Ma mère n'a pu remonter la pente; tout nos biens avaient été bradé pour mon père. Elle alla se prostituer au Temple. Je mangeais au prix du déplaisir de ma génitrice, chaque aliment avait la valeur d'une caresse volée aux mains morte de mon géniteur. Parfois, même, je sentais quelques fils, quelques poils pubiens dans la soupe...
A l'âge de 7 ans, je commençais à travailler, à tirer des chariots, à nourrir des chevaux; les esclaves étaient mieux traités, les chiens aussi, ces cyniques. Je n'avais pas de dieu, mais un maitre peu clément et bien cruel. Il me frappait, me torturait, et refusait de me payer sans l'aide de ma mère. Une horreur à laquelle je ne peux penser rempli toutes ces années.
Les flammes dansent...
A 15 ans, j'eus l'occasion de fonder ma vie, mais ne le put; je devais à ma mère ma présence, dont elle dépendait. Une vie de misère; une vie d'apprentis forgeron. Il m'était impossible de frapper le fer sans le briser, impossible de me battre à l'épée, impossible de décocher la moindre flèche. Je fus renvoyé, salement. Ma mère ne sut jamais mon échec; le jour de mon renvoie un sénateur s'amusa trop avec elle; son corps n'en pouvait plus, son coeur non plus; elle mourut souillée.
Une vie d'ermite commença pour moi; je volais les manuscrits Grecs les plus recherchés, j'assassinais pour quelques lignes. J'étais à la recherche de nourriture. Je lisais tout ce qui me passait sous les yeux: des exploits de héros de l'ancien temps, jusqu'au récits de Sénateurs modernes. Tout étanchait ma soif, la rendant plus brûlante encore. A chaque déglutition j'avalais une boule d'aiguilles. Je me tordais de douleur au moindre contact: j'avais trouvé.
Trouvé enfin l'Immortalité, la vie dans la gloire, la vie par procuration, dans des milliers de Citoyens, présents et futurs. Il me fallut un an pour élaborer mon plan, il m'en faudra encore sûrement un autre pour mourir sous les coups de mes futurs tortionnaires.
Allons.
M'y voici; j'y suis enfin. Une vive chaleur, quasi-insupportable, me griffe le corps. Je suis éblouis par le feu et assourdis par les cris des Citoyens de ma Cité, en contre-bas. Certains ne connaissent pas mon nom, certains m'apostrophent sans me nommer. Qu'importe, ils sauront qui je suis.
Je suis Herostratos, mon nom traversera les millénaires.
Je suis Herostratos, et les flammes dansent sur le Temple d'Artémis.
*******
Voilà sept longs mois que je suis séquestré dans le noir. Une forte odeur salée me pique les sinus, et l'habitude n'y fait rien; maudite cave. Je me demande si je ne suis pas devenu aveugle, si ce n'est pas la fin, si l'oubli m'a volé la vue. Eh puis ils dissipent mes doutes; parfois ils me sortent de là, m'emmènent dans une salle blanche, puant le raisin et la pastèque, éclairée par mille milliers de bougies. Contemplé par des centaines d'hommes en toges blanches, aux yeux bleus, à la peau flasque et aux visages coléreux, je reste immobile, au centre, là où l'on m'a déposé. Tous me huent, certains jettent des objets sur moi, et tous ceux qui touchent me rappellent ma volonté.
J'ai réussi; ils connaissent tous mon nom. Alors, dés que cette pensée me vient à l'esprit, l'humiliation que je subis deviens une sourde joie, un bonheur inexprimable. Un homme me pose des questions, que je n'entends ni ne comprends, en me montrant du doigts. Il hurle; c'est fatiguant pour moi. Je ne sais que je dois répondre qu'aux inflexions de sa voix, et aux regards qui se fixent sur moi. Je dis alors que je ne comprends pas, et je ne comprends pas ce que je dis.
Ils hurlent, bavent, jouissent. Et dés qu'ils sont repus, ils me raccompagnent à ma cave.
Certaines de leurs visites me divertissent plus, mais m'amusent moins. Le Christ lui-même ne connaîtra pas les supplices que j'endure. Je tombe soixante-dix-sept fois sous le poids de la croix, et je ris. Je me fais fouetter, tordre les membres, arracher les extremités, et je ris de plus belle. Chaque supplice enduré sera une ligne de plus qui me sera consacrée, plus tard.
Je tiens tête, je tiens bon; ma mère est morte, toute poisseuse d'un amour bradé et d'une semence contrainte, mon père est mort, tout froid, glacé, croyant jusqu'à la fin que nos misérables pseudo-dieux le sauveraient.
Eux sont morts et enterrés dans le caveau de plomb de l'Oubli. Je mourrai; mais ne les rejoindrai pas.
Parfois, certaines confusions interviennent dans mon esprit. Hier par exemple, j'ai avoué, alors qu'ils me crucifiaient pour la septième fois, que c'était leurs mémoires qui m'intéressaient. J'ai tout de suite vu leurs sourcils se relever; ils étaient surpris comme des chiens battus. Ils m'ont décroché, m'ont pansé les plaies avec du sel, du vinaigre, et de la terre, et m'ont reconduit jusqu'à mon oubli temporaire.
Le soir même, un homme avec des branches dans les cheveux vint m'avertir qu'il avait été décrété qu'il était hors-la-loi de prononcer mon nom, sous peine de mort.
J'ai réussi.
Le peuple se nourrit de ce pain là. Personne ne prononcera mon nom, mais beaucoup s'en souviendront.
