7h30
Je me lève de bon matin, avec la même gueule que Johnny Depp dans Edward aux mains d'argent. Eh oui, faut que j'aille travailler quand même, n'étant pas Djinny et la Saint-Con n'étant pas encore déclarée jour férié.
J'ai les paupières qui retombent au niveau du menton (mais sans atteindre le bas des cernes quans même, faut pas pousser), les vertèbres en puzzle, le cerveau gazé à mort. La journée commence mal, comme toutes les journées où je me lève avant 15h. Je me fout dans la douche et comate sous l'eau en me collant des baffes dans la gueule toutes les trente secondes. Je me sèche (merde c'est ma serpillière), m'asperge de déodorant (merde c'est du Fly-Tox), me file un coup de rasoir électrique (merde c'est mon grille-pain, merde où est le bas de ma gueule ?).
Je passe sur le petit déjeuner, je boufferai mieux ce soir devant les cendres de Shir : c'est tellement rare que je me fasse griller de la viande.
Je m'habille, je sors de chez moi en me demandant ce que fout mon boxer-short sur ma tête (et surtout pourquoi ma braguette coince à mi-hauteur) et en me ressassant le programme de la journée. Boulot jusqu'à midi (11h30, vont pas faire chier aujourd'hui sinon je les brûle), passage chez moi entre 12 et 14 pour décoincer ma braguette et me foutre du désinfectant (penser à hurler : "merde c'est du vaporisateur d'odeurs pour chiottes !!"), faire un tour sur les sites du CDM Inc. pour voir comment les autres s'en sortent avec leur con. Retour au boulot, départ vers les 17h (vont pas faire... merde déjà dit), et hop direction Paris direct, ça fait trois jours que je dit partout que je veux brûler Shirow pour la Saint-Con, si je recule maintenant j'aurai l'air d'un naze (surtout avec mon boxer sur la tête). Beau programme, mais dur à tenir et fatigant. Demain je risque de devoir me ligaturer les paupières aux oreilles pour les tenir en hauteur. Enfin bon, c'est pas tous les jours la Saint-Con, que je sache.
8h30
J'ai pas très long en voiture de chez moi au boulot, mais la courte distance que je parcourt suffit pour que je me retrouve aux prises avec un vieux en 406 qui zigzague entre les trois files de l'autoroute, sans doute pour battre le record de son fils à Gran Turism 3. J'ai aussi le temps de me faire doubler par une Twingo fuschia jantes alu, parre-buffle, pneus de 1m de largeur, Fancis Lalanne qui ulule à fond par les vitres grandes ouvertes (il fait -15°C, je tiens à le signaler, vu que Strasbourg à 8h du mat, c'est un peu la Sibérie). Si j'avais pas promis au grand jour de me farcir l'autre blondasse de Shirow, j'aurais pu m'épargner quelques kilomètres et me contenter de ce con. Ou de Francis Lalanne, mais parait qu'il est en Corée. Ce con.
9h
Au boulot, après avoir répondu aux mails de mes amis (ce qui m'amène aisément jusqu'à 10h30), je me fait une petite pause (jusqu'à 11h30), et je me casse au MacDo en hurlant à ma chef qui veut me demander un truc : "j'ai pas le temps, j'ai pas le temps !!"
12h
Manque de bol, bien sûr, j'arrive à midi, et les militaires de la caserne d'à coté, me voyant débarquer, courrent jusqu'aux guichets pour me devancer (ils sont huit-cent). Je reste très calme puisque je me contente de glapir : "Tas de P4, t'as vu ta gueule, jvais vous faire ta fête !!!". Ils ne m'écoutent pas. Je sens la Puissance affluer dans mes veines, mes yeux s'écarquillent peu à peu, mon souffle se raccourcit, je fume toute la longueur de ma clope en une seule bouffée. En proie à cet accès de folie furieuse et brutale, je me faufile entre deux rangs de cons kakis pour me précipiter à la caisse qui vient d'ouvrir. Je frime un peu grâce à cette victoire homérique sur cette armée de noeuds. En voilà qui ne reviendront pas se frotter à moi, fallait pas me chauffer.
La caissière, speedée à mort par son esclavagiste de chef me file un hamburger composé d'une rondelle de bois entre deux éponges et un cornet de frites croustillantes comme des allumettes. Je manque de le lui renvoyer dans la gueule alors qu'elle me réclame une somme équivalente à mon salaire mensuel.
Je me calme et vais pleurer seul à une table.
14h
Ma chef me demande combien j'ai fait d'heures sup le mois dernier et je lui répons 118h avant de m'écraser devant le forum de la Zone. Un collègue vient m'expliquer qu'on ne doit pas ranger les éprouvettes sur l'étagère des fioles jaugées mais sur l'étagère des éprouvettes et je lui hurle : "j'ai pas le temps, j'ai pas le temps !!" avant de me ré-écraser devant le forum de la Zone. Il menace de porter plainte. Emporté par ma folie destructrice, je range une éprouvette sur l'étagère des tubes à essais et m'enfuit en ricanant comme Fantomas.
15h
Je dis à ma chef que je part de suite car j'ai bossé au labo entre midi et deux (j'étais en train de ranger le congélateur de l'intérieur, c'est pour ça qu'elle m'a pas vu quand elle est venue. J'étais planqué sous le bac à glaçons, c'est pour ça qu'elle m'a pas vu quand elle a ouvert le congélateur). Je la menace des prudhommes.
