Après les événements - comme on appelle ça entre nous - j’ai été un temps en Centrafrique, dans un centre de réfugié, et comme je n’étais pas une femme, ça allait à peu prés. Le matin j’en retrouvais toujours une ou deux vers là où on allait chier dans la forêt, et tant bien que mal je tentais de les réconforter. « Ç’aurait été pire au Zaïre, ç’aurait été l’armée de chez nous et celle de chez eux qui se serait occupé de ça. » Je suis pas particulièrement raciste, mais le métissage dans ces conditions, même vos plus fervents partisans en perdraient les couleurs, de dégoût.
Au bout de deux jours où on s’allongeait dans la boue en se protégeant avec les habits plein de sang des décédés, ils nous ont distribué des tentes bleues et blanches. On manquait pas d’habits plein de sang des décédés, on manquait pas de décédés, mais ça commençait à craindre un max avec l’épidémie de choléra qui se propageait. Une dizaine de blancs vêtus dans la couleur des tentes sont venus nous questionner sur notre lieu de prédilection pour déféquer… On les y a conduits le matin, et je me rappelle clairement d’une grande blonde avec un chignon dans les cheveux qui nous a engueulés sévère en voyant nos femmes de si bonne heure vautrées dans l’abus qu’elles avaient subi.
« On préfère faire ça nous même, qu’il lui a lancé Jean de dieu. C’est qu’une question de temps avant que les autres se vengent sur elles, et ça sera bien pire. »
Toujours est-il que leur conclusion concise, à la grue blonde et à sa bande, préconisait avec grande insistance de prendre le plus vite possible des mesures d’hygiènes. Il fallait organiser des points repères pour séparer les eaux soi disant propres des usagées. Léon s’est proposé de toute sa bonne volonté pour aider, et il incluait d’autor que Jean de dieu et moi-même le suivions.
« Tout ce que vous avez à faire, c’est nettoyer un peu le camp. »
Nos ex-armes blanches, elles gisaient sur les routes près des derniers corps fauchés à la volée. A défaut, pour nettoyer le camp, on utilisait donc quelques unes des bâches bleues prévues pour renforcer les tentes. Je rassemblais un groupe sous prétexte de les amener rejoindre un centre de soin situé à l’écart. Les plus faibles concentraient dans un ultime effort leur force pour un mieux aller qui ne leur fut pas si agréablement servi qu’ils se l’imaginaient… Je les conduisais dans la forêt, et dès que les bruits du fleuve recouvraient ceux du camp, Léon et Jean de dieu sortaient, on assommait les plus vaillants, on se contentait de foutre violemment les autres au sol, et puis on laissait agir le cours naturel de l’étouffement une fois engouffrée leur tête dans le morceau de bâche découpé pour l’occase.
Après le Centrafrique, c’est en Ouganda que j’ai pu m’enfuir et c’est de là que je me suis envolé vers la Belgique.
***
En Belgique, donc, comme je le disais plus haut, j’ai débarqué avec la neige qui me surprenait partout où je regardais. Longtemps, je m’en suis servi comme d’un révélateur de mépris, cette anecdote. Je recevais des prix littéraires de la part de cravateux a priori lecteurs de mes ouvrages, où je racontais avec menus détails les recettes d’un bon massacre. Au cours de notre conversation feutrée, je les mettais au courant de ma grande stupeur devant la neige à ma première descente d’avion. J’avais ma phrase toute prête, j’enfilais sur ma moche face mon plus tranchant sourire de nègre, et je leur déclarais : « Il aurait suffi d’un peu de cette neige pour qu’on fasse autre chose que s’entretuer, chez nous. »
Ça manquait rarement sa cible. Je suis bon jeu, et avec tout le bon temps que je m’offrais sur les gorges de mes ex-victimes, je devais bien ça à notre chère et vieille Belgique de lui remonter du plus profond de son être des idées d’une autre époque. C’est la plus simple offrande, le sentiment de supériorité, pour se ficher facile de mentir à votre possible bourreau.
