LA ZONE -

Manipulation 6

Le 25/02/2002
par nihil
[illustration] La propagande

Comme dernière pièce du puzzle pour le dossier "manipulation", la propagande s'imposait. Un sujet qui nous touche tout particulièrement, nous-autres auteurs d'articles.
La propagande reste l'arme absolue en matière de manipulation, elle doit accompagner toute tentative de manipulation de masse, et peut par contre être utilisée seule, car elle est efficace par elle-même. Le but de cet article n'est pas de décrire les différentes formes de propagande destinées à influer sur les masses (affiches, discours electoraux, sermons ou autres), on se réferera pour celà aux nombreux traités existant sur le sujet, par exemple concernant le troisième Reich ou le régime Stalinien.
Un angle intéressant aurait pu être la propagande pernicieuse véhiculée dans la démocratie d'aujourd'hui par les médias (journaux télévisés, presse écrite...), cette sorte de consensus mou qui tire toute individualité vers la norme, le standard imposé dans notre société. Cette façon de définir arbitrairement ce qui est "normal" de ce qui est "marginal", de décider de ce que doivent être les comportements de nos concitoyens. Idée d'autant plus intéressante que dans ce cas la manipulation n'est pas orchestrée par une quelconque autorité, mais imposée par le format mêe de notre société.
Mais nous sommes déjà revenus sur ces idées de norme et de marginalité dans plusieurs de nos articles.
La propagande décrite ici concerne une manipulation plus secrète, plus subtile.

Le but ultime de toute société est d'obtenir l'uniformité des individus par la loi, la morale, la voix de l'opinion publique... Mais elle doit faire face à un penchant naturel de l'humain à la rébellion, à la contestation. L'homme a besoin de se sentir original, différent, il refuse d'être le clone de son voisin de pallier, même si ça vient en contradiction avec son instinct grégaire qui le pousse à accepter toute forme de communauté, à faire des compromis pour être au sein du groupe.
L'humain a donc besoin de se sentir accepté au sein de la société, tout en revendiquant des points de différence, une certaine forme d'originalité par rapport à la norme. Ces originalités consciemment recherchées par les individus peuvent devenir dangereuses pour la société.
Les régimes autoritaires enferment les opposants, les déportent et les exterminent, ce qui ne peut qu'engendrer de nouvelles oppositions. Les démocraties modernes, plus subtiles, se contentent de cadrer ces originalités, elles déterminent les différences tolérables entre les individus et les encouragent de manière à assouvir les pulsions contestataires des individus. Dans une dictature, tout le monde doit penser de la même façon, dans une démocratie, tout le monde à le choix de penser ce qu'il souhaite dans un cadre prédéfini.
Exemple du point de vue purement politique : le multipartisme est interdit sous un régime fort, et encouragé dans une démocratie. Ainsi les dictatures changent les opposants en farouches ennemis, ce qui n'est jamais une bonne idée, tandis que les démocraties définissent l'échelle d'opinions possibles, tolérables par la société : elle s'arrangent ainsi pour que les différents partis ne diffèrent que très peu les uns des autres, que leurs divergences soient mineures. De la droite à la gauche, tout le monde accepte les mêmes principes de base de la démocratie, la variété est purement superficielle, ne concerne que des points de détail. Par contre il est "interdit" (ou plus exactement découragé par la masse de l'opinion publique) de lutter contre les fondements même de la communauté. Tout le monde doit vivre dans le groupe, d'une manière ou d'une autre, il n'est plus possible aujourd'hui de vivre en dehors du monde, comme les ermites du Moyen-Age. La communauté a tout accaparé. Même les vagabonds doivent se soumettre aux lois, personne n'a le choix de refuser la loi définie par la masse.

Soyons plus précis encore. Pour assouvir les penchants contestataires de l'homme tout en les contrôlant, la société encourage les oppositions ! Vous ne trouverez personne dans notre société qui soit basiquement satisfait de la situation actuelle. Tout le monde souhaite du changement. Pourtant personne ne décide de quitter la communauté et de vivre dorénavant en-dehors du monde. Les "rebelles" les plus farouches ont un emploi rémunéré par l'Etat ou par un patron, un appartement ou une maison achetée à crédit, une voiture. A partir du moment où on est intégré dans la société, la contestation qu'on porte en nous n'est plus dangereuse.
Le contrôle des différences permet à chacun d'être satisfait : chacun peut se situer où il le souhaite dans le ventre mou de l'opinion générale, un peu plus à droite ou un peu plus à gauche (sans connotation forcément politique dans ce cas), jusqu'aux extrêmes tolérés. Au delà, c'est le rejet, l'exclusion, la mort.

