UN MONDE PARFAIT
De Clint Eastwood, avec Kevin Costner et Clint Eastwood
Comment magnifiquement gâcher une très bonne idée de départ.
Un petit délinquant sans envergure, un peu allumé, et un criminel impliqué dans plusieurs affaires, notamment d'homicide s'évadent ensemble de prison et prennent un enfant de dix ans en otage. Coté flics, la chasse à l'homme s'organise. Idée de départ basique mais, il faut l'admettre, efficace. Tous les élements nécessaires pour faire un bon film en fait, entre drame et polar.
Faire jouer un meurtrier évadé de taule et preneur d'otage par Kevin Costner, à l'époque en pleine période «playboy d'Hollywood condamné à jouer les gentils», c'est une très bonn idée. L'acteur donne tout de suite une grande profondeur au personnage, des cotés très doux alternés avec de brusques crises de violence, une allure et un comportement très classique qui colle étrangement au personnage, quelques obsessions bizarres (pour les Ford par exemple). Moi je me régalais de voir évoluer ce personnage complexe et un peu tordu pendant deux heures, de comprendre sa morale, la motivation de ses crimes, ce personnage en marge de la société, vivant selon ses propres règles. Même le gosse me paraissait marrant avec ses inhibitions de mini-témoin de Jéhovah.
Résultat : naufrage total.
Incroyable : partir d'aussi bonnes bases pour arriver à cette issue doit demander pas mal d'efforts, dans ce domaine on peut féliciter Clint Eastwood. L'aspect «film noir» passe rapidemment à la trappe, dès la mort du second évadé (le petit truand), au profit de l'aspect sentimental et larmoyant. La réalisation est tout juste moyenne et aurait parfaitement convenu pour n'importe quel téléfilm de seconde zone, pas d'ambiance, le scénario est totalement convenu, et après une demi-heure on connait la fin du film.
Et le point fort, alors : les personnages ?
Presque immédiatement, les personnages un peu complexes doivent cohabiter avec tout un tas d'humanoïdes carrément vides, sans aucun intérêt : le codétenu de Costner, une petite frappe déjantée qui tentera évidemment d'assassiner le gosse après avoir voulu violer sa mère. Des plans bien entendu contrecarrés par Notre Héros. Le flic en charge de la chasse à l'homme, joué par Eastwood lui-même, un vétéran bougon, agressif, qui suit ses propres méthodes, mais, vous l'aurez deviné, finallement un être sensible et équitable sous sa carapace de vieil ours. Son assistante, une jeune femme à peine sortie d'une grande école de criminologie, recommandée par le gouverneur, belle mais intelligente, jeune mais volontaire, va évidemment mettre des bâtons dans les roues de son vieux cow-boy de supérieur, mais ces petits conflits ne sont que le prélude d'une belle réconciliation. Pitoyable.
Il arrive de croiser des personnages un peu plus profonds, tel ce vieil homme si hospitalier mais qui montre une déplorable tendance à maltraiter les enfants. J'aime la nuance moi, j'aime pas les gentils ni les méchants, le blanc ou le noir.
Alors, nos héros, me direz-vous ? Nos deux héros si complexes, tourmentés ? Euh, c'est le fiasco total. Le môme retourne sa veste en un clin d'oeil et tire un trait sur sa stricte éducation de témoin de Jéhovah dès qu'on lui met un déguisement d'Halloween entre les pattes. Heureuse coïncidence, son père s'est enfui du foyer depuis longtemps, et on lui donne Kevin Costner ! Kevin Costner ! Ca ne vous donnerait pas envie de changer de père, ça ?
Et le personnage de Kevin, justement, ce psychotique en puissance, graine de serial-killer impulsif et marginal ? Eh bien il s'avère que sa morale «personnelle» est bien proche de celle de l'Amérique bien-pensante et pleine de bons sentiments (du moins qui voudrait s'en donner l'allure), Notre Héros devient en fait le clone de tous les héros sans relief qu'on trouverait dans n'importe quel blockbuster débile. Notre Héros protège la mère du petit, puis le petit lui-même contre le «méchant», inculque au marmot tout un tas de préceptes plus classiques les uns que les autres («voler c'est mal», quelle profondeur...), refuse de tuer des gens qui lui font du tort, et finalement devient non pas un pote du shérif Eastwood mais une sorte de complice, genre, on ne se connait pas on est pas du même monde, mais on se respecte et on partage certaines valeurs.
Décidément, Costner n'aura jamais l'occasion de jouer un véritable rôle, mais uniquement des histoires de rédemption à la con qui dégénèrent après un quart d'heure pour sombrer dans les bons sentiments, la tolérance universelle et l'amitié larmoyante.
Passons sur la fin, parfaitement convenue, car il est temps de faire un résumé (pour les gens pressés).
En bref :
L'idée de départ est valable et aurait pu donner naissance à un chef d'oeuvre. On est d'autant plus déçu du fiasco total, du polar noir et complexe on sombre dans le ridicule d'une part, mais surtout dans le petit drame vu et revu mille fois dans n'importe quel film américain de bas-étage. Si vous aimez les films de ce genre, vous serez comblés, mais il en existe des centaines d'autres pour vous.
Ce que j'ai pensé du dernier film que j'ai maté un dimanche soir sur TF1... C'est juré, je ne le ferai plus.
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A la place, tu aurais peut être du lire quelque chose comme: "A gorge déployé" de Bill Ballinger...enfin, ce n'est qu'une suggestion!
Il a une télé et peut-être même un lecteur de DVD , la claaaaaaaaaasse . mdr
Il a quand-même fait « Danse avec les loups » qui est certes pleins de bons sentiments, mais ça reste un vrais rôle.