Dans l’ordre exact des événements, grâce à l’aide financière d’une tante en France, je suivais des études de kiné à Lièges quand j’ai retrouvé la trace de Jean de dieu. Mon colocataire à l’université rachetait des clopes et d’autres produits moins étiquetés afin d’arrondir ses fins de mois par ailleurs plus fréquentes que le calendrier ne les prévoyait. Il est revenu un soir avec les jetons tellement agités qu’ils se mélangeaient avec ses testicules pour clinquer dans sa gorge et bloquer sa respiration. Une fois fini de suffoquer, il me raconta que son nouveau refourgueur n’acceptait plus les retards de paiements et pour prouver toute sa détermination, l’avait menacé avec un petit sabre… textuellement ce qu’il me sort : « un petit sabre »…
« Il était grand, Gaston, t’aurais vu ça ! complètement grand ! de partout ! et des mains ! d’atroces mains de colosse !
- Ton vendeur ? Mais c’est une fiotte comme rien ! Je l’ai déjà croisé ici même, ducon la frousse !
- Pas lui, Gaston ! son homme de main ! et quelles mains Gaston ! des géantes mains sur ce petit sabre qu’il tendait vers mon cou… »
Avant d’éluder son parcours en queue de peloton de la chaîne de vente au noir du marché liégeois, de faire le gros bras pour sacrifier le courage des apprentis dealers au profit du poisson juste un peu plus important qui les fournissait, Jean de dieu, il avait confronté son vagabondage à bien des endroits entre le Zaïre où je l’avais perdu de vue et la Belgique où je le retrouvais avec ses machettes que les gens d’ici se montraient réticents à nommer par ce vocable.
***
L’épisode des réfugiés que nous balancions au fleuve fut plus difficile à étouffer que nos pauvres victimes. Les officiels de l’organisation qui nous employait plus ou moins officieusement, se sont pas targués de faux sentiments de compassion. Direct c’est aux autorités centrafricaines qu’ils ont fait appel. Leur sorte de jeep nous conduisait ainsi vers Bangui, ou du moins le croyait-on. Le fleuve Mbomou s’écoulait devant nous mais apparemment dans le mauvais sens. C’est Léon qui le premier renifle l’embrouille…
« Ils nous ramènent chez nous ! »
A l’annonce des panneaux hésitants sur leurs positions et qui annonçaient tant bien que mal le Zaïre, plus aucun doute ne se prenait l’abri au chaud dans nos têtes bien dégagées des intentions de nous échapper par les coups de bottes transmis par nos gardiens. Entortillés à l’arrière de leur jeep et à leurs pieds, je ne nous donnais guère plus d’une vingtaine de kilomètres avant de nous voir confier à l’armée ou à des rebelles. La seule incertitude, voilà… savoir à qui on nous remettrait… le temps qu’il nous restait à vaguer par soubresauts avec les coups de volants et d’heurts rencontrés sur la route.
Un vrai miracle ! Impossible de savoir combien de bornes ainsi on a roulées, franchissant des villages vraiment où c’était pas joyeux. Même par chez nous, et aux pires moments, le chaos ne chargeait pas l’air d’autant de fumée d’inutiles charniers, le vent ne s’alourdissait pas avec un nombre aussi blindé de cris de haine, et la pourriture ne venait que rarement avec une si belle sollicitude contourner votre odorat pour entrer dans votre nez au pas d’un régiment déterminé à tout mettre à sac.
La plupart des endroits où on passait, le bruit suffisait autour de nous pour qu’on puisse discourir un instant sans s’attirer les foudres de coups de nos détenants.
« Gaston, Jean ‘dieu ! Faut pas qu’on les laisse nous conduire jusqu’à Goma ! au lac Kivu on est morts ! »
Pas tant qu’il ait tort, Léon, mais ça coule d’évidence qu’on est pas en position de choisir notre arrêt comme au bus. Le village où on communique comme ça est maintenant franchi… le silence s’impose de nouveau, si je puis dire : le bruit a jeté les armes… Par l’arrière de la jeep, on voit la fumée s’élever fort haut maintenant que la distance nous permet de cadrer également le ciel… Elle se disperse ensuite, et avec le vert des cimes qui s’y mélange, la sorte de brume formée pèse sur la scène que nous quittons comme un reste de feu de camp.
