- L'impiété de ces lieux égare et corrompt l’âme. As-tu vu, mon fils, ces gravures sacrilèges ? Elles sont griffures de la Bête, et la Bête est en vos hommes. Nous avons jusqu’ici réjoui le Très-Haut par la débâcle des infidèles, et nous le réjouirons encore en sacrifiant nos propres corrompus. Car c'est servir Dieu que de débarrasser la face de la terre de cette ivraie.
- Les sacrifier ? Ces hommes sont braves, mon père, et se battent pour le Seigneur !
- Leur foi était chétive, et leur âme est damnée. N'éprouve point de peine, fils : rappelle à ton souvenir les batailles incertaines dont le Dieu Unique nous a adoubés vainqueurs. J’ai prié maintes fois pour l’âme de ces égarés, et Il n’a pas daigné m’exaucer. Qu'il en soit ainsi.
- Allons, mon père, ce n’est pas une damnation : l’ennemi aura empoisonné ses propres puits avant d’abandonner ces terres…
- La corruption est spirituelle, pas corporelle. Je te suggère de ne pas en douter. Et si l’amour de tes hommes t’aveugle, alors courbe l’échine et dis une prière pour eux, pendant que j’abrège la torture qui leur est infligé.
Le prêtre empoigna sa dague, s’avança d’un pas déterminé vers la paillasse la plus proche. Là gisait un brave ; et entre les squames qui pavaient son visage ravagé : un Styx de pus et de larmes, des yeux gorgés d’effroi, une bouche béante qui hurlait en silence les noms secrets de Dieu. Et le prêtre s’avançait :
- Sed libera nos a malo... Salvum fac servum tuum...
Une bourrasque furieuse s’engouffra dans la pièce ; au pommeau de la dague, les joyaux de la Sainte Église luisaient, infaillibles ; on vit les yeux du soldat s’embraser, et lui s’agiter sur sa couche ; des profondeurs de sa poitrine s’élevèrent des cris déments ; ce fut partout une terreur sans nom qui s’insinua jusqu’au cœur des plus vaillants ; un chaos effroyable de plaintes et de hurlements ; et le prêtre s’approchait - plus lentement, désormais.
Il se recommanda à Dieu, le priant d’investir son bras, son corps, son âme, dans cette sainte vengeance. Parvenu devant lui, il considéra quelques instants cet être vain et damné qui se contorsionnait sous ses yeux, hoquetant, en figures inhumaines : très digne pantin d’une volonté impie. Le prêtre éleva dans les airs l’agent du geste purificateur ; il n’y eut nul acte divin.
Dans les convulsions délirantes du soldat, son pied frappa au ventre de l’ecclésiastique, qui bascula en arrière et heurta en silence le sol poussiéreux ; la lame même, figée à la base de sa nuque, s’y était fondue sans bruit.
La tunique rougie de sang du prêtre hanta longtemps les transes infinies des soldats enfiévrés ; sa dépouille, livrée au désert, s’évanouit en un jour.
LA ZONE -
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D'un couloir sombre orné de motifs labyrinthiques, ils débouchèrent dans la vaste salle circulaire. Là, ils virent, baignée dans une lumière fiévreuse, la quarantaine de paillasses qui vomissaient les corps tordus et efflanqués des malades ; ce n’étaient que délires, purulences et râles : un foyer inextinguible qui consumait les chairs tordues des héros de la Foi. Le prêtre considéra silencieusement ces rangées de soldats dévorés par un Mal indicible venu d’Orient, et se tourna vers le capitaine :
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Le texte d'origine :
DU BEAU SUCCÈS QUE LE VALEUREUX DON QUICHOTTE EUT EN L'ÉPOUVANTABLE ET JAMAIS IMAGINÉE AVENTURE DES MOULINS À VENT, AVEC D'AUTRES ÉVÉNEMENTS DIGNES D'HEUREUSE RESSOUVENANCE
En ce moment ils découvrirent trente ou quarante moulins à vent qu'il y a dans cette plaine, et, dès que don Quichotte les vit, il dit à son écuyer: "La fortune conduit nos affaires mieux que ne pourrait y réussir notre désir même. Regarde ami Sancho ; voilà devant nous au moins trente démesurés géants, auxquels je pense livrer bataille et ôter la vie à tous tant qu’ils sont. Avec leurs dépouilles nous commencerons à nous enrichir ; car c'est prise de bonne guerre, et c'est grandement servir Dieu que de faire disparaître si mauvaise engeance de la face de la terre. "
—Quels géants ? demanda Sancho Panza.
— Ceux que tu vois là-bas, lui répondit son maître, avec leurs grands bras, car il y en a qui les ont de presque deux lieues de long.
—Prenez donc garde, répliqua Sancho, ce que nous voyons là-bas ne sont pas des géants, mais des moulins à vent et ce qui paraît leurs bras, ce sont leurs ailes, lesquelles, tournées par le vent, font tourner à leur tour la meule du moulin.
