J’en cherche toujours les raisons. Certes, je connais quelques petits tracas ; l’instabilité récente de la bourse m’a, semble t’il, rendu quelque peu nerveux, et je dois reconnaître que cette brusque chute des actions dans le secteur pétrolier - risquant de précipiter l’inflation à un niveau encore inférieur à celui de 1999 - a vraisemblablement entamé mon naturel jovial et primesautier. Père ne s’est pas encore remis du drame d’Eurotunnel et je me fais du souci pour lui. Il se peut donc que cette accumulation de contrariétés m’ait rendu plus morose que je ne l’aurais cru, et de moins brillante compagnie qu’auparavant.
Cependant, cet état de fait ne peut être retenu pour justifier votre comportement à mon égard. Deux personnes qui ont vécu des choses aussi fortes que ce qui s’est passé entre nous au dernier cocktail du Rotary Club sont inéluctablement liées par quelque magie céleste. Je ne peux donc douter que vous ayez déjà pardonné mes éventuelles inconduites.
Il faut donc que j’aie commis un impondérable qui puisse me valoir votre désapprobation, ma douce amie.
Je passe des nuits à veiller, Anne-Fleur, je sonde la pâleur des astres dans l’espoir de comprendre, mais ce qui me revient sans cesse en tête, c’est cette fameuse soirée dans les sous-sols du Club.
Oh, comme vous étiez resplendissante ce soir là ! Il est vrai que cet ami Martin que je vous ai présenté à des goûts objectivement assez éloignés des vôtres en matière de décoration d’intérieur, et que son sens de l’hygiène ne vaut pas celui de Conchita, vous l’avez sûrement mieux remarqué que moi… Mais vous fûtes terriblement parfaite, à croire que l’éclat et la passion qui vous sont inhérents protègent votre vertu de tous les maux.
Se peut-il cependant que cet épisode vous ait déplut d’une quelconque façon ? Je reconnais chez Martin un léger manque de tact et une obsession marquée pour le coït anal. Il est vrai qu’il aurait tout à fait pu vous faire écarter les cuisses sans faire l’usage ni de la force, ni de ces câbles téléphoniques. Mais que voulez-vous, nous sommes tous faillibles. Et si j’ai négligé de lui dire que la finesse d’esprit, la tendresse et le tact étaient les qualités masculines pour lesquels vous aviez une certaine inclination, et qu’un environnement sonore composé de hurlements de chiens ne posait pas les bases d’un instant romantique, c’était uniquement pour les besoins du film, je vous prie de le croire.
La cage et les générateurs étaient vraiment facultatifs, mais la concurrence nous oblige à repousser toujours plus loin la grammaire du cinéma d’auteur moderne, et il et également vrai que l’alcool m’a fait perdre la tête et que j’en suis arrivé, là aussi par dépassement des inhibitions artistiques, à vous entailler la gorge de la tranche de cette pelle. Mais tout ceci était symbolique, vous le savez. Bref, quoi qu’il en soit, je ne peux douter que cet instant suprême d’extase - alors que nos deux corps se connectèrent dans une souveraine synergie - ait effacé de votre esprit toute trace de ces éventuelles contrariétés. Vos cris (jamais je n’entendis le plaisir se manifester avec une telle intensité), votre fougue (j’en porte encore les traces sur tout le corps), cette violence ésotérique, tous ces témoins d’une jouissance partagée sans obstacle dans le jardin d’Eden de votre jeune corps… Oh, Anne-Fleur, jamais je ne l’oublierai.
Je vous aime, divine Anne-Fleur, plus encore depuis que nous nous sommes bibliquement rejoint dans l’extase. Votre souvenir me hante, ne me laissant plus de répit. Je ne peux comprendre votre attitude à mon égard, mais quelle qu’en soit la raison, il en est peut-être mieux ainsi. Car il me faut, pour mon plus grand déplaisir, vous annoncer une tragique nouvelle. Mon âme se morcelle de douleur. Accomplir cet effroyable devoir m’est insupportable. Oh que le destin s’avère cruel pour les cœurs amoureux !
Il me faut partir, loin. Loin de vous et de vos charmes enchanteurs, loin de vos baisers et de vos caresses. Il me semble déjà sentir le feu dévorant de l’oubli tenter de m’arracher votre souvenir, ce souvenir que je chéris tant. Mon amour, je dois partir. Et je n’ai aucun droit de vous en cacher les raisons.
Je me meurs. Mon sang charrie des flots pollués par cette maladie autrefois réservée aux pédérastres et aux dresseurs de singes. Vous n’en n’êtes nullement responsable, mon amour : ma jeunesse fut une épreuve mouvementée qui me laissa diverses stigmates.
Vous ignoriez sans doute que j’étais séropositif. Le mal me ronge et me flétrira incessamment. La mort ne tardera pas.
Je sais que cette nouvelle vous attriste tout autant qu’elle m’est pénible. Jamais nous ne pourrons fonder cette famille que nos mères espéraient pour nous : notre enfant serait inévitablement souillé par cet immonde virus qui corrompt mes veines, et qui ne tardera pas à en faire de même des vôtres.
