[...] Quand on voyage en compagnie de Raoul sur les routes mexicaines, on ne fait pas que le plein d'essence dans les stations-services. Ça gâche l'effet du dépaysement, mais ça rend la conversation de Raoul plus attrayante. Ce soir-là, nous arrivâmes, au bord de la panne d'à peu près tout, sur l'aire de parking de San Miguel et, pendant que j'entreprenais de retrouver l'emplacement du réservoir sur le véhicule de location, Raoul fut chargé de ramener victuailles et boissons pour la nuit et la journée de route qui nous attendaient. Je crois qu'il faisait chaud, mais c'était le Mexique, et c'était le mois de juillet, et ça rentrait dans l'ordre des choses. Néanmoins, ce soir-là, j'assistai à un phénomène atmosphérique singulier.
Derrière la voiture qui se refusait pudiquement aux avances de mon pistolet à essence Texaco, l'air se mit à vrombir curieusement durant de longues secondes. Puis une sphère transparente se forma à hauteur d'homme et s'agrandit jusqu'à atteindre un diamètre de deux mètres au grand maximum. Soudain, un nuage de fumée apparut, occupant très exactement le volume de la sphère, et commença de se dissiper, laissant apparaître progressivement la silhouette nue d'un homme grand, musculeux, et qui, bien qu'accroupi, ne semblait guère être venu là pour déféquer.
La chose se redressa, inspecta immédiatement les lieux d'un coup d'oeil circulaire, parut littéralement les scaner du regard et, focalisant son attention sur moi, m'intima l'ordre de me déshabiller d'une voix monocorde.
- Donne-moi tes vêtements.
Moi, je suis un bon camarade, j'aime bien les travailleurs, de tous les pays, sans distinction de race, ni de couleur, ni même de religion, et je n'aurais jamais refusé d'ouvrir ma valise pour refourguer un peu de mon linge sale à un connard à poils si ça pouvait m'éviter un contrôle de police. Mais il y a la manière de demander.
J'évaluai la taille des biceps.
Il y a aussi la manière de refuser.
- Vous ne préféreriez pas aller demander au gros Yankee, là-bas, mon vieux ? La taille me semble davantage correspondre à la vôtre. Et ses lunettes noires, ça vous irait à ravir.
À partir de cet instant, les événements se déroulèrent très vite, et ma mémoire embrumée de vapeurs de pétrole et de relents de tequila ne dévide qu'à grand peine cet écheveau alors péniblement tissé par mes sens incrédules autant qu'abrutis.
D'une main, l'individu me saisit au col et me souleva de terre. Cela, ma nuque l'attesta durablement. De l'autre, il m'arracha les chaussures, et je dois bien avouer que mon pantalon, ainsi que ma dignité d'élu d'une commune rurale du Vieux continent, ne fut sauvé que par l'arrivée de Raoul.
Celui-ci avait les bras encombrés de ses achats, cartons et sacs biodégradants desquels émergeait, j'en pris note avec émotion, une bouteille de cognac qu'il n'eut laissé tomber et s'épandre sur le sol d'une station-essence nord-américaine qu'en dernière extrémité et après avoir épuisé toutes formes de recours. Vive Raoul.
A ses côtés, une jeune femme venait de laisser choir ses propres emplettes pour extirper une arme à feu de son blouson paramilitaire.
Raoul, qui est diplomate, tenta de désamorcer la situation.
- Lucien, je te présente Sarah, dont la voiture est en panne et que nous déposerons à quelques kilomètres d'ici. Que désire le monsieur dont tu arroses la nudité d'un carburant fort coûteux encore que remarquablement peu taxé ?
- Argl, répondis-je, bleuissant des joues et battant des bras.
- Sarah Conor ? interrogea le nudiste barraqué.
Pour toute réponse, la femelle nord-américaine ouvrit le feu sans l'ombre d'une hésitation. Je vis ou cru voir un trou de balle paradoxal apparaître puis se résorber à l'emplacement hypothétique du troisème oeil, mais l'étreinte qui me soulevait du sol ne faiblit pas. La balle suivante rebondit contre le thorax du nudiste vindicatif, non sans sifflements et étincelles très cinématographiques. L'essence s'enflamma instantanément et je me retrouvai enfin au sol.
- L'essence ! hurlait la jeune femme, continuez à l'arroser !
Ce que j'eusse fait sans ses criaillements impératifs d'impérialiste.
- Salaud de pauvre ! commenta Raoul, qui est plutôt de droite.
- C'est un T-800, ça brûle bien ! gueulait l'hystérique.
Et il ne fallut pas moins de cinq minutes de ce traitement pour que la chose cessât de remuer.
Extrait des Mémoires de Lucien Bodart.
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Putain, n'importe quoi.
Très très chouette, surtout la notation "Cela, ma nuque l'attesta durablement." J'aime bien citer des phrases ça fait le mec cool qui a lu.
J'ai pas compris le titre ou plutôt son rapport au texte mais je viens de voir qu'il avait fini sa vie d'écrivain et tout court sur un truc intitulé "La Chien de Mao" et ça c'est remarquable.
comme à chaque fois je me fais avoir. Je cherche à degotter le maire de Montigny-le-Platane sur Google et je trouve que dalle...
Tu l'as payé combien Linda Hamilton pour qu'elle reprenne du service ? deja qu'elle etait suposée etre morte dans T3...
Je n'ai rien à dire (d'où mon commentaire).
Moi non plus (d'où mon texte).
Précisons d'emblée que Lucien Bodart n'est pas Lucien Bodard, quelle que soit l'opinion de Google sur la question. Mais Lucien est un superbe et lumineux prénom, et Bodart ça franchouillardise sa mère sur la banquette arrière de la 2 CV.
Sinon, le texte est bâclé, écrit à la dernière minute, l'oeil rivé sur le chronomètre, et le titre est tout simplement le premier qui me soit venu à l'esprit, aussitôt adopté et posté avec le reste dans les 30 secondes avant expiration du délai. Et en réactivant sans préchauffage les connexions nerveuses ad hoc, sachant que je n'ai tout simplement rien écrit d'autre en prose depuis la St Con précédente.
En commençant à écrire, je comptais brûler la grognasse, par ailleurs, pour l'empêcher de sauver l'humanité, quelle connerie, le job est déjà pris. Je voyais plutôt la scène se dérouler chez Raoul, puis je me suis demandé comment j'aurais justifié ça, alors j'ai offert des vacances au Mexique à Raoul.
Ceci dit, j'assume ce texte et je l'aime bien, je trouve qu'il était plein de potentialités, et j'assume même le fait que j'ai vu et apprécié Terminator II et III, dourakien ou pas.
C'est bien. Ca flambe pas des masses, quand même, c'est dommage.
B, quoi
C'est verbeux, c'est précieux... encore un texte sans estomac pour la Saint-Con !
J'avais pas pris le temps de lire les textes de la saint-con. Celui-ci m'a happé. "C'est verbeux, c'est précieux", et bien écrit. Alors ça passe plus que bien. La parodie de Terminator est simple et efficace. L'intrigue minimaliste. Le contraste entre la simplicité du récit et la qualité du style fonctionne terriblement bien. Très bon texte.