La soirée avait commencé tranquillement, elle avait passé deux heures aux fourneaux. Son choix s’était porté sur une entrée légère, un rôti agrémenté de petits légumes et de patates douces, et d’un dessert, acheté dans une grande surface. Elle avait ensuite nettoyé la cuisine, le salon, puis la maison. Elle avait dressé la table soigneusement, choisie sa nappe la plus jolie, un service assorti. Puis, elle s’était douchée, habillée et avait attendu qu’Enaël rentre avec son ami de longue date, Emmanuel. A leurs arrivés, ils étaient passés à table directement et pendant qu’elle les servait, Enaël n’avait pu s’empêcher de la critiquer : la nappe n’était pas à son goût, pourquoi les assiettes à fleurs ?, le vin mal choisi, le rôti trop cuit, les légumes pas assez salés, le dessert dégueulasse…Bref, elle avait passé une soirée de merde, comme toutes les soirées qu’elle passait avec Enaël.
Elle n’avait pas voulu de cette vie, pourtant, elle subissait les conséquences de son choix insensé. Elle ne supportait plus cet être qui se fichait éperdument d’elle, elle avait sacrifié son existence pour lui et à présent, elle était esclave à ses pieds. Sa facilité à ne rien faire, à ne prendre aucunes décisions, l’écœurait au plus haut point, elle avait été contraint et forcé de tout gérer pour le bien de son sacrifice…
Elle s’était enfermée dans la salle de bain, malade d’aller dormir auprès de monstre qui l’asphyxiait petit à petit. Alors, comme chaque soir avant d’aller se coucher, elle avait procédé à son rituel bénit qui lui permettrait de le supporter une nuit de plus. Elle avait brutalisé violemment son corps au rasoir et avait regardé avec fascination et dédain ses bras prendre une violente teinte rouge…
Dans son souvenir, les plaies déjà pénétrantes semblaient s’approfondir d’avantage tandis que les différentes ouvertures provoquées par la déchirure des tissus s’étendaient dangereusement le long de ses bras. Le sang s’était mit à goutter sur le carrelage blanc, la douleur lancinante s’était diffusée au sein de son corps tel un élixir…
Elle tenta de se relever calmement, lorsqu’une douleur désagréable traversa son corps…Elle déchira un morceau de son tee-shirt et réussi à en tirer quelques bandes grossières qu’elle utilisa pour panser ses bras. Où diable se trouvait-elle ? Même si sa vision était nulle, ses autres sens pouvaient la guider, son odorat lui indiqua que de la terre avait été fraîchement remué. Son sentiment de panique se mit à grandir, était-elle vraiment dans un trou, une grotte ? Elle tendit les mains en avant, espérant rencontrer un obstacle quelconque, lorsque ses doigts effleurèrent un mur de terre. Le cœur au bord de l’explosion, elle tenta une fois de plus de crier, un faible son s’échappa de sa gorge…
Désespérée et aveugle, elle s’écarta lentement du mur. L’avait-on jeté dans un trou pour qu’elle réalise enfin que sa vie méritait d’être vécue ? Elle allait se remettre à crier lorsque la grotte s’éclaira faiblement. Elle cligna des yeux douloureusement et chercha du regard l’origine de la lumière. Elle venait d’une petite galerie qu’elle emprunta avec réticence. Où était-elle, bon dieu ?
A petit pas, elle pénétra dans une autre grotte, dans la pénombre, elle discerna vaguement un énorme tas d’ordures tandis qu’au milieu de l’espace se trouvait un énorme four. Un « homme », pourvu d’une pelle et d’une sorte de pioche, se trouvait juste à côté. Elle s’approcha lentement de ce personnage étrange.
- Où suis-je ?
L’ « homme » resta silencieux. Sa posture voutée et sa longue cape lui donnaient un air inquiétant. Elle retenta une approche mais une fois de plus un long silence lui répondit. Son cœur se remit à battre frénétiquement la chamade. Pourquoi l’observait-il de la sorte ? Un détail attira alors son attention : d’épais fils noirs avaient transpercés ses paupières…ses yeux avaient été cousue. Elle s’éloigna fébrilement de l’homme et s’écrasa dans l’énorme tas d’ordures qu’elle avait pu discerner un instant plus tôt. Sa chute remua une violente odeur de chair en décomposition qui lui explosa aux narines. Prise de vertige et de haut-le-cœur, elle fut alors écœurée par le spectacle qui s’offrait à elle.