Les collines sont là, nous approchons de la frontière, de notre frontière. A ce moment, un hasard intervint dans le parcours. Quand le conducteur, qui n’était ni désireux de contrarier ses supérieurs, ni assez serein pour s’enfoncer dans la forêt, arrêta le véhicule en prétendant un problème technique, le pneu avant gauche heurta quelque chose dans l’accotement.
***
« Après que Léon se soit fait choper, j’ai continué de courir le plus vite que je pouvais, puis voilà tout ! »
C’est bien exactement l’action que j’ai suivie à la lettre que me dictait l’instinct. Les coups de feu retentissaient et je croyais toujours m’être fait toucher. Il a fallu que le bruit s’arrête, que je ne coure plus, et que passent quatre bonnes années après mes retrouvailles avec Jean avant que je puisse oublier ces balles sifflantes dans mon dos. Et elles ne firent alors que laisser la place à de nouveaux fantômes, de plus modernes, des fantômes qui parlent et qui se voient tout seuls sans que vous les appeliez, qui se manifestent même à vos proches et les renseignent sur vous plus que vous craigniez que personne ne le fît un jour. Mais nous y viendrons avec le temps…
« Et t’es arrivé où comme ça ?
- Je me suis joint à une faction de rebelles qui voulait marcher jusqu’à Kinshasa… »
Et il a effectivement marché jusqu’à là-bas sans trop savoir pour qui il se battait alors… contre Mobutu… contre Kabila… mais pour qui ? quoi ? Bien duraille de se faire une idée, une vision objective des faits, du loin que j’ai suivi tout ça, les deux guerres du Congo, etc.
« T’étais avec les Interahamwe ?
- Gaston, tu devineras jamais qui j’ai croisé là bas ! Faustin ! »
Ça va, ses rebelles je les connaissais ! Une milice, oui. Je voulais pas rentrer dans ces histoires ! ces détails ! Je lui ai fait promettre qu’on en parlerait plus jamais du tout, et à part cette fois que je vous conterai plus tard, on s’y est absolument tenu entre nous deux. D’ailleurs sur le moment, c’est lui qui me demandait qu’on se taise… chuchote… Il craignait qu’on nous écoute de partout. Il se méfiait d’Asa, mon colocataire. Il le reniflait sans cesse mais le sentait pas.
Asa a pas paru des plus enchantés de mon idée d’héberger Jean. La taille de Jean de dieu le glaçait jusqu’au plus profond des os, là où ils s’articulent de graisse et sur son visage, sa bouche n’articulait aucun son à part le claquement continuel de ses dents. Je débutais la cohabitation de mes deux vies, et 1998 pointait le bout de son calendrier rempli de jolies pin-up comme le voulait la tradition estudiantine.
***
Casanier me convenait pas comme demeure adjectivale. Je débarquais cette fois à Lyon, avec pour tout mouchoir de poche un diplôme de kiné inutile au possible dans cette grande ville. On passe ses heures dans un endroit à empiler des boîtes, déplacer des matériaux, fondre des idées, brader des gens à nos pauvres sentiments qui n’ont plus rien de nobles, pour ensuite prendre la tangente sans penser une seule seconde de ce qu’on fera de ces débris de verre de nos lunettes quotidiennes. On va voir ailleurs, à travers des lunettes cette fois-ci astronomiques, mais on atterrit autant de travers sur notre nouvelle planète qu’on était parti de l’ancienne, en traînant avec nous un ramassis de cendre dans un vase que le premier visiteur ne manquera pas d’envoyer faire connaissance avec l’apesanteur de chez lui.
