Putain, qu’est-ce qu’ils m’énervent, tous, avec leurs rites, leurs traditions. Foutus signes de reconnaissance entre les divers membres d’un groupe, ça permet de s’identifier, mais surtout d’exclure les autres. Y en a qui appellent ça les bonnes manières, d’autres le protocole, enfin y a plein de noms en fait. Tous ces petits codes qui hurlent «je suis dans votre clan, je suis avec vous, je suis pareil que vous», sans aucun fondement ni aucun interêt. Ce serait franchement pas chiant si personne n’imposait à personne de suivre ces mini-règles de merde.
Porter des vêtements propres.
Ne pas parler trop fort à la bibliothèque.
Ne pas parler la bouche pleine.
Porter une cravate au bureau.
Mais le problème, c’est qu’en plus de s’en servir entre eux, les membres du clan veulent les imposer au monde entier. Ils sont tout à fait prêts à reconnaître l’inutilité voire l’absurdité de ces coutumes, mais ils les justifient par le respect qu’on doit à autrui. Moi, les gens que je respecte, je le leur montre pas en mettant une cravate ou m’abstenant de me ronger mes foutus ongles. Et si ces gens-là sont choqués de mes manquements, c’est que je me suis trompé sur leur compte.
Soumettez-vous à nos lois débiles pour rester integré au coeur de nos structures.
Tout ce bordel inutile et absurde maintenu en place par l’unique puissance d’un système d’éducation écrasant, qui oblige chaque enfant à apprendre les bonnes manières puis à les apprendre à ses propres enfants puis à leurs enfants, et à leurs enfants et à leurs enfants et à leurs enfants. Voilà.
Voilà voilà voilà.
Des hordes d’enfants bien élevés, ça nous fait. Qui ne s’extraieront jamais de ce carcan, qui ne sortiront jamais indemnes de ce premier conditionnement, de cette manipulation de la personnalité organisée à l’échelle des masses. Extraordinaire. Des gosses bien élevés qui ne se rebelleront jamais, qui ne remettront rien en cause, qui perdront très très rapidement toute trace d’individualité pour se fondre dans le groupe et ses règlements.
Bien élevés.
Oui c’est un terme parfait pour désigner le phénomène : l’élevage. Je dirai même : des gosses bien élevés en batterie.
Depuis longtemps, j'errais entre les limbes obscures, perdu en ces vagues d'amertume osseuse comme un naufragé sur l'océan démonté.
Depuis longtemps, moi, l'homme à tête de chien, depuis longtemps je me balançais entre les plaines aveuglantes de la folie pure et le vertige hallucinant, la face blême, trop nette, de la réalité.
Depuis longtemps, mon esprit déchirait les voiles d'obscurité de ses ongles froids, depuis longtemps mon âme sombrait dans des abîmes de noirceur, épave, fantôme visionnaire.
Depuis longtemps, les haubans claquaient dans la tempête, comme des fouets, entre les choeurs rugissants du vent, depuis longtemps, l'eau noire et vivante s'engouffrait dans les brèches de mon crâne ouvert.
Depuis si longtemps les mouches me harcelaient
Depuis
Depuis
Depuis longtemps, depuis trop longtemps, l'idole-camisole rôdait autour de moi, caressant ma chair désarticulée de ses lanières et sangles de cuir érodé, rêves capitonnés, et les chaînes s'élèvent, et les cordes, serpents agonisants, se soulèvent, transe de mort, et tournent vers moi leur... regard... anémique...
Allez vous faire mettre.
Moi j'ai aucune tendance. Pourquoi est-ce qu'on cherche systématiquement à me catégoriser ? Qu'est-ce que vous cherchez à me faire dire ? Que j'aime pas les femmes, c'est bien ça ? Eh bien, c'est la vérité. J'aime pas les femmes et j'aime pas les hommes non plus. Personne.
Alors, qu'est-ce qui m'attire sexuellement ? Les petites filles ? Les mortes ? Les chiens ? Ou uniquement ma main droite ? Même pas.
Que dalle. Plaisir, désir, sensations... Que des conneries, des hallucinations factices inventées par des robots de viande, un système de perceptions périmées qu'on nous refout sur le tapis sans arrêt, une convention à la con radotée par une société mécanisée à l'extrême qui ressemble de plus en plus à un programme buggé jusqu'aux amygdales.
Moi, je suis pas vivant.
Et arrêtez aussi de me gonfler avec ces classifications politiques. Vous cherchez uniquement à vous rassurer, ce serait si simple de me coller une jolie étiquette sur le front, proclamant en rouge mon appartenance, comme ça pas de surprise pour personne. Mais je ne fais partie d'aucun troupeau.
Contrairement à vous, je ne me définis pas uniquement en fonction des autres, d'un groupe ou d'une société bidon, personne ne me dicte ma conduite et encore moins les opinions que je devrais avoir ou non. Je suis pas un anarchiste, je suis pas un gauchiste ou un extrémiste, je suis moi, point.
Je suis rien du tout.
Pendant que je jouais avec la Lèpre, ma soeur, pendant que ce qui m'entourait se flétrissait, contaminé par ma maladie… pendant que ma gangrène mentale courrait sur le monde comme un cheval fou… comme une douce et envoûtante mélodie couverte par le tic-tac d'une bombe à retardement…
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