Tes potes, les autres gars de la station, ont bien essayé de te donner un remontant, mais ni les mélanges d'alcool et de détergent, ni la quantité élevée de laxatifs avalés avec un verre de gnôle n'ont servi à autre chose qu'à te faire sentir encore plus mal. Et à t'obliger à rester dans ces chiottes merdique, humides, et où la merde à le temps de geler avant de tomber dans le trou tellement on se les gèle. Là, ça va un peu mieux. Tu es dans la salle commune, sur un lit de fortune, et à côté du réchaud au fuel qui dégage une chaleur de tous les diables. Tu as encore un peu froid, malgré la pile épaisse de couvertures et la fournaise toute proche, mais tu n'as plus ce putain de mal de bide qui te pliais en deux, ce qui est un réel soulagement. Seulement, ce sont maintenant des saloperies de crises, comme celle qui t'avais frappé au début qui arrivent de plus en plus souvent. Le genre de crise où ton regard se fait flou, tu distingues à peu près les autres et tu essayes de te diriger vers eux, bien sûr, ils s'éloignent dès que tu t'approches un peu trop, et restent en cercle fermé autour de toi. Et lorsque, la bave aux commissures des lèvres, tu fonces soudain vers eux, sautant, griffant, mordant quand tu le peux, ils te mettent des beignes jusqu'à ce que tu effondres, ce qui peut prendre un certain temps. Ce genre de crise. Et les gars, il faut les comprendre, ils aiment pas trop ça. Non pas qu'ils ne pensent pas te maitriser s'il le faut, mais si tu parvenais à t'emparer d'une arme de fortune, avec tous les appareillages, les outils d'excavation et autres qui traînent dans la station... Tu es donc écrasé par les couvertures, avec deux potes qui te prêtent compagnie en jouent aux cartes sur la table à côté de toi.
Le bruit sourd de la fermeture du sas externe fait soudain osciller les lampes. Des claquements de portes, puis des bruits de pas pressés, de plus en plus près. Un vieux ad-méca fait son entrée, suivi par une boule informe et hirsute étirée en longueur. C'est apparemment un autochtone, qui commence à se débarrasser des couches de peaux qui le recouvrent, puis de sa vieille iso-combi rebouchée par endroits avec du plastique fondu. L'ad-méca dit qu'il va t'aider, qu'il connait les maux du coin, puis retourne à son système de régulation. Le Medicine-man extirpe ses mains squelettiques de moufles rembourrés, puis ôte son masque respiratoire. Bien que paraissant encore corpulent à cause des épaisseurs de vêtement qu'il porte, il est d'un maigreur extrême. L'homme fouille quelques instants dans le barda qu'il a apporté, pour en sortir une lourde boite métallique. Ouverte sur la table, il en explore le contenu, provoquant une cacophonie de tintement métallique qui te vrillent les tympans. Lorsque l'autochtone leur explique qu'ils le dérangent, les gars se lèvent et vont s'assoir devant la porte, emportant leurs cartes avec eux. L'homme fait alors apparaître de sa manche un ensemble disparate de tiges de métal, il les soupèse, les fait tinter, puis en choisit une et recommence à fouiller dans la caisse pendant de longues minutes. Et, soudain, il est là, devant toi, et t'agites devant le nez le montage grotesque constitué par une vieille tige rouillée et désaxée, affublée à son extrémité d'un groupe de disques de différentes formes et atteints de différents degrés de corrosion.
- «Tu vas passer sous le ... Wichslingo Kierpftert.»
Au regard étonné et un peu effrayé que tu lui lances, il approches encore plus son visage, venant coller sa bouche à ton oreille. Il émane de lui une puanteur atroce, et tu peux distinguer des croûtes qui recouvrent la base de ses oreilles. Ses cheveux grasseux pendent par touffes et te rentrent dans les yeux, lorsqu'enfin il te chuchote: « le Medicine-Wheel ».
Il se relève alors, et, de mouvements désarticulés de ses doigts crasseux, il met les disques en rotation, de manière chaotique, produisant un bruit rempli de mille grincements distordus. Ses doigts s'agitent sur les disques, et un rythme erratique se met progressivement en place. Lorsqu'une roue diverge, il sort une burette rouillée des profondeurs de ses poches, en fait tomber quelques gouttes d'un liquide visqueux sur sa langue,et en asperge copieusement son instrument, te projetant des goutes de liquide nauséabond et graisseux au visage. Vous n'êtes plus que deux dans la pièce, qui te semble immense, déformée. Puis les grincements reprennent, et t'emmènent avec eux. Ils se calment parfois, ce qui te permet quelques instant épars de lucidité. Mais, chaque fois, ils recommencent, interminable.
Au bout de ce qui te paraît plusieurs jours, tu reprends tes esprits en sueur, les couvertures éparpillées autour de toi. Lorsque tu te redresses, le Medicine-man vient te dire de sa voix basse : « Je n'ai pas pu faire sortir le mal qui est en toi. Je l'ai neutralisé pour quelques heures, mais alors tu vas mourir. Ce sera très douloureux. ». Ses affaires sont prêtes, il se rhabille méthodiquement. Entre deux mouvements, il ajoute alors « Tu devrais te tuer avant que les douleurs ne commencent pour de bon. Je te laisse un peu de DegelB. »
Lorsqu'il sort, tout devient sombre. Puis les bruits reprennent, irréels, magnifiant la douleur croissante, qui se propage progressivement dans toutes les zones de ton corps. La bouteille est à portée de main. Juste un tout petit effort...
LA ZONE -
Tu es malade comme un chien.
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Tiens je le connais pas ce clavier :Wichslingo Kierpftert, c'est autochtone?
çà fait référence à un truc en particulier ? je veux dire à part mon ignorance ?
J'avoue me sentir légèrement déconcerté. Ca me plaît, dans l'ensemble. Bonne ambiance, bon style. Faudra que je relise ça.
J'aime beaucoup.
Merci bien pour ces commentaires appréciateurs.
Quel rapport entre un clavier, et le fait qu'un mot soit autochtone? Et puis étant donné que ce n'est pas précisé d'où, ça veut pas dire grand chose qu'un mot soit autochtone...
Pour la référence, c'est juste le titre d'une chanson (medicine wheel) qui m'a fait penser à un truc pareil, mais sans aucun rapport avec la chanson elle même.
Au niveau des descriptions, j'avais un peu la flemme de décrire tout ça, j'espérais un peu que le style du texte donne l'ambiance générale. Mais en gros je verrai ça comme une base créée pas mal de temps auparavant par un pays plutot avancé dans un endroit étrange, glacial et paumé, et donc maintenant plus ou moins abandonné par ce pays (en réfléchissant, je viens de me rendre comtpe que ça vient sûrement de la planète glacée dans d'endymion, de dan simmons).
commentaire édité par Islington le 2007-9-23 20:7:7
Plus je relis ce texte et plus je le trouve bien, mises à prt les fauts de frappz.