Un feu d'artifice de sang et de boyaux , puis de chairs calcinées, jaillissant des cheminées du voisinage, des usines et des appartements en cendres... Le ciel même saigne, comme si il avait su ressentir le mal ici présent. Le nez parcourant un coin de table moisie, une dernière trace blanche, épaisse, avant de repartir explorer le désert de mes ruelles, de ce qui fut mon cadre de vie.
Je vais cherchant et incertain, saisissant mon sac à dos, m'enfonçant dans les ruines de la ville. Il n'y a pas si longtemps, les troquets du coin bondés d'arsouilles braillards et d'étudiants péteux des beaux quartiers n'étaient que tumulte et mouvements ; les squares, d'où résonnaient les rires gras de clodos clopants réchauffés à la Graffen Walder tiède, autour desquels s'agitaient les lâches, étaient nerfs et muscles ; les parcs jonchés de jeunes appétissantes créatures putesques aux poitrines rebondies, vibraient au son de leurs gloussements stupides. Il n'y a pas si longtemps, était la vie. Il ne me reste qu'un larsen fuyant de conversations d'antan , de rires, de cris, d'un quotidien sur lequel je crachais allègrement et avec conviction. Je me languis, de cette morosité, des jours banals tant bien qu'ils me manquent, et de ceux qui composaient mon cercle de relations, même si la plupart furent dispensables.
Dans une psychose généralisée, tous prirent conscience de leurs vraies natures. L'Humain qui refusait de n'être que provisoire, acheva de renaître fou, dans l'agonie d'un monde suffoquant et instable. Quand ces magasins recrachent leurs stocks et les éléments qui constituent leurs vitrines, quand ces êtres affolés se pressent, à corps perdu dans les rues, pour échapper à ceux qui n'ont pas supporté la vérité et furent pris de violence aveugle ; quand dans un accès de désespoir, les faibles se font jaillir la raison, au moyen d'une quelconque arme à feu trouvée dans les ruines d'une armurerie en flammes, et quand ces mêmes se jettent du haut de leurs empires. L'instinct de survie qui n'a plus de raison d'être puisque que survie est impossible et trop futile, et que la Bête reprend le pas sur l'Homme.
C'est une charmante urgence, celle qui génère la mort .
A l'angle des allées mortes d'un centre commercial, qui autrefois me servait de repère pour mes petits trafics en tous types, je déambule nonchalamment. Le regard hagard, comme à mon habitude, fouillant et reniflant. Tout, désormais, m'appartenait. Alcools, bouffe, sapes de luxe, matériel high-tech, armes, produits ménagers en tous genres, quelques instruments et de quoi faire sauter la planête.
Il y n'a que quelques mois, nul ne s'attendait à telle finalité. Si ce n'est certes que quelques adeptes de théories paranoïantes et controversées, néanmoins bien loin de la réalité des évènements. Le Sida avait évolué, à la manière de l'Homme conscient, muté, combiné à des germes de maladies courantes, et autres cancers et virus volubiles trainants dans l'environnement, ou proliférants sur une quelconque espèce animale. La maladie se propageait dans l'air, agissant comme un gaz mortel en pourrissant la faune et la flore, impitoyable et précise mécanique de mort. Il ne fallut que trois journées chaotiques, en plusieurs endroits de plusieurs pays, avant d'officialiser l'apocalypse par le biais des médias et des bouches informées. Aucun échappatoire, conclurent-ils tous. Des Hommes enfin égaux, dans la panique et dans l'hémoglobine, sous forme de violence récursive.
