LA ZONE -

la nuit noire (12)

Le 04/01/2009
par Konsstrukt
[illustration] 61 : 06

J’ai passé toute la journée chez elle, à me suis branlé partout, dans toutes les pièces, sur les chaises, dans le lit, partout. Je m’en foutais de laisser de preuves, ils ne m’arrêteraient jamais. Ils ne me connaissaient pas. Je pouvais bien laisser mon sperme et mes empreintes, rien ne me relierait à cet appartement de merde, et ils n’avaient pas de dossier sur moi.
J’ai fouillé, j’ai feuilleté les magazines et les bouquins, j’ai lu le courrier, les factures et les recettes de cuisine, le programme télé, j’ai essayé des fringues, j’en ai massacré d’autres. J’ai piqué le fric et les médocs. Je me suis intéressé à ses clopes et à son gode, je me suis enculé avec et c’était pas. J’ai pissé et chié dans son lit, sur son tapis, sur des photos d’enfants. J’ai essayé de reconstituer sa vie. J’ai rassemblé ses fiches de salaire et ses tickets de caisse. J’ai étudié un calendrier avec des dates entourées ou cochées. J’ai observé ses chaussures, ses fleurs, sa salle de bain, sa décoration.
C’était une pute. Une salope. Elle lisait des journaux féminins et quelques livres de poésie ringarde. Elle avait une dizaine de paires de basket et beaucoup de maquillage, aucune marque de prédilection, des couleurs de lycéennes. Elle se maquillait, s’habillait et se comportait comme une pétasse. Elle était secrétaire. Un type lui envoyait beaucoup de lettres de cul. Elle se godait souvent.
C’était une salope, la même salope que ma mère. Tout ça avait un sens finalement, et il suffisait d’additionner les faits, avec froideur et lucidité, pour le trouver. La conclusion éclatait et il était impossible de s’en détourner.
A la la fin de la journée, j’en ai eu marre de me branler et de fouiller. J’avais fait le tour. Il était temps de partir. J’ai récupéré six cent francs en liquide et et des bijoux que je pouvais revendre. J’ai quitté l’appartement à la nuit tombée. J’ai repris sa voiture et j’ai roulé un bon moment.

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Dans une autre ville, j’ai fait des achats, quelques objets indispensables, sacs-poubelle, scie, marteau, serpillères, gants de ménage, destop en poudre. Dans un coin paumé au milieu d’un bois j’ai emballé les morceaux dans les sacs et j’ai mélangé avec beaucoup de poudre. J’ai creusé plein de trous et j’ai enterré tout ça.
Je suis reparti. J’ai abandonné la voiture, clés sur le contact, sur le parking d’une gare, dans une patelin. J’ai pris le premier TER et suis descendu à la première petite ville. J’ai dormi à l’hôtel, j’ai mangé, je me suis promené parmi les gens, je me sentais vide. J’ignorais ce que j’allais faire. Cette pulsion qui m’avait conduit jusque là s’était éteinte avec la mort de la salope. Elle reviendrait, bien sûr, heureusement, mais en attendant je ne savais pas quoi faire, je n’avais aucun but, aucun projet, aucune énergie pour rien. ce soir-là j’aurais aussi bien pu me suicider. J’y ai songé. Après tout, j’avais fait ce que je devais et plus rien ne me retenait. Exactement comme mon père, exactement comme mon grand-père. Ce qui ma sauvé, c’était la certitude que cette pulsion délicieuse reviendrait un jour, qu’un jour de nouveau je me sentirai vivant, qu’un jour de nouveau son énergie et sa violence m’illumineraient comme je l’avais été ces derniers temps. Mais en attendant, je n’étais plus rien. Aussi bien, j’aurais pu m’allonger dans ma chambre d’hôtel et attendre, hiberner. Pourtant il me fallait survivre, en attendant que la vie revienne.
Dans cet hôtel j’ai passé la pire nuit de mon existence, à anticiper ce qui m’attendait, cet enfer terne et troué de temps en temps par la vie, par le plaisir, tellement puissant que ça valait le coup. Tout se déroulerait tout à fait comme mon enfance. Mon enfance avait été l’avant-goût de toute mon existence. Vivre m’était interdit. Je mangerai, dormirai, chierai, trouverai du fric et j’attendrai de redevenir moi-même. J’attendrai les démons. Ils reviendraient m’apporter le bonheur. J’ai pris le train pour Paris.