Jean de dieu s’adaptait comme un gant à sa nouvelle vie. Asa et lui blaguaient maintenant avec facilité, comme s’ils s’étaient connus de longue date et partageaient un tas d’histoires communes. Je les avais suivis dans cette ville par crainte surtout de me retrouver seul à jardiner mes souvenirs que là je pouvais maintenir sous le contrôle de ma lourde table pour peu qu’assez d’amis viennent y casser la croûte en ma compagnie. La kinésie offrait des postes partout en France dans des petites villes, d’encore moins grands villages, mais aucun au sein d’une cité de la population de Lyon. Asa lui y travaillait comme journaliste dans un fanzine dirigé par un certain David Hadorn. Le zine s’intitulait « la Zé-no », ce qui est le verlan de la nausée. Le nom venait sûrement de l’impression censée être provoquée par la crasse suintante de ce pseudo-journal. On y lisait des textes de fêlés qui se branlaient dans leur caca, des chroniques de films complètement idiots et bancals, qu’on trouvait, à mesure qu’ils se vautraient dans leur médiocrité, de plus en plus sensationnels et décalés. Il m’est avis qu’à force de faire dans le décalage, on s’éloigne si bien de la cible dont on veut prendre du recul qu’il est fort possible que n’importe quel petzouille venu fasse à l’écran de l’objectif pointé vers le vide un effet ahurissant d’avant-gardisme.
Je raisonnais ainsi des heures durant à débattre de son activité avec Asa tandis que Jean coupait avec soin les photos prises dans la journée. Il n’utilisait pas de ciseaux, et Asa tiquait sur l’étrangeté de faire du recadrage avec de grands couteaux de cuisine. Heureusement, malgré nos problèmes de thunes, l’ambiance stagnait au beau fixe comme le moral d’un cheptel en déplacement.
Nous logions dans le septième, là où les panneaux de circulation annoncent la Part Dieu à proximité pour les voitures et où les abris bus indiquent Rouget de l’Isle. J’empruntais les lignes le plus tard possible, mais l’abondance se fixait en régularité, et mes compagnons de virée entonnaient leurs discussions avec un brouhaha presque à la fois mécanique, folklorique et burlesque.
Un soir, tandis que deux attardés derrière moi discutaient d’un chat et de la meilleur manière de l’occire dans les pires souffrances, une jeune femme d’une trentaine d’années - à ce qu’indiquait l’horloge biologique de son visage - a répondu par de grands verbes d’indignations. Les deux tarés l’ont convaincue de leur point de vue en testant sur elle quelques-unes des techniques énoncées à propos du chat. Je regardais cette scène depuis ma place assise, dans le bus, et autour de moi personne ne bougeait ; à peine entendait-on des murmures désapprobateurs au moment où la tête de la jeune femme heurta si sévèrement une des chaussures qui la frappaient qu’un peu de sang marqua le sol du bus de son tort d’avoir répondu. Le chauffeur continuait son trajet pour le reste des passagers.
Quand je racontai cela à Jean de dieu, il hurla contre mon oreille, en me saisissant par le col : « Mais ils sont fous, Gaston, ici, ou bien ? »
Et comme il lisait aussi ma déception, il rajouta, bon camarade : « Nous, au moins, nous faisions ça avec plus de classe. »
Il souriait bêtement et la fausse lumière des lampes brillait comme une salope sur la lame de son couteau avec laquelle il désossait les photos sur la table du séjour.
***
Toujours, cette histoire donna des idées à Asa, et nous formâmes alors un trio de reporters, arpentant les lignes de transport en commun du réseau TCL lyonnais, à l’affût des moindres altercations, des plus castagneuses embrouilles. La rubrique connut un vif succès, et le journal d’Hadorn faisait alors raffoler les jeunes pousses de la bourgeoisie pseudo-rebelle, parmi laquelle, le fait est établi comme ma bite au fond de leurs fesses, s’inscrit un nombre non négligeable de méprisables petits merdeux.
