquer, rester assis et sage en prenant un air niais et tout ira, oui, tout ira.
Je l'emmène à l'intérieur du bois.
Elle se laisse faire. Pourquoi ? Je suis son père ? Allez, bats-toi ! Bats toi !
Je ne peux pas. Je me retire de son dos. le monde n'a pas besoin de nous. Le monde n'a besoin de personne. Il n'y a rien qui justifie nos vies et nos actes, rien qui n'en vaille la peine.
Je ne peux pas. Pas maintenant. J'ai peur de perdre le contrôle. Contrôle, il faut surtout que je garde le contrôle, pas paniquer, m'asseoir et rester sage en prenant un air niais et tout ira, oui, tout ira.
Je ne peux pas. Aller plus loin; Non. Je deviens fou, je perds le contrôle. Je suis fou, oui. Non. Je perds le contrôle. Putain, qu'est-ce que t'attend mec ? Sors ton flingue et crève la, emmène la loin de tes vices et de sa pute de matrice. Allez, courage, c'est pas le bon moment pour paniquer. Crève la pour son bien, crève la pour le pardon.
Ok. Pas paniquer.
le coup de feu viens de générer un vol massif de volatiles. Il y a eu comme un silence en moi après ça. Je la regarde, se tortillant sur l'herbe. Elle a l'air de souffrir. Elle souffre, oui. Allez crève maintenant. Et merde. J'ai pas pu la raté, non, c'est pas possible, elle va crever, patience...
Putain ! Elle est encore là avec sa respiration saccadée à se tordre, j'ai plus qu'une balle putain, et elle m'est destinée.
- CR7VE CR7VE JE T4EN SUPPLIE ARRETE ET CR7VE !!!
Ok. Pas paniquer. Qu'est-ce que je fout là. Qu'est-ce qui se passe. C'est à cause des pleurs, c'est ça. Non. Je sais plus. Putain je sais plus. Arrête de souffrir, meurs, je t'en prie. J'ai plus le choix. La dernière, pour la dernière ligne droite, la dernière promesse, le dernier mot.
J'ai peur de perdre le contrôle. Contrôle, il faut surtout que je garde le contrôle, pas paniquer, m'asseoir et appuyer sur la gâchette en prenant une grande inspiration et tout ira, oui, tout ira.
LA ZONE -
Des mouches. salopes de mouches. J'en vois même une au fond de mon verre, qui, il y a deux minutes, était rempli de vin blanc bon marché. Une putain de journée commence. Autour de moi, il n'y a rien. Rien. Le vide. Tout pue, tout est nocif.
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Si on enlève les gros mots, ça peut faire un bon episode du Cosby Show.
C'est un bon texte, autant que Seul contre Tous est bon.
C'est la même chose. Il se permet d'être bien pas trop mal écrit et à transmettre son message, mais ça ne parvient guère qu'à me faire me remémorer cet excellent film. C'est dommagjhziiit-
Il est peu connu, mais néanmoins véridique, que lors de son troisième voyage au delà des colonnes d'Hercules, Pytheas de Massilia, après avoir croisé sur les traces de Hannon, aborda un pays où les ge[...]ncore une fois, mais [...]a gloire de Jesu[...]oses. Étonnant n'est-ce pas ?
Une orthographe de boucher chevalin.
Un pseudo de charcutier polonais.
C'est à moitié très bon. Jusqu'à la moitié, jusqu'au moment où le père sort de la maison, j'ai trouvé le texte réussi, le style juste et le rythme de la narration pile comme je l'attendais (un peu trop lent pour être normal, nickel pour convenir aux phrases du début - assez classe - qui explicitent le rapport du narrateur au temps.
Rapport qui cependant me débecte et colle très mal avec le narrateur, je trouve, pour ce qui est de l'affirmation que tout passe sans solidité. Ca c'est une manière de penser de pute post-moderne, pas de mec déchu de la vie et qui les sent bien, la certitude de l'échec et le poids de la condition humaine.
Mais alors au moment où les "je ne peux pas", les "tout ira" et les répétitions envahissent le texte, ça craint. Faut pas en faire autant, pétard. Mauvais goût.
Pour ce qui est de l'ensemble, bon texte, commun sur le fond mais bon globalement.
Bite.