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En vingt ans, j’ai habité toutes sortes d’endroits et j’ai fait des tas de choses pour survivre. Je trouvais ça morose. Je consacrais mon énergie à élaborer mon nouveau sanctuaire. Je ne pouvais pas m’y rendre souvent. Je guettais les pulsions comme un amoureux guette les signes de son sentiment. Les moments où je me réveillais. J’étais l’inverse d’un loup-garou, moi que cette malédiction poussait à être humain la plupart de mon temps.
J’ai vécu dans un hôtel, le genre qu’on paye au mois. Je vendais de la came. Je passais mes journées dans un square rempli d’Arabes et de tox. Les Arabes, des vieux, parlaient entre eux et les tox étaient là pour moi. Il y avait souvent des bagarres à coups de couteaux. Une fois, un black en a découpé un autre à la machette, devant moi, en lui foutant un grand coup de bas en haut. J’ai été impressionné. Je prenais de la coke et de l’héro et je n’avais pas beaucoup d’argent, juste assez pour survivre. Ma chambre était minuscule. Il y avait un lit à sommier métallique, une armoire et une télé. Je passais tout mon temps libre à prendre de l’héro et à regarder la télé et tout mon temps de travail assis sur le banc à prendre de la coke et à dealer. Il a fallu que je me batte, je le faisais sans plaisir. Au début j’avais un couteau, je suis vite passé au flingue. J’étais sur mon banc entre vingt-deux heures et sept heures du matin et le reste du temps dans ma piaule. Les flics ne nous faisaient pas chier, sauf lorsqu’il y avait un mort, soit overdose, soit coup de couteau. Là, ils viraient tout le monde et en foutaient deux ou trois en taule. A chaque fois, j’étais assez malin pour voir venir le coup. Je ne me suis jamais fait arrêter. Le mec de l’hôtel était un indic mais il n’a jamais bavé sur moi. Je lui foutais la trouille.

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J’ai vécu en foyer et dans des squatts. Ce que j’ai préféré, c’était vivre chez cette connasse de lycéenne que j’avais mise enceinte. Elle était amoureuse de moi, elle avait quitté le lycée et laissait tabasser. Je dealais du shit à l’époque. Je ne quittais jamais l’appart. Elle s’occupait de tout, courses, ménage, bouffe, tout. Elle se laissait baiser comme une poupée gonflable. Elle a fait une fausse couche, surement à cause de l’alcool et du shit, sans compter les branlées que je lui mettais. De toute façon, je ne voulais pas d’enfant. J’aimais bien la baiser, cette salope. Elle me laissait tout faire, juter sur sa gueule, pisser sur sa chatte, l’étrangler, tout. Elle s’appelait Aurore mais je l’appelais Florence. Quand elle se plaignait ou qu’elle chialait, je lui donnais une bonne trempe et l’enfermais deux jours aux chiottes. Elle ressortai douce comme un agneau. Je pouvais tout lui faire, elle m’aimait. Je l’ai prostituée pendant quelques mois. J’avais peur qu’elle se fasse choper par les flics ou qu’elle rencontre un type avec qui elle partirait, alors j’ai arrêté. Je l’ai gardée pour moi. Ca a duré trois ans. Quand j’en ai eu marre d’elle, je lui ai préparé un fix bien violent et elle est morte. Elle avait onze ans de moins que moi. C’était à Toulouse.
J’en ai fait, des villes. Il n’y avait que mon sanctuaire que ne changeait pas de place. Ca ne me dérangeait pas de me déplacer, voler une voiture c’était facile.
Cette idée d’avoir des putes à moi, ça m’intéressait alors à Lyon j’ai prostitué deux ou trois filles. C’était beaucoup de travail. J’ai renoncé assez vite. Je me suis lancé dans le trafic d’armes. Avec toutes les cités autour de Lyon il y avait de la demande. Après ça, j’ai racketté des putes et puis des épiceries de nuit, j’ai braqué un ou deux bureaux de tabac. J’étais violent, je faisait peur, j’étais une masse de muscle, personne ne venait me chercher la merde.