C’est par ce genre de phrases que nous démarrions notre chronique. Donner de la merde et la donner en le disant, c’était là tout l’ « esprit » du journal… Je prenais une part active dans la rédaction des articles, Asa mettait le tout en scène, autour des photos et des témoignages éventuels. Nous gardions Jean de dieu avec nous pour les cas où le vinaigre se mette à tourner en nous entraînant dans son siphon. Sa stature décourageait les éventuels mécontents de s’être fait scooper dans leur méfait.
Avec cette activité, et quelques jobs de surveillance de nuit ou en week-ends, on commençait à financièrement s’en sortir moins mal qu’auparavant. On se permettait même de sortir, de s’enculturer avec la masse aux cinémas ou dans les beaux lieux de réflexion certifiés par le tampon et le badge des employés. Je lisais pour ma part de plus en plus. Le journalisme et le chômage de kinésie combinaient positivement pour me laisser un joli salaire de temps libre. Je squattais la bibliothèque de la Part Dieu où je passais avec plaisir de Musil à Giono en passant par la poésie de Ponge ou de Fondane. J’avais seulement une réserve pour ce qui ne datait pas du 20e siècle. Je sentais bien que dans le développement de celui-ci, je trouverais tout ce qu’il me fallait pour… mais je ne savais pas quoi encore.
Très vite, c’est même devenu une réussite totale, nos articles dans le journal d’Hadorn. Les lecteurs s’en raffolaient les papilles attentivement dès la parution du numéro nouveau. « La Zé-no » devint bimensuel pour satisfaire son public. Nous galérions dans celles, de galeries, de la ville, pour chasser l’agression fortuite et apte à se piéger dans les mailles de notre filet de reportage. Toutes les sources se tarissent dès lors que les gourdes se bousculent pour en collecter le liquide précieux. Nous assistions même à un phénomène des plus étranges. Nos idiots de lecteurs simulèrent eux-mêmes des agressions dans le seul but de se faire croquer le portrait dans une colonne.
Hadorn nous réunit dans son bureau. Des banderoles joignaient les extrémités de la pièce. On pouvait lire des citations d’auteurs étrangers, dans la langue d’origine. De l’allemand… de l’anglais… des caractères d’autres alphabets, sûrement japonais, pour le peu que je m’avançais… Une huitaine de piles de dossiers, feuillets, ouvrages s’éparpillaient sur le sol où deux chaises, face au meuble principal du bureau, existaient à grande peine. Elles s’excusaient presque de leur position en accueillant nos fesses.
« Je ne connais pas votre ami, Albert’Asa.
- C’est Gaston, il écrit avec moi les articles. »
Il a balancé alors une vanne ou deux sur notre pluriel d’écriture qu’il trouvait singulièrement légère. Le ton a monté rapidement. Il s’exprimait posément, c’est-à-dire avec des poses d’autorité pour renforcer ses dires qu’il calibrait selon son interlocuteur. De mes lectures j’avais retenu des phrases et d’autres que je ressortais maintenant le plus à propos que je pouvais. David amenait toujours le débat dans une sphère annexe, comme on déplace une masse trop lourde sur un élévateur pour la soulever sans effort. On le sentait tout à fait dégoûté de son zine, de sa mare gluante de fans avec lesquels il ne partageait que l’opinion pécuniaire payée en tribut contre la possession d’un exemplaire.
Très classe, encostardé à notre contraire avec nos fringues aux coloris et matériau banals au possible, David ouvrait le chemin de ses longs bras lors d’explications agitées, comme s’il avait abattu devant lui des plantes qui barraient son avancement. Il nous invitait dans un restaurant au cœur du 5e arrondissement où nous terminerions notre discussion plus à l’aise. Ses habitudes l’y attendaient ; une serveuse vint lui biser la joue, le débarrasser de son manteau tandis qu’elle augmentait notre gêne en nous défiant de son regard russe platine.
« Je pourrais, en plein milieu de Lyon, brûler l’intégrale de la Zé-no. »
Son ton était calme, appuyé sur les dernières syllabes, comme pour souligner qu’il pensait mot pour mot ce qu’il disait. Et, tout à la fois, son désaccord s’exprimait. Car David jamais ne gardait son opinion, il admirait le point de vue, se tournait, se penchait, puis recommençait, deux rues plus loin, à écouter aux portes et gratter sur les murs pour goûter, interroger l’architecture d’un nouveau lieu.