16h
Pas de bol encore. Un tas d'autres gens ont prévu ma réaction et l'ont devancée en créant un embouteillage juste sur l'autoroute où je passe. En roulant à 110 km/h sur la bande d'arrêt d'urgence, je manque m'emplafonner un petit malin qui a fait exprès de tomber en panne. Le mec m'envoie son cric dans la gueule et je l'equive lestement de manière à ce qu'il ne fasse qu'atterir dans mon parre-brise. Tant pis, les moucherons ont bon gout cette année.
17h
Sorti de l'embouteillage par une bretelle bienvenue, je suis bloqué par des travaux. Les terrassiers me font coucou en faisant mine de travailler. Ils m'assoment à coups de marteau-piqueur quand je leur demande aimablement de déplacer de trente centimètres leur camion, ce qui m'aurait permis de passer.
Bon la route m'est hostile aujourd'hui. J'ai compris. Je laisse mon épave au milieu du carrefour et me dirige vers la station de tram.
18h30
Le tram est en grève et j'ai complètement oublié de prendre un jerrycan d'essence, ça la fout mal. Je vais quand même pas brûler Shirow à la gnole, parait que ça donne mauvais gout à la viande. Me faut du gasoil, me faut du gasoil. Je vole son vélo à un enfant et me rue à la station-service. Le pompiste n'a pas de jerrycan à me vendre, je suis obligé de transporter l'essence que je viens d'acheter dans le seul récipient que j'ai : mon sac à dos en toile.
Les passants se retournent à mon passage dans la rue.
20h
Arrivé en vélo à la gare. Le dernier train pour Paris est sensé partir à 17h41, mais c'est la SNCF quand même donc j'ai toutes les chances de le choper. Au guichet, le con vendeur me réclame un acte de naissance, une photocopie certifiée conforme de mon livret de famille, ma carte du RPR, ma carte de membre du bowling de Vendenheim afin de me vendre un billet moins de vingt-cinq ans. Je n'ai rien de tout celà, je n'adhère pas au RPR et suis même incapable de prononcer le nom "Vendenheim". Courtoisement, je tente de lui éclater la mâchoire à coups de boule avant de me souvenir douloureusement qu'il y a une vitre de sécurité. Je prends un billet plein tarif.
21h30
Le contrôleur du train hausse le ton pour se faire entendre sous l'avalanche de sonneries de portables qui s'abat en permanence sur mon compartiment : j'ai un billet plein tarif période verte foncée, et on est en période verte turquoise. Dire que je n'avais rien remarqué. Je saute du train en marche avant que ce con ne m'éxecute sommairement pour insubordination et entrave à la respectabilité de sa Maman.
22h
Les flics m'arrêtent pour atteinte à la pudeur, car j'ai retroussé les manches de ma chemise. Je leur explique gentiment que j'ai eu une mauvaise journée, que je suis pauvre et que je ramène de l'essence pour le tracteur de mon pauvre Papa arthtritique. Compréhensifs, ils se contentent de me tabasser et de me laisser pour mort, allongé sur le ventre au milieu de la route. Je vois très très bien la bande blanche d'où je suis.
22h30
Non décidemment il est trop tard, me dis-je tristement en attendant le bus à la station de Saint-Poutroux en Veneuilles. Trop tard pour Paris. C'est décidé je rentre. Comme on me prévient que le conducteur du bus fait la grève de la faim pour obtenir 0.5% d'augmentation, je fais du stop en direction de Strasbourg.
23h30
Le mec qui m'a emmené m'a demandé de lui tailler une pipe pour gratification et, dans un élan de folie meurtrière je me suis executé. Heureusement, je garde son prépuce entre les dents de devant comme souvenir (un dos d'âne). J'ai du sang plein la gueule. Merde il est onze heures et demie. Jamais je ne trouverai un con à temps : après tout, cette ville, ce pays sont remplis de gens intelligents, sympathiques et doux.
23h50
Quelle Saint-Con ratée. C'est décidé, jamais plus je n'écouterai Scorbut partir dans ses délires mégalomaniaques de bûcher géant. Je m'effondre sur mon canapé et, oubliant mon sac-à-dos encore trempé d'essence j'allume une clope. WAOUFFF fait le canapé, que je n'avais pourtant jamais dressé à faire ce tour.
Je me tords de douleur au milieu des flammes, plié de rire : ça y est j'ai enfin réussi à trouver un con à brûler.
Aujourd'hui on est le 10 Avril. Une sorte de frénésie s'empare de moi à l'énoncé de cette date. Le 10 Avril. La Saint-Con. En général j'aime pas les évenements réccurents, le 14 juillet me fait gerber (je rêve de voir un cinglé s'emparer des commandes d'un bombardier B2 et éparpiller ce défilé de tapettes en uniforme en se croyant revenu à la dernière guerre), je ne me lève même pas le matin de Noël et je rejoint mon abri anti-atomique pour fêter le nouvel an. Quant à mon anniversaire, je suis pas foutu de me souvenir de la date. Mais là c'est autre chose. C'est la Saint-Con. T'entends ?? LA SAINT-CON !!
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On s'en lasse vraiment pas de celui-là, même après une bonne dizaine de lectures et relectures dans tous les états possibles et imaginables.
Retrospective Saint-Con : Le tout premier vainqueur.