L'annonce officielle du dernier fléau de l'humanité avait plongé celle-ci dans une frénésie destructrice. Des corps déchiquetés, hurlants, parsemés de spores et d'excroissances noirâtres, démembrés, se jetaient des fenêtres de bureaux administratifs. Immolations et meurtres, viols et cannibalisme, incestes, évidages d'organes en tout genres, jouissance sordide pour celui qui pratique son "Art", celui qui, enfin, pouvait se laisser aller à être ce qu'il se refusait d'être, retenu par l'éthique et la bienséance que lui imposait la sécurité. Nous ne sommes que les âmes refoulées de l'antique Humanoïde, violent et cruel. Tombé par le pur hasard sur l'horreur, pendant que je fuyais la folie de mes contemporains car poussé par mon instinct de survie, le corps inanimé de l'une de mes antérieures conquêtes amoureuses, pas très loin de ma planque actuelle. Une gigantesque tumeur sombre et sanglante sortant de chacun de ses orifices ; les entrailles infestées de vermines grouillantes, qui se délectaient de la substance organique de celle qui partageait ma vie, il y avait quelques années de cela. J'aurais pu y rester indifférent, connaissant la froideur dont celle-ci pouvait faire preuve. Mais à la vision de ce spectacle mortifère, j' ai vomi au moins une bonne demi-heure, avant de reprendre ma route, titubant, en quête d'un abri respectable. Isolé avec mon angoisse croissante, avec pour seule compagnie diverses drogues qui trainent dans mon sac et dans mes poches, ainsi que quelques bouteilles d'alcools forts, bercé par les coassements de quelques sinistres charognards en chasse aux alentours.
Ça sent la chiasse dans le foutre, le sang dans la cendre unifiés. Trente nuits d'émeutes et de sauvageries animales avaient métamorphosé le béton et le bitume en une matière organique putréfiée, spongieuse, suintante de haine et de douleur. J'apprends peu à peu à devenir un élément du décor, dès lors c'est tout ce qu'il me reste à faire. Mes yeux sont rougis par le gaz putride qui se dégage des corps damnés des condamnés, que je suis obligé d'enjamber soigneusement, pour me faufiler vers un endroit plus calme et propice à l'oubli et la défonce... Je fouille chaque recoin de la ville, méthodiquement et quotidiennement. D'innombrables trésors m'offrent leurs bras, au carrefour d'une cave ou d'un appartement désert. Des squats jonchés de cadavres de junkies m'offrent la drogue nécessaire à ma survie mentale. J'attends la fin et m'octroie du bon temps ; une trace, une gorgée de bière tièdasse, une trace, quelques gouttes de whisky pur, une trace, l'anesthésie dans ce qu'il faut, est un job à plein temps. Recroquevillé dans un coin confortable et néanmoins improvisé de ma forteresse de fortune, dans l'abstraction la plus totale, avant de m'endormir, je patiente les yeux ouverts...
Cela fait aujourd'hui des mois que je résiste à l'appel du vide qui m'encercle. Je suis faible face au néant, et compense cette faiblesse par la prise répétée de produits variés, de plus en plus fréquemment et avec rage. Je me posais souvent la même question, le matin, et trouvais toujours la même réponse en fin de journée. Pourquoi la maladie ne m'avait pas encore délivré de ces jours fades ? Une trace, une gorgée d'alcool, une trace - C'est mieux d'anesthésier - une trace, de l'alcool, - j'y suis presque - puis une autre et quelques centilitres de plus - tout tourne autour - je n'entends plus - tout se mêle et me rend mal - une autre gorgée...
Un nouveau matin de Juillet, je me réveillai, surpris de l'incapacité de bouger mon bras gauche, gangréné par le virus qui m'avait auparavant épargné. Bien que ce fut sans raison aucune, si ce n'est pour se jouer de mon sort, comme je le pensais souvent de mes soirs d'amertume. C'est une chose qui me parasite la gorge, comme si on m'avait forcé à avaler une balle de tennis, qui se propagerait en se faufilant le long de ma trachée, progressivement. Je sens son ascension, je peux pratiquement toucher du bout des doigts et caresser le Châtiment avec affection. Suffoquant, je me lève péniblement, dans un gémissement sourd. Crier ma douleur serait vain, tant ma gorge obstruée par l' immonde excroissance cherche à imploser, masquant mes hurlements. J'effectue quelques pas chancelants vers la sortie, en laissant pendre mon bras devenu obsolète le long de mon corps. A l'extérieur de la planque, la chaleur de la brise m' insupporte. Je m'adosse à une colonne et sors de ma poche arrière droite le sachet de poudre blanchâtre dépouillé la veille sur un macchabée. Mes narines exaltent et mon esprit se retrouve projeté en arrière, dix ans auparavant, une montée de nostalgie me submerge, je sue de grosses gouttes écarlates ; celle qui entravait ma gorge il y a dix minutes semble vouloir s'évader de ma bouche, et de s'enfuir pour aller prolonger sa croissance dans la nature, en quête d'un nouvel hôte, en vain évidement. Je la sens se confronter aux quelques dents qu'il me reste, ronger tel un acide mon palais et dissoudre délicatement ma langue, prendre son emprise sur moi, agir symbiotiquement. Je m'écroule en répandant autour de moi la poudre libératrice qui fut ma dernière compagnie. Pris de spasmes et de courts vomissements, l'air chaud vient, s'insinue dans mes synapses... Je ferme les yeux et... Je...