Je ne sais comment, mais nous en vînmes à l’heure du digestif à nous braver quant à qui enchaînerait le plus de cul-sec. Le rouge montait à la tête d’Asa, et nous l’avions, effectivement, fait couler à flot avec sa belle robe de vin lors du repas. Ne restaient « en compétition » que David et moi. Je lui avais confié, durant le dessert, écrire quelques fictions qu’on pouvait modestement assimiler à des nouvelles.
« Si vous gagnez, j’abandonne le journal et je vous édite. »
Asa me chuchota la réputation de mauvais perdant d’Hadorn. Je m’en voulais d’ailleurs d’avoir évoqué mes écrits à un tel personnage. Vexé par son défi léger, je laissai là le duel et nous rentrâmes nous reposer en titubant, tandis qu’au comptoir, des bras venus de l’est entouraient le cou et supportaient, à leur extrémité, des mains qui caressaient les cheveux bruns de David.
LA ZONE -
Je suis arrivé en Europe en 1995, pendant l’hiver. A l’aéroport de Bruxelles, en dehors des pistes, ils avaient tout recouvert avec une espèce de poudre blanche, mais on m’a expliqué le lendemain que ça tombait du ciel et j’ai tout de suite compris que j’allais devoir changer de vie.
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De là à conclure que l'auteur est noir, il n'y a qu'un pas.
Fais gaffe, quand même, quand on s'est rendus compte que Nounourz était noir, on l'a jeté du septième étage.
en ce moment et chez vous, m'est avis qu'il vaut mieux être noir que canard.
NON MAIS TU DÉCONNES LA RÉVOLUTION EST EN MARCHE ON VA CASSER DES VITRES AVEC DES CAILLOUX ET FAIRE DES RONDS DANS LA MARE C4EST CARRÉMENT L4EXTASE.
L'opposition n'est pas une menace, tu penses bien, pas avec 87 textes en attentes hin hin hin.
tu dois avoir raison, la noire de l'illus ressemble étrangement à un canard. Tous contaminés, putain.
(et sinon, ya encore 2 épisodes de pérégrinations à venir, ce n'est malheureusement pas encore la fin)
commentaire édité par Kwizera le 2008-10-20 22:7:18
C'est sans doute le gros inconvénient de la zone ce système de publication, parce que pour les textes en plusieurs parties, ça nique quand même l'ambiance le temps que la suite arrive.
d'autant plus pour un texte de ce type où on entre quand même vachement dans l'ambiance, mais que je ne suis pas sûre d'avoir envie de relire trois fois pour me rappeler les éléments quand les 2 épisodes suivants paraitront.
(d'un coté, je m'en tape, je l'ai déjà lu en entier, hin hin )
Tu sais que c'est l'histoire d'un trve thug qui patauge dans la boue et qui tue des gens, et dans cet épisode il tente de se hypiser. Pas besoin d'en savoir plus pour comprendre la lecture. Je trouve. Mais moi je suis VIP, lol
Et ça nique rien mis à part ton cul, salope, ce système d'édition; ce site c'est le bordel par définition, ça peut pas être autrement.
Il manque toujours autant d'action. Y'en a pas quoi, enfin, sauf quand Hadorn s'énerve et que attention, hein, ça va barder. Certaines descriptions sont plus piquantes que d'autres, cela-dit, comme la pile de cadavres près des poubelles et des machettes dans le campement, la tente putride qui sent le cul remplie de trous qui baillent, la mémé dans le bus, les balles qui sifflent dans la tête... c'est cool ça, mais c'est vachement dilué dans pleins de trucs dont on se branle, comme Asa qui flippe sur Jean de Dieu par exemple.
Agréable, mais un peu lent.
c'est fort dommage, c'eut été désagréable et rapide, j'aurais pu sortir un CTB.