L'infernal tourment des damnés, les flammes dans mon ventre et dans ma poitrine, en train de tout ravager. En une seconde, je vomirai les flammes de moi, hors de mes poumons calcinés par ma bouche grande ouverte. Ils retrouveront alors leur aspect rosâtre et leur tiède humidité. Les muscles intercostaux prendront de la consistance et s'épaissiront sur la charpente noircie de ma cage thoracique. Des volutes de fumée opaque viendront s'évanouir sur ma peau séchée.
Je me redresserai lentement, mes vertèbres venant se coller une à une au poteau auquel je suis ligoté, et les cordes se resserreront sur moi. En une seconde les flammes auront reflué de mon visage, et je verrai à nouveau la foule hostile massée à mes pieds, tous ces visages uniformes tendus vers moi. Que ces charognards impurs ne quittent plus jamais mon champ de vision. Leur malsaine curiosité les souille. Je les verrai venir à moi et se masser au pied de mon bûcher tandis que ma peau carbonisée s'éclaircira et enflera pour couvrir les parties osseuses mises à nu. Mes épaules s'envelopperont de ce tissu charnel et retrouveront bientôt leur mobilité. Les cendres emportées par le vent se recolleront à moi, reconstituant mes cheveux, mes mains carbonisées. Alors tout mon corps se mettra à trembler, et ma bouche, devenue fonctionnelle, à geindre et hurler. Mes entrailles creuses, vides de leurs fluides retrouveront leur apaisante moiteur et le liquide qui les baigne cessera de bouillonner. Les langues de feu dévorantes, chaque seconde moins intenses, délieront mon ventre de leur carcan. Des gargouillis indistincts crachés par ma bouche se dégageront alors des mots durs et heurtés, mes premiers en ce monde :
- Maudits ! Maudits ! Soyez tous maudits !
Et les flammes reflueront lentement de ma chasuble de grosse toile imbibée d'huile, et la maille brune se reconstituera peu à peu, enserrant mes membres. La souffrance se fera moins violente, plus insidieuse, concentrée autour de mes jambes. Peu à peu, le feu s'affaiblira et se retirera en ronflant entre les bûches consumées sur lesquelles je suis juché. Les trombes de vent éteindront les flammèches l'une après l'autre, jusqu'à ce que mes pieds nus redeviennent intacts, et que la douleur s'efface enfin.
Alors, la dernière flamme, portée par la torche du bourreau, s'évanouira dans un crépuscule de plus en plus clair. On me détachera, mes ennemis enroulant la corde autour de leurs mains, et l'on me bousculera du haut du bûcher.
Je me retrouverai au centre de la plèbe hostile, chahuté et harcelé par la vindicte de mes semblables à mon égard. Leurs sifflets, leurs insultes. Ils ne comprendraient jamais rien. Me voici incompris et de fait, roué, châtié, humilié. Dans mon dos, on démontera en toute hâte le bûcher. A la vérité, mon audace leur fait peur. Que mon âme s'élève bien au-delà de ce théâtre de misère et perdure. Ils ne peuvent attenter qu'à mon corps meurtri, mes mots eux s'épanouiront au cours des siècles à venir et mon nom sera retenu.
Perché sur une caisse de bois, mon bonnet de fou sur la tête, j'élèverai la voix, une dernière fois, pour leur asséner cette sentence :
- … Et alors, il lui dit : "retiens toi au pinceau, j'enlève l'échelle".
Seul sur ma misérable scène, ployant sous le poids du silence, la cible de mille regards hostiles. Tas de cons.
Au premier instant, une étincelle de conscience viendra fleurir dans les cendres de ma dépouille noircie. Sans pouvoir encore rien percevoir, je me saurai né en ce monde. Et la première chose qui envahira mon esprit sera une souffrance immaculée, qui s'imposera en quelques secondes, annihilant toute autre considération. Mes premières pensées se fondront dans une masse indistincte de terreur et de ressentiment inexplicable.
Que l'incendie soit.
Que l'incendie soit.
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wow...
J'y reviendrai, mais premier réflexe = wow!
Ca me fait penser à une fable en prose sur le rôle du fabuliste dans la société oh-mon-dieu-quel-incompris-je-suis, en mieux vu que là c'est pas du tout ça.
C'est pas dégueu, ouais, c'est le seul pour l'instant que j'ai eu plaisir à lire.
J'aime bien la fin. Genre, les trois dernières lignes. Le reste beaucoup, beaucoup moins, mais sans raison particulière. Simplement pas ma came. Remarque, sur ce point là, les autres textes non plus. Et celui là est certainement un des rares que je pourrais relire à l'avenir, hors contexte saynkon.
Voilà, j'y reviens. Style impec (à part une ou deux lourdeurs au début du texte : "une masse indistincte de terreur et de ressentiment inexplicable", c'est pourri, on dirait du Mill), intense, extrêmement prenant. La forme reste toutefois assez concise pour ne pas prendre le chou et la stupidité de la blague du fou tombe comme un magnifique cheveu dans la soupe. En ce qui me concerne, nihil passe en tête.
pareil que Kwizera.