Des corps et des cadavres s’entremêlaient autour d’elle, leurs chairs desséchées pourrissaient à loisir dans ce trou qu’était devenue sa tombe. Elle observa horrifiée des visages émaciés et comprimés ; des orbites creuses qui suppuraient abondamment ; des mâchoires explosés aux lèvres noires et suintantes ; des corps pustuleux et boursouflés, aux formes étranges…
Elle s’arracha violemment à ce monstrueux tableau et, à quatre pattes, rampa vers le four. Sa tête lui donnait le tournis, l’odeur des chairs en décomposition lui collait au corps, elle pouvait la sentir partout sur elle.
Elle releva la tête vers l’ « homme », qui lentement se dirigeait vers elle, lorsque sa cape glissa sur son dos. Son cœur rata un battement, incroyablement massif, la créature était pourvue d’excroissances étranges. Son énorme main empoigna son bras avec violence lorsqu’il gronda d’une voix rauque :
- Que fais-tu dans « le Ventre » ?
Elle voulut répondre mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il resserra sa prise et s’approcha si prés d’elle, qu’elle put sentir son haleine fétide sur son visage. Il huma l’odeur de ses cheveux et murmura :
- On m’informe que ton assomption a été enregistré à 23h50, le jugement et la pesée de ton âme à 23h54, ton dossier rangé dans le tiroir n°345.987.456 AB+ et attribué au sous-sol numéro 4 apparenté au « Cellier »…Le suicide est l’un des péchés lié à l’envie, tu ne passeras donc pas par le brasier suave du purgatoire. Au sein du harem du Maître, tu deviendras son esclave durant les siècles à venir, tu traverseras les sous-sols numéro 4 à 6 avant de pénétrer dans la salle Sainte où tu…
Et tandis qu’il parlait, son cerveau lui donnait le tournis, elle n’assimilait pas bien les paroles de la créature qui lui semblaient incohérentes. Refusant de croire ses propos, elle tenta de se dégager de l’emprise de la bête lorsqu’une chaleur suffocante se répandit brusquement autour d’elle. Toujours prisonnière de la créature, elle s’agita avec force en lui hurlant qu’elle ne deviendrait jamais l’esclave de quiconque. La réponse de la créature fut sans équivoque, il la poussa férocement dans l’immonde tas de cadavres. Elle voulut se relever mais la puissance colossale du monstre s’abattit sur elle lorsque, sans attendre, il lui retourna net le bras. Un craquement sinistre se fit entendre et la monstrueuse douleur lui arracha un hurlement.
- Si tu ne veux pas te soumettre aux lois mastéennes, j’administrerais moi-même la punition liée à ton péché ! Tu deviendras ma pute, petite salope…Et il se mit à rire bruyamment en déchirant violemment la totalité de ses vêtements.
Durant plusieurs secondes, elle ne put bouger, paralysée par la douleur, puis, rassemblant ses dernières forces, elle tenta de le repousser avec vigueur. Il plaqua alors son abjecte main griffue sur sa bouche et lui écarta sauvagement les cuisses. Il se posa violemment sur elle, elle, qui était nue sous lui et la pénétra bestialement. Elle se mit à hurler de douleur tandis que la chaleur et l’odeur nauséabonde des cadavres enivraient maladivement son cerveau. Elle eut un brusque haut-le-cœur et régurgita instantanément son repas de la veille. Noyée dans sa propre gerbe, elle se débattit violemment, elle pouvait sentir ses énormes griffes lui entailler les hanches avec brutalité. Ardemment, il se perdit en elle, puis, comme s’il voulait la transpercer, la clouer au sol, il accéléra ses mouvements avec bestialité. Et tandis, qu’elle sentait au fond de son corps le fruit de sa virilité se répandre dans son antre, il la broya tout entière.