D'un dernier effort, mon revers de main repousse un maigre volatile. Je me laisse glisser vers le Rien, dans le silence des rues, l'oeuvre divine fut achevée... Un cri... Résonne au loin...
LA ZONE -
De ce qui était, ne reste que bribes, dans un coin de ma tête.
Attendre d'enfin atteindre le silence des rues...
Attendre d'enfin atteindre le silence des rues...
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Etonamment, j'ai plus ressenti la détresse apocalyptique que le style-de-pangolin-sa-mère.
Ce qui aurait pu être une longue suite de vomissements répétitifs m'apparaît en fait comme une façon organiquement correcte de traiter la fin du monde. Je salue l'absence de répétitions, difficile dans un texte descriptif.
En tout cas, le style est loin d'être pauvre, les mots ne sont pas choisis au hasard, et les phrases longues, bah, z'avez qu'à lire Proust.
Contester un résumé point par point n'a strictement aucun intérêt, ni utilité. D'autant plus que tout le monde sait pertinemment qu'ils sont écrits par des vigognes lobotomisées.
Si un bon texte commence par un bon titre, celui-ci est lamentable. Je suis très sensible aux titres. (CMB ou DMC, on notera que les deux sont jouables ici)
Dès l'intro, on a l'impression de manger du pâté de campagne : "Attendre d'enfin atteindre". Très bien, passe moi un cornichon.
La dernière ligne est du niveau du titre. Avec la fameuse majuscule à "rien", très style de pute comme on dit dans le quartier et aussi superfétatoire qu'un porte-manteau pour un cerf. On termine bien entendu avec des points de suspension à outrance de dramaturge Kiri en culotte courte. Merveilleux.
Je reviendrais si d'aventure j'ai la faiblesse de lire entre les deux extrémités.
Mais sinon, au survol, ça a l'air lisible.
Moi je trouve très prétentieux et limite arrogant, ou bien ridicule voir con de commenter un texte que l'on a pas lu..
Putain sinon vigogne je sais pas où tu la chopé mais bravo.
Ah oui le texte, je ne l'ai pas lu.
commentaire édité par Le Duc le 2009-8-4 18:52:10
J'ai commenté ce que j'ai lu, uniquement. Ce qui est honnête.
Regarde des documentaires animaliers en te masturbant dans un pot de crème fouettée, tu feras fureur en commentaire.
Je te remercie de ce conseil avisé que je vais mètre en pratique dès que possible.
A moins que tu ne le centimettes.
C'est vrai que le titre est bien pourrave, que l'intro est un concentré de diarrhée foudroyante, et qu'en plus j'ai omis de placer un big up à Ken "hokuto de cuisine" le survivant. Par contre, les points de suspensions, y'en a pas tant que ça. Vigognes.
Les descriptions sont bien foutues, ce texte possède une ambiance, un climat, mais l'auteur s'est empêtré dans ses propres tournures, ce qui est dommage.
Bien, au moins le personnage n'est pas caricatural, mais plutôt banal.
Le titre, ainsi que l'intro, l'outro, et le dernier paragraphe, puent.
commentaire édité par Koax-Koax le 2009-8-19 13:4:23
Je suis sourd, CONNARD!!!