Mais cette cambrure, c’est drôle : c’est la même attitude que lorsque je me prostre, accroupie dans un coin, les yeux creux et plongés dans les creux des genoux. Mais renversée. Je me prostre à l’envers. Comme si le malheur me refermait en boule, comme si le bonheur me retournait en cercle, dos cambré, nuque tordue en arrière comme ces squelettes d’oiseaux ou les charognes sèches, yeux révulsés. Mais fermée, encore. C’est tragique.
Tu t’en fous, hein. Tu dis rien. T’as raison.
- Mais non, je t’écoute, mais je ne sais pas quoi dire, moi…
- Tais-toi. Je sais bien que quand je parle, je ne parle plus qu’à Gabriel. Lui seul m’écoute. Lui seul est toujours là. Et il acquiesce.
- Je…
- Casse-toi.
- Mais ! Je v…
- Casse-toi, j’ai dit. Laisse-moi crevée.
- Tu ne vas pas mourir ! On…
- Je suis déjà crevée. Morte à ton monde. C’est ce que tous les vôtres refusent de comprendre. Le voir remet en cause leur réel tout entier. J’étais comme vous, un corps, doublé d’une volonté. Mais vous m’avez spoliée de mon corps, et salie jusqu’au cœur. A présent je suis propre, lavée : j’ai quitté mon enveloppe. Plutôt que de me battre je vous l’abandonne. Regarde. Regarde ça. Vous le maintenez en vie. Vous le forcez à se nourrir. Vous remplissez ses veines de choses jaunâtres et sucrées. Vous remplissez son cœur et ses muscles de produits compliqués, potassium, magnésium, et tous ces noms en -ium, quand il veut les fixer, lui permettent de battre. Moi je vous laisse presque faire - sauf colère. Je m’en moque. Je suis morte. Ce corps n’est plus en moi. Moi je flotte au-delà. Auprès de Gabriel. Je suis morte, Maman.
- Mais tu me parles tout le temps de l’efficacité du corps, de ton plaisir quand tu es légère, de tout…
- De mon plaisir à me sentir bientôt, très bientôt disparue. Je tends à l’infini. Je tends au poids zéro. Je suis morte et je me décompose - proprement. Pas comme ces porcs à graisse qui entretiennent des vers. Le jour où vous cesserez de pouvoir nier ma mort, parce que même mon cœur refusera vos drogues, mon cadavre sera presque propre. Presque, parce que j’étais humaine. Mais propre, parce que mes boyaux seront vides, translucides, élastiques, mes muscles atrophiés et réduits au strict minimum, au plus faible efficace, mon sang sera réduit à de l’eau claire ; ou presque.
Je suis belle. Mais va-t-en. Ma poitrine commence à trembler. Je vais devoir me taire ».
« Lorsque je me sens belle, je n’ai plus rien à dire. Lorsque mon corps entier vibre en accords mineurs et que j’aurais envie d’ouvrir en grand mes lèvres et d’écarter mes bras, et de cambrer ma nuque jusqu’à presque la rompre, lorsque je veux m’ouvrir et m’offrir à l’espace, alors les mots s’en vont. Alors personne n’est là. Tu sais ? Le plaisir d’exister est la pire des souffrances. Tu en deviens muette. Personne ne te partage. Pas de récit, non plus.
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Mais si c'est évidemment moins violent, c'est beaucoup plus malsain, et ça renouvelle un peu la série. Un peu.
Néanmoins, j'ai trouvé ça moins bon que les précédents. Ça me confirme que les gonzesses sont bien meilleures pour l'ouvrir en grand que pour penser vraiment.
Maintenant je vais devoir me barricader pour échapper à Isabelle Alonso.
"Je suis morte, Maman."
Première fois qu'elle "parle" de sa mère et combien de choses sont dites.
Moi j'ai trouvé cet épisode meilleur que les précédents parce qu'il y a un espoir. C'est pas anodin parce que je suppose que si 222 m'a pris aux tripes depuis le début c'est qu'elle raconte sa vie le sienne. Et qu'il serait bon qu'elle s'en sorte.
Bravo 222 tu mets des mots sur tes maux et j'espère que...
Winteria t'es un mec et puis oui je suis au premier degré sur un texte qui l'est depuis le début, j'en suis certaine.
Sinon Winteria je t'aime bien...quand même
On fait pas dans le premier degré ici... du tout, et la vraie vie des gens on en a rien à secouer, on juge la fiction ici.
Secouer les gens c'est bien par contre. Et la miction aussi, c'est bien.
Ah euh le texte. Trop de psychotage pour moi. C'est pas un texte pour les grobourrins. Je retourne sur mes sites de tuning et de cul.
"- Casse-toi.
- Mais ! Je v… "
Je vassalise ?
Je vidange ?
Je vétille ?
Je vesse ?
Je vulve bien sûr.
Bien sûr !
C'est immédiatement beaucoup plus clair.
Je viandouille.
Je vasectomise.
Je viagrippe.
Je victimisoarasse.
Je vachotte.
Je veule.
Je vèle.
Je vais le relire mais je ne crois pas que sa vie puisse vraiment être aussi intéressante que ça. Ou alors, chapeau, c'est une belle vie.
Je l'ai relu et finalement c'est surtout le deuxième paragraphe que j'aime bien ; je trouve dommage la répétition du mot creux, je ne sais si c'est fait exprès ou une distraction, mais en même temps j'ai fait pareil dans mon dernier sonnet avec les mots viellie/vieux/viellard crachés à la suite que même une Kalachnikov bègue elle arrive pas à suivre.
Je vomis.
Astarté, mon commentaire n'a rien à voir avec la personne de 222 en elle-même. Comme dit nihil, je suis pas là pour juger les auteurs eux-mêmes, mais les textes qu'ils écrivent, bons ou mauvais. J'attends la même chose de leur part.
Mon commentaire sur les femmes s'adressait au personnage.
Et puis c'est quoi, cette manie de m'obliger à répondre des niaiseries de ce genre ?
commentaire édité par Winteria le 2006-12-23 12:58:41
Winteria, parle-nous de ton amour pour la vie.
La vraie vie est ailleurs.
Ouais ouais, comme la vérité hein ? Lâche-nous un peu Mulder.
Celle-là, j'ai hésité à la faire. Mais elle est tellement mieux, sortie de ta bouche.
Ouais ouais, je sais, CMB...
...La banque à qui parler.
Je me disais bien qu'il y avait quelque chose de nouveau dans cet épisode.
Ouais c'est bon...Mention particulière pour le premier paragraphe et la dernière phrase.