Lorsqu’il eut terminé d’assouvir sa sentence, il la prit par la cheville et l’entraina vers une autre galerie, prés du four. Il traina lamentablement son corps meurtrit sur le sol rocailleux pendant dix longues minutes, avant de s’arrêter devant une porte en fer, qui ressemblait fort à l’entrée d’une cellule. Là, il la jeta à l’intérieur sans ménagement.
Sa vision déformée par les larmes et la douleur, l’empêchait de discerner l’endroit exact où elle se trouvait lorsque son regard se posa sur une jeune femme, enchaînée au mur. Elle semblait avoir été battu au sang, son visage tuméfié, parcourut de bleus et de cicatrices, ressemblait plus à un amas de chair qu’à une figure humaine. Sa bouche, sèche et fissurée de toute part, mordait une pomme gâtée qui laissait couler sur son menton du jus pourrie. Ses bras et ses mains semblaient cassés par l’angle étrange qu’ils formaient tandis que ses genoux brisés traînaient piteusement sur le sol. La jeune femme lui lança un regard sans vie lorsque la créature lui cracha brusquement :
- Ne daigne même pas lever les yeux tant que je ne t’en donne pas l’ordre, sale monstre !
Il referma sa prison, sa tombe…
Une pomme roula à ses pieds et une voix caverneuse s’éleva alors :
- Il n’y a pas de vie dans le néant…
LA ZONE -
Lentement, elle sortit de son sommeil, ses paupières s’ouvrirent doucement et ce ne fut pas sa salle de bain qu’elle découvrit mais le néant. L’absence de lumière totale fit battre son cœur à un rythme frénétique. Elle avait toujours eu peur du noir, depuis son enfance, depuis le jour où son père l’avait oublié dans le garage…
Elle se redressa doucement et fut parcourue de frissons incontrôlables. Elle tenta d’appeler de l’aide mais un mal de tête atroce transperça sa boite crânienne. La gorge sèche, elle déglutit péniblement, depuis combien de temps était-elle dans ce trou ?
Une douleur à la mâchoire lui arracha une grimace tandis que le contact de sa langue sur son palet lui informa que certaines de ses dents avaient été cassées. Elle toucha doucement ses canines, du bout de ses doigts, et constata qu’elles étaient branlantes, étrangement sensibles. Elle se mit doucement à sangloter. Comment avait-elle fait pour en arriver là ?
Elle se redressa doucement et fut parcourue de frissons incontrôlables. Elle tenta d’appeler de l’aide mais un mal de tête atroce transperça sa boite crânienne. La gorge sèche, elle déglutit péniblement, depuis combien de temps était-elle dans ce trou ?
Une douleur à la mâchoire lui arracha une grimace tandis que le contact de sa langue sur son palet lui informa que certaines de ses dents avaient été cassées. Elle toucha doucement ses canines, du bout de ses doigts, et constata qu’elles étaient branlantes, étrangement sensibles. Elle se mit doucement à sangloter. Comment avait-elle fait pour en arriver là ?
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l'image est jolie
Ha! Et le texte aussi il est jolie ...
j'aime bien. cependant, je pense que le texte aurait gagné à un peu de nervosité et de secheresse.
cette phrase, là, par exemple :
Dans son souvenir, les plaies déjà pénétrantes semblaient s’approfondir d’avantage tandis que les différentes ouvertures provoquées par la déchirure des tissus s’étendaient dangereusement le long de ses bras.
je l'aurais plutôt écrite comme ceci :
Les plaies déjà pénétrante s'approfondissaient. Les tissus ouverts, les déchirures, s'étendaient le long de ses bras. C'était pire que dans ses souvenirs.
par exemple, hein.
Le début ressemble un peu trop aux textes précédents, mais la suite dérive agréablement dans le fantastique.
Ca se lit, même si ça donne un peu trop envie de mourir sur la fin.
c'est pas mon texte préféré mais ça mérite quand même plus de 5 commentaires de trois auteurs différents
commentaire édité par Advienne-que-pourra le 2008-5-22 11:7:28
Je suis pas sûr, faudrait que je le lise d'abord.
J'avais bien aimé, malgré la vision de l'Enfer pas spécialement sympathique (pour moi, l'Enfer c'est forcément grandiose, immense, poliorcétique). C'est peu commun comme texte, du coup c'est cool.
J'ai rien compris à la fin.