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J’ai été cambrioleur. D’abord avec un complice, et puis j’en ai eu marre. Je lui ai fracassé le crâne. Je l’ai balancé dans la Drome. Je suis retourné à Paris. J’avais fait trop de vagues à Lyon. J’ai vécu plusieurs années dans le même squatt. Je trafiquais un peu de tout, surtout des armes et de l’héro. J’ai rencontré un journaliste, accroc à la coke, mon cas l’intéressait. Il a voulu écrire un bouquin sur moi. On se rencontrait souvent, je lui racontais ma vie. Il me parlait un peu de la sienne. Je l’ai mis au pas, lui aussi. J’ai commencé à lui parler de sa femme, de sa fille, de sa baraque, de tout ce qui se passerait s’il ne m’aidait pas un peu. Il a commencé à faire des livraisons pour moi. Je l’appelais au milieu de la nuit juste pour l’insulter ou pour lui filer des rencards bidons dans des parkings. Je le tabassais. Un jour, il a disparu. Le bouquin n’est jamais sorti.
A la fin des années quatre-vingt-dix c’est devenu plus difficile de survivre. Trop de flics. J’ai quitté Paris. Ca devenait trop dangereux. Avec les armes et la drogue trop de gens m’avaient dans le colimateur. J’ai trouvé une baraque au nord de Marseille. Il y avait une vieille, je l’ai séquestrée et l’ai tringlée pendant quelques semaines. J’ai gardée la baraque après qu’elle soit morte. Personne n’est venu me chercher. J’ai trafiqué un peu de tout avec la Corse et l’Italie. J’ai rencontré deux ou trois truands de haut vol, des gros cons, ils ne m’intéressaient pas. De toute façon j’avais chopé la syphilis. J’étais en train de crever et plus grand chose ne m’intéressait. Je n’avais plus besoin de fric. Je ne me droguais plus. Je volais pour bouffer.
Au cours de ces vingt années, je n’ai pas tué tant de gens que ça. Je tuais deux ou trois fois par an, pas beaucoup plus. Le reste du temps, je menais une vie normale.

66 :01

Il y a eu aussi Paul, le pédé. C’était un garçon fragile, la vingtaine, que j’ai ramassé un soir en stop. Je me suis installé chez lui. Il suçait et il branlait bien. Je ne lui ai jamais permis de m’enculer. C’était moi qui l’enculait. Je le prenais toujours de la même manière. Allongé sur lui. Je lui mettais ma bite, couteau à la main. Il ne me touchait pas. Il n’avait pas le droit. De la main droite je tirais ses cheveux, je tirais sa tête en arrière, et de la gauche je le tailladais. A chaque coup de rein, une entaille. Quand j’étais prêt à jouir je coupais plus fort et je projetais le sang accumulé sur le couteau en secouant le poignet. Les gouttes aspergeais le mur en face au moment où je me vidais les couilles. Je me souviens d’un poster de Madonna. Paul écoutait Madonna toute la journée. Il se laissait faire comme j’aimais. Je suis resté deux semaines chez lui avant de repartir. J’ai entendu dire que peu de temps après mon départ il s’était pendu. Mais à mon avis c’est juste une connerie de plus.
J’ai connu d’autres pédés. Il y en a eu un qui aimait que je le fiste et que je lui chie dessus. J’ai connu des tas de désaxés. Des tas de pervers. Tous ces connards aimaient que je les domine. Ils adoraient que je leur fasse mal. Ils tombaient amoureux de moi. Vraiment, je ne sais pas pourquoi, moi je les méprisais.
Entre les filles et les mecs, je n’avais aucune préférence. Un trou c’est un trou, ça ne change rien, et une bouche qui te suce, c’est pareil, l’important c’est qu’elle suce correctement. Le reste, c’est du pareil au même. La seule différence c’est qu’un mec tu peux y aller plus fort sans risquer de le tuer. Mais une femme, aussi fort que tu la cognes, ne se plaindra jamais. Plus tu la cogneras, plus elle sera amoureuse de toi.

= commentaires =

nihil

Pute : 1
void
    le 05/01/2009 à 00:04:38
Ouf. Putain, j'en pouvais plus de la série de scènes toutes plus gore / débiles les unes que les autres. C'était devenu lassant depuis bien longtemps. Après le premier paragraphe, on a droit à un bol d'air. Bon on reste dans l'outrance au point qu'on ne peut se poser une seconde la quastion d'un quelconque réalisme. Mais au moins on a changé de ton, et ça fait du bien.
Du coup j'ai bien aimé cet épisode. J'imagine qu'on va replonger dans le pus et la merde d'ici peu, alors je profite.
.Narak
    le 07/01/2009 à 14:23:49
Moi, j'ai plutôt moins aimé. L'action s'étale dans le temps, je comprends qu'il fallait faire évoluer la narration, mais je suis franchement pas fan. Ca vire un peu aux mémoires d'un détraqué. Et la fin vire limite à la catastrophe dans l'énumération de trucs thrashs : J'ai vécu dans des squatts, j'ai dealé, j'ai enculé des mecs, j'ai chopé la syphilis, je cogne des lycénnes, je plante des arbres, je chante avec les oursons... C'est super facile, ça a le même impact qu'un chanson de Sexy Sushi, moi ça m'a fait marrer. C'est raté, surtout pour une rubrique qui partait quand même relativement bien dans le glauque.

Tu vas galérer pour rattraper ça.
Koax-Koax

Pute : 1
    le 21/08/2009 à 00:11:06
Tout comme le commentaire précédent, j'ai beaucoup moins aimé, c'est parti dans un autre genre, et la psychologie bordélique du protagoniste est devenue presque ridicule, caricaturale. L'action dans le temps reste assez confuse, par ailleurs.

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