Tu te prends pour Jeanne la pucelle d'Orleans ? avoue que le soir t'enfiles des robes, que tu te peinturlures les lèvres et que t'enfiles des robes à fleurs. (oui en plus tu confonds Jeanne d'arc et Jeanne Calment... à moins que ça ne soit Mireille darc)
C'est super bien écrit, bien sûr nous tenons un challenger. Qui dit challenger dit participation du dernier champion à la fête et la c'est pas encore gagné... Je suis le Rocky Balboa flapi et boudiné du début de la série, même pas foutu de monter les marches d'un escalator en canard. Faut que je me fasse un entrainement à base d'injection d'hormones d'auteurs morts sinon j'y arriverai pas.
foutue compète de merde, ça me rappelle mon ancienne vie de nageuse Est-Allemande...
> 'avoue que le soir t'enfiles des robes, que tu te peinturlures les lèvres et que t'enfiles des robes à fleurs'
J'avoue. Sauf que moi je suis plus pucelle.
J'ai rien compris, je reviens lire demain.
Bien ecrit, visuel, voir original.
Le problème c'est qu'il n'y a qu'une idée et pas d'histoire.
Belle description. Où est le texte ?
DTC : Dans Ton Cerveau.
J'avais pas d'inspiration et pas d'autre idée que de faire un genre de bonus DVD inutile à la Saint-Con. Donc ton histoire tu te l'inventes, tu fous mes phrases dedans, tu mélanges et tu te l'injectes où tu veux.
Je capte toujours rien de précis, c'est comme regarder une amibe à travers les yeux d'un hypermétrope et se demander à quelle personnalité politique elle ressemble le plus. Dans le doute, je dirais Jean-Pierre Chevènement.
La description inversée de la crémation est pas mal, en ceci qu'elle reste une description, image par image, et quasi statique pour chaque image ; plus d'effet, à mon sens, pour des visions violentes comme ça. L'inversion elle-même a fait que je me suis longuement demandé si le texte était juste un texte "normal" mis à l'envers, mais y a trop de détails qui font que non ; en tout cas, ça m'a fait revenir sur mes pas, et ça aussi c'est pas mal.
La fin, n'importe quoi putain. Une sorte d'amibe qui pète.
Mouais, j'suis pas convaincu, ça ressemble plus à un exercice de style qu'à quelque chose de vraiment intéressant.
Une fin débile comme foutage de gueule total envers la cohérence de l'ensemble? (les fous étant rejetés de la société par définition, je vois mal une foule s'en prendre à quelqu'un se foutant de leur gueule)
"les fous étant rejetés de la société par définition, je vois mal une foule s'en prendre à quelqu'un se foutant de leur gueule"
Meuh ?
Sur-interpréation non ? C'est juste un con avec un humour de merde qui se fait crâmer.
Et oui, c'est un exercice de style, y a pas d'histoire, déjà dit.
J'essaie juste de comprendre ce qui pourrait amener une foule à cramer à con avec un humour de merde.
Si les foules faisaient ça, il n'y aurait plus de bois sur Terre depuis longtemps.
Ca signifie donc que c'était juste une fin débile, j'avais pas vraiment capté mais maintenant c'est clair.
Ah oui là complètement, fallait me demander, je te l'aurais dit.
Je suis de la vieille école : j'aime bien les textes de Saint Con débiles. Là c'est un peu trop sérieux (sauf la fin que j'aime beaucoup). En enlevant du contexte donc, j'apprécie : comme d'hab le style me laisse sur le cul et les images sont marquantes.
Je... Je me suis un peu emmerdé, je dois avouer.
Pas du tout touché par le style et le contenu m'a laissé froid (hahaha)
Style impec et sujet intéressant, qui entretient un suspens grandissant jusqu'à ce qu'enfin on tombe sur cette fin absurde .
Autant dire que j'ai bien aimé, même si ça aurait peut-être mérité un peu plus de profondeur.
A un moment on visite l'intérieur du cul du narrateur, qu'est-ce que tu veux de plus profond ?
Une visite guidée des intestins avec toutes les bactéries qui crament les unes après les autres en faisant des petits "pop".
Super bien écrit, très original,
Et pour la Saint Con heureusement qu'il y a cette fin.
A refaire mais pas dans le cadre de la St Con.
puis si mon commentaire n'est pas clair : vos gueules.
"retiens toi au pinceau, j'enlève l'échelle"
Du gros lard, là....
CTB?
C'est sûr que le style est vraiment agréable et que c'est bien écrit (et je ne dis pas ça parce que je suis "nouveau" et que je veux bien m'intégrer) mais c'est le 4eme ou 5eme texte "serieux" que je me tape et j'avoue être un peu déçu par le manque de débilité profonde de cette Saint Con.
On aurait dû ressuciter Phil Mc Meush.
I have a dream for ce bon texte de saint con...
J'aurais tellement aimé que le narrateur ne se soit pas mis en scène lui même, mais ait donné ce rôle à un autre des Zonards...
J'ai des noms à proposer, mais un choix venant de Nihil lui même, je suis sûr que la chute m'aurait fait encore plus rigoler.
*** Ça commence à me manquer les turpitudes entre zonards... Le bon temps des virilités de plume est si loin... Si désespérément loin...
Ça devient un petit peu trop précieux:
-Dis moi mon chou bisou! Je voudrais bien te cramer pour la saint Con, t'as pas des alumettes?
-Si tiens, prends toute la boîte bisou toi aussi! Mais fais attention à ma robe hein!
***
Ah ca pour l'exercice de style ca se renifle de loin, étrange d'ailleurs comme ca peu sentir mauvais.