—On voit bien, répondit don Quichotte, que tu n'es pas expert en fait d’aventures : ce sont des géants, te dis-je et, si tu as peur, ôte-toi de là et va te mettre en oraison pendant que je leur livrerai une inégale et terrible bataille. "
En parlant ainsi, il donna de l’éperon à son cheval Rossinante, sans prendre garde aux avis de son écuyer Sancho, qui lui criait qu’à coup sûr c'était des moulins à vent et non des géants qu'il allait attaquer. Pour lui, il s’était si bien mis dans la tête que c'était des géants que non seulement il n'entendait point les cris de son écuyer Sancho, mais qu’il ne parvenait pas, même en approchant tout près, à reconnaître la vérité.
Au contraire, et tout en courant, il disait à grands cris : "Ne fuyez pas lâches et viles créatures, c'est un seul chevalier qui vous attaque."
Un peu de vent s’étant alors levé, les grandes ailes de ces moulins commencèrent à se mouvoir, ce que voyant don Quichotte, il s’écria : " Quand même vous remueriez plus de bras que le géant de Briarée: vous allez me le payer. "
En disant ces mots, il se recommanda du profond de son cœur à sa dame Dulcinée, la priant de le secourir en un tel péril ; puis, bien couvert de son écu, et la lance en arrêt, il se précipita au plus grand galop de Rossinante, contre le premier moulin qui était devant lui ; mais au moment où il perçait l’aile d’un grand coup de lance, le vent la chassa avec une telle furie qu'elle mit la lance en pièces et qu’elle emporta après elle le cheval et le chevalier, qui s'en alla rouler un bon dans la poussière en fort mauvais état.
Sancho Panza accourut à son secours de tout le trot de son âne et trouva en arrivant près de lui qu'il ne pouvait plus remuer tant le coup et la chute avaient été rudes.
" Miséricorde ! » s’écria Sancho; n’avais-je pas bien dit à Votre Grâce qu’elle prît garde à ce qu’elle faisait, que ce n’était pas autre chose que des moulins à vent ? "
—Paix, paix ! ami Sancho, répondit Don Quichotte, les choses de la guerre sont plus que d'autres sujettes à des chances continuelles ; d'autant plus que je pense, que ce sage Freston, qui m'a volé les livres et mon cabinet, a changé ces géants en moulins pour m’enlever la gloire de les vaincre : tant est grande l'inimitié qu'il me porte ! Mais, en fin de compte son art maudit ne prévaudra pas contre la bonté de mon épée.
—Dieu le veuille, comme il le peut " répondit Sancho Panza ; et il aida son maître à remonter sur Rossinante qui avait les épaules à demi déboîtées.
En conversant sur l’aventure, il suivirent le chemin du Port-Lapice, parce, disait don Quichotte, comme c’est un lieu de grand passage, on ne pouvait manquer d’y rencontrer toutes sortes d’aventures.
Don Quchotte - Cervantes - Chapître XI - Classiques abrégés
Ce Don Quichotte version sacristique est beaucoup plus glauque que l'original, son Sancho Panza beaucoup plus effacé, mais on retrouve là la folie paranoïaque de l'hidalgo, dans un univers plus sombre et mystique. Dommage, très dommage que ce soit aussi cours. Putain, enfin un bon truc à se mettre sous la dent.
Ah ouais, c'est vraiment trop court.
CTB !
Ca me fait penser à un film en flash, et je ne pense pas que ce soit une qualité. C'aurait mérité quelques approfondissements.
C'est pas mal, mais trop court. Tu fais chier.
Sans trop de surprises, l'écriture est lisse, maitrisée. Peut-être y manque-t-il un brin d'espièglerie, mais c'est déjà très convenable est il y a de quoi s'en satisfaire. Bref, sur la langue, l'adaptation en elle même, et toutes ces sortes de choses, rien à signaler, c'est très bien réalisé. On retrouve le texte d'origine, tantôt à travers quelques subtilités appréciables, tantôt d'une manière évidente mais jamais maladroite. C'est bien, mais sans exaltation aucune pour le lecteur. La longueur du texte y est certainement pour quelque chose, dans la mesure où il s'agit d'une courte parodie, et qui en tant que telle, légitime à peu près tout ce que je pourrais reprocher au texte. Néanmoins, tu tenais là un potentiel en terme de pensée, mais aussi de trame qu'on sent inexploité. Flemme, j'imagine... Dommage, on se contentera d'un seulement "bon texte".
Ca ne me fait pas grande impression. Das à trouvé le terme, c'est "lisse", hélas, et l'histoire, tout comme les lys, me lasse.
Surtout que sur un texte aussi court, réussir à avoir de la lourdeur relève presque de la gageure. Lors, le texte, là est l'os, telle l'hélice et la mélasse, est lourd.
Et assez banal aussi.