C'est pour celà que le discours contestataire est toléré dans nos sociétés, et même plus : encouragé. Tant qu'il reste dans la norme autorisée bien sûr : la démocratie s'est contentée d'élargir le champ des opinions possibles, mais le principe est fondamentalement le même qu'en dictature.

Il est ainsi possible de manipuler un groupe d'individus grâce à leur besoin de sortir du modèle établi. Dites aux gens que la société vous manipule et tout le monde acquiescera vigoureusement, tout le monde sera d'accord avec vous et vous obtiendrez une certaine forme d'autorité à leurs yeux. Tout le monde est prêt à admettre que la démocratie n'est pas le meilleur système, et le confirmer n'a rien de dangereux pour la société simplement parce que l'individu est bien trop attaché au groupe pour le quitter brutallement, sans explication et sans compromis possible, ce qui serait la seule et unique forme de contestation efficace (et intolérable pour la société, qui vous en empêcherait par la force).

On ne parle plus d'interdiction, mais de contrôle des différences. C'est tout le principe de la démocratie : ramener les égarés sur le droit-chemin par la récupération étatique et commerciale de leur égarement. Aujourd'hui il existe des chaînes de boutiques de piercing, les groupes punks vendent des milliers des disques, et le nihilisme fait recette dans "Fight Club" ou "Trainspotting". La contestation est abolie car récupérée et rendue tolérable par le consensus mou qui gouverne notre système.

La dictature mène systématiquement à la rébellion, la démocratie impose l'immobilisme le plus profond et ainsi la tranquillité des pouvoirs en place.

Le seul moyen de changer le système est de détruire l'idée même de groupe, d'exploser le fondement de la société et de mettre une croix sur l'instinct grégaire et ses compromis. Alors seulement l'individu dévoilera sa réelle identité. Bien sûr, celà n'est qu'illusoire, car l'homme n'a pas d'identité, il n'est qu'un animal social qui vit par et pour le groupe, par et pour le troupeau, il n'a pas de personnalité propre.

Lorsque vous dénoncez la manipulation exercée par la société sur l'individu, modulez la fréquence de votre discours de manière à aller dans le sens des "anti-idées reçues" : les opinions contestataires de bon ton, presque politiquement correctes (être anti-mondialisation, c'est être contestataire, refuser la société telle qu'elle se met en place, mais c'est aussi effroyablement standard, plein de compromis dès la base et le pouvoir ne peut que s'en frotter les mains : pendant que le peuple manifeste contre la mondialisation, idée vague, il ne met pas le feu aux institutions, d'autre part l'anti-mondialisation est facile à récupérer politiquement parlant). Dans vos article, carressez les lecteurs dans le sens du poil et confirmez-leur ce qu'ils ont envie d'entendre, non pas ce que vous avez besoin de leur faire admettre : c'est plus efficace. L'autorité que vous obtiendrez ainsi vous place en mesure d'influer par petites touches successives sur les opinions, dans le sens que vous souhaitez.
Petit conseil pratique : utilisez la voix de plusieurs personnes pour manipuler un groupe. La propagande fonctionne par effet boule de neige, chaque personne manipulée doit à son tour manipuler d'autres personnes selon votre volonté. Convainquez d'autres personnes de relayer vos propos, utilisez le couvert de l'humour pour faire oublier les dernières réticences (les gens seront moins regardants sur le contenu de ce qu'ils relaient s'ils pensent que ce dont ils parlent n'est pas sérieux). Si la manipulation, même initiée par une seule personne, est relayée par plusieurs, vous aurez la caution du Sacro-saint Groupe, dont les idées ne peuvent être mises en cause.

C'est encore en en dévoilant la manipulation aux gens qu'on les manipule le plus facilement.

C'est cette idée qui a décidé la création du dossier "manipulation" de la Zone, et ça reste la forme la plus efficace de propagande : on ne manipule pas les gens en essayant de les obliger à admettre une idée, mais plutôt en modifiant leur opinion pour la ramener à votre morale ou votre besoin.

Bien sûr personne n'admet jamais avoir été manipulé. Attention : si vous le leur prouvez, ils risquent de devenir violents, personne n'aime être dupé...

Vos réactions sur le forum, j'espère.

Par nihil, qui avait bien envie de s'essayer à un peu de manipulation lui aussi.

= commentaires =

Eloa
    le 27/05/2009 à 18:55:19
La démocratie reste quand même le moins pire des régimes.

(Et je t'épargne les remballages à la sauces "Oh ! T'es un vilain mouton !".)
Dourak Smerdiakov

site yt
Pute : 0
ma non troppo
    le 27/05/2009 à 19:45:48
"Vos réactions sur le forum, j'espère. "

Je propose une balle dans la nuque d'Eloa, pour non respect des consignes.

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