Je vous quitte donc. j’espère réussir à obtenir l’absolution en me retirant dans ces terres lointaines qui s’étendent à l’Ouest de l’océan qui borde mon domaine normand ; ce même domaine où nous avons passés tant de matinées à deviser sous la brume marine…
Mon Cœur se déchire tel les ailes d’un papillon de malheur ! Il me faut écourter cette lettre sans quoi je pourrais en arriver, par souffrance, à certaines extrémités que la morale chrétienne considère comme péché mortel.
Pardonnez-moi. Pardonnez-moi.
Adieu Anne-Fleur, Que Dieu vous garde.
LA ZONE -
Ma très chère Anne-Fleur,
Vous savez que vous tenez depuis longtemps le premier rôle dans mes rêveries, des plus douces aux plus exotiques. Jamais une autre femme n’aurait pu éveiller en moi tant de trouble et de saisissement. Vous avez fait de moi un homme nouveau avec une prodigieuse habileté, de toute la pétulance et la chaleur qui sont les vôtres.
Seulement voilà, ces trois derniers jours furent pour moi une épreuve telle que je me serais plus volontiers soumis aux douze travaux de Delphes. Mon enthousiasme altéré glisse et s’échappe en fins filets de gaze qui viennent étouffer l’éclat chamarré de mes songes. Car voyez-vous, votre présence en iceux ne suffit plus à combattre la réalité qui s’est dessinée un peu plus nettement après chaque heure passée loin de vous. Au dessus de votre image plane cette vérité brutale, qui s’impose désormais à moi comme Lagardère à Féval.
Vous m’ignorez.
Vous savez que vous tenez depuis longtemps le premier rôle dans mes rêveries, des plus douces aux plus exotiques. Jamais une autre femme n’aurait pu éveiller en moi tant de trouble et de saisissement. Vous avez fait de moi un homme nouveau avec une prodigieuse habileté, de toute la pétulance et la chaleur qui sont les vôtres.
Seulement voilà, ces trois derniers jours furent pour moi une épreuve telle que je me serais plus volontiers soumis aux douze travaux de Delphes. Mon enthousiasme altéré glisse et s’échappe en fins filets de gaze qui viennent étouffer l’éclat chamarré de mes songes. Car voyez-vous, votre présence en iceux ne suffit plus à combattre la réalité qui s’est dessinée un peu plus nettement après chaque heure passée loin de vous. Au dessus de votre image plane cette vérité brutale, qui s’impose désormais à moi comme Lagardère à Féval.
Vous m’ignorez.
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C'est frais.
C'est dommage, y a des bouts très rigolos (l'insertion du discours boursier, on a l'impression qu'il a super envie de partir comme un fou dans des analyses à deux balles ; les références du début, surtout Lagardère à Féval ; etc.), mais ça ne décolle jamais vraiment.
Bref, rigolo.
Ca décolle un peu quand même à partir du coït anal.
Oui mais ça aurait pu au moins être un coït anal par un porc shooté aux amphets, ou avec une colonne Maurice, je sais pas, un truc ludique. C'est très surfait, le coït anal avec la bite.
Jm'en fous, y a des hurlements de chien, donc j'aime.
le passage avec les cables téléphoniques et le film c'est carrément sympathique!
J'ai connu une Anne Fleur qui était trappeuse dans le grand nord canadien.
Mais il est vrai que cela n'a aucun rapport.
p'tain la honte, comment nihil il aime les coïts anaux de tapettes ! C'est aka qui doit se faire chier.
glaüx, tu m'appelles quand tu veux, mon chou. Grrr.
J'aime bien le ton, c'est rigolo.
J'aime bien le thon, c'est rigolo.
Mais c'est immonde !
J'ai bien rigolé.
très sympa mais tant qu'à jouer sur le décalage autant y aller à fond, si j'ose dire.
C'est vrai que c'est un peu un Concorde, ce texte : ça décolle, un peu, et puis non finalement. À la fin, on est tous morts, je crois.
Winteria, je t'aime.
Soit. Mais avant toute chose : prends-tu la pillule ?
Orthographié comme ça, j'espère pas, putain d'éleveur de niais anglophones.
Pilule, pillule... C'est comme comme les lettres qui composent "jazz" et "rock" : c'est les mêmes, à part le "j", le "a", et les deux "z".
Ou comme jazz et jizz, et rock et fuck, et Winteria et Ophélie.
Ou comme Glaüx et Bernard.
Enculé.
J'aime bien quand on finit tous les uns en dedans des autres.
Je tiens à repréciser comme étant une qualité, que je suis infoutu de distinguer qui a écrit quoi (sauf que bon, je parierais que les hurlements de chien et ce genre de détails déplaisants, c'est du Narak). C'est pas si évident à faire et c'est bien fait, homogène et tout.
nan mais moi j'aime bien le prénom de la meuf, et quand ça parle de pétrole.
ça aussi c'est du Narak.
Ouais, Aelez je suis sûr qu'elle a rien foutu sur ce texte, cette branleuse.
Il ment éhontément, il voulait la nommer Marie-Chantal. J'en appelle à la justice.
Par contre, à mon grand regret, le pétrole et eurotunel, c'est lui.