Tout, tout, absolument tout. Excepté l'oubli.
Je me délecte de mes souffrances; qu'il est bon d'être immortel.
Les flammes s'éteignent toujours. Hors de moi, elles s'éteindront, cette fois.
Les flammes dansent...
M'y voici; j'y suis enfin. Petits souvenirs, pour faire en sorte. Les larmes coulent, guidées par mes rides de fatigue
Terrassé; je suis terrassé, je l'ai toujours été. A l'âge de cinq ans j'ai vu mon père prolonger son ultime agonie comme un perdu, de quelques semaines, aux prix de décoctions hors de prix. La Faucheuse fît tout de même son ménage; il est mort au Printemps.
M'y voici; j'y suis enfin. Petits souvenirs, pour faire en sorte. Les larmes coulent, guidées par mes rides de fatigue
Terrassé; je suis terrassé, je l'ai toujours été. A l'âge de cinq ans j'ai vu mon père prolonger son ultime agonie comme un perdu, de quelques semaines, aux prix de décoctions hors de prix. La Faucheuse fît tout de même son ménage; il est mort au Printemps.
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L'histoire réelle:
Le temple d'Artémis à Éphèse, appelé aussi Artémision, fut la quatrième des sept merveilles du monde. Sa construction débuta en 560 av. J.-C. et se termina en 440 av. J.-C. Ses architectes sont Théodore de Samos, Ctésiphon et Metagenès.
Le temple fut incendié le 21 juillet 356 av. J.-C. par Érostrate, qui voulait ainsi se rendre célèbre.
Apprenant le mobile de l'incendiaire qui avait détruit le temple qui faisait l'envie de tous les Grecs, les magistrats de la cité le firent torturer et tuer. Il fut interdit que son nom soit prononcé sous peine de mort. Cet arrêt ne fut respecté que 23 ans, jusqu'à l'arrivée d'Alexandre le Grand, qui finança la restauration du temple et confia le travail à l'architecte Dinocratès (restauration qui fut achevée tardivement plus de deux siècles plus tard). Mais quand les Éphésiens apprirent la date de naissance de leur bienfaiteur (la même année et, semble-t-il, la même nuit que celle de l'incendie fatal), le nom fut révélé.
Revendiquer un attentat en avançant le mobile de la recherche de célébrité, alors comme ça on le tient aussi des grecs . Pourtant j'aurais bien cru...
"Je tiens tête, je tiens bon; ma mère est morte, toute poisseuse"
Bon sang ce que j'ai ri !!!
De façon globale, j'aime beaucoup. Le thème, la folie sourde qui émane du bonhomme, et le traitement de la deuxième partie sont, à mon sens, très bien foutus.
La première moitié du texte, par contre, je l'ai trouvée plus maladroite. D'abord à cause des espèces de flashback prétextes qui, justement, font un peu prétextes. J'aurais préféré de l'orgueil pur, balancé comme ça, sorti d'on sait pas où, de l'orgueil qui frappe là où il faut, comme dans certains passages de la seconde partie. Ensuite, viennent appuyer là-dessus des formulations un peu bôf, ou juste des images bien patinées et pas valables.
"Parfois, même, je sentais quelques fils, quelques poils pubiens dans la soupe...", notamment, ça mérite pas d'exister.
"Les larmes coulent, guidées par mes rides de fatigue", euh, non quoi.
"Ma mère n'a pu remonter la pente", ça fait très pathos, cachez-moi ça.
Et d'autres.
La seconde partie, par contre, j'ai adoré, ne serait-ce que pour "Je tombe soixante-dix-sept fois sous le poids de la croix, et je ris.". Là on cerne beaucoup mieux le personnage, et pourtant il n'y a aucune trace de son passé ou de son identité. Et ça c'est très bon.
Ah ouais et sinon, j'ai trouvé que certaines phrases explicites tranchaient trop avec l'aspect général du texte. "Une horreur à laquelle je ne peux penser rempli toutes ces années.", notamment, ou encore "Le peuple se nourrit de ce pain là. Personne ne prononcera mon nom, mais beaucoup s'en souviendront.".
Ça mériterait un remix, ou au moins un remaniement.
on tient peut être un candidat serieux en ce qui conserne les origines de la Saint Con à moins qu'on remonte encore plus loin jusqu'à la guerre du feu dans un prochain article.
Merci Winteria. Je vais revoir ça, alors.
D'accord avec Winteria sur les arguments, pas sur l'enthousiasme. Les lourdeurs et bourdes diverses ont entravé ma mecture et j'ai eu du mal à vraiment rentrer dedans. Cela dit, y a matière. Oh oui.
Très bon, j'apprécie la séparation en deux parties qui laisse le lecteur s'imaginer le bouzin juste comme il faut. Bien maitrisé, la seule chose à redire serait sûrement l'allusion au Christ qui fait un peu tache en -400, mais le reste du texte nous fait pardonner.
Ah oui aussi le coup des poils pubien dans la soupe, mais wtf ?
c'est une sorte de Guy Moquet réhabilité par le Sarko de l'epoque si j'ai bien compris.
Le Christ, c'est au futur que je l'évoque. Donc aucun soucis de chronologie.
Les poils pubien, j'sais pas, ça m'exite :'). J'veux dire, elle gagne ce pain avec son corps, et le gamin, tellement qu'il est dégouté, il a l'impression, finalement, de bouffer sa mère.
Bon texte, Do'. Mais trop débonze pour commenter, ptetre plus tard.