LA ZONE -

Lettre à un ami

Le 19/11/2002
par Aka
[illustration] Cher ami,

Tu m’as dis de t’écrire : je ne pensais pas le faire si tôt.
Je crois que j’ai trouvé ce soir la réponse aux problèmes existentiels qui me perturbent depuis un certain nombre d’années. J’ai toujours courru après ce qui est mon graal : le bonheur. D’un point de vue purement freudien, faut pas avoir fait l’ENA pour se douter que ça remonte à l’enfance.
Il y a un certain nombre d’années, n’ayant pas réussi à trouver ce que je cherchais et estimant que je ne le trouverai jamais, je fis certains choix. J’ai échoué, puis j’ai muri. Je me suis ensuite dis qu’il fallait peut-être rentrer dans le moule et adopter une vie saine et « normale ». Ce n’était surement pas la solution non plus car notre couple n’y a pas réchappé. Alors je me suis dis qu’au lieu de courir après quelque chose qui apparemment n’existait pas, je pouvais au moins en créer l’apparence : alcool, drogue,net… Mais évidemment, le mot « apparence » a posé problème : au bout d’un moment on ne sait même plus se duper. Alors j’ai finalement opté pour le cœur pensant que lui seul pouvait me guider vers ce que je cherchais depuis toujours. Je me suis battue pour ça et je me bats encore. Alors je suis partie…[…]
Comme je te le disais, j’ai trouvé la réponse à mes problèmes : le bonheur n’existe pas. Je ne parle pas d’un bonheur démesuré. Non. Mon bonheur je le vois plutôt comme ça : une nuit je n’arriverai pas à dormir. Je descendrai fumer ma cloppe et dans le silence je me dirai « putain, j’ai réussi tout va bien ». Alors j’écraserai ma cloppe et je remonterai me coucher. Je m’endormirai très vite parce que je n’aurai plus à craindre de me réveiller. Mais ça me semble bien illusoire car à chaque réussite correspond son échec […]
Et j’ai donc ainsi compris d’où me venait cet aberrant sentiment de solitude, moi qui suis si bien entourée : on est seul dans une quête aussi personnelle, et la mienne concerne la vie.
Il y a quelqu’un en moi qui meurt, qui étouffe. Elle veut faire tellement de choses et me supplie de lui donner une solution. Mais je lui en ai déjà tellement données. Je crois que c’est mon lot pour mon éternité : cet inaltérable goût d’inachevé et cette solitude étourdissante. Etre prisonnier de soit et de sa vie, c’est ça en fait la solitude, rien d’autre. L’insatisfaction perpétuelle…. Je me couche et je me lève frustrée de tout. L’ennui a remplacé la haine, la mélancolie a tué les larmes. Ce n’est plus un problème mais un fait : c’est en moi. C’est moi. […]
Qu’ajouter ? Ma psychothérapie ne m’aura coûtée que deux feuilles de papier ! Il ne me reste plus qu’à cohabiter avec tout ça maintenant que c’est identifié. J’ai bien peur que même toi ne puisse pas saisir tout le sens de cette lettre… surement parce que son destinataire premier n’était que moi.

En attendant de te revoir je t’embrassse,

X

= commentaires =

Clax
...    le 20/06/2003 à 13:51:27
J'm bien, voila.
Strange

Pute : 0
... [bis]    le 05/11/2003 à 21:06:07
Bah en fait... moi aussi.
iris
j'adore...    le 25/07/2004 à 04:56:03
Ultime tête à tête, Une âme face à toi... la tienne!
Ce récit éclaircit une conscience déjà bien analysée... Je le trouve excellent, Bravo
crdp
Loin des yeux......    le 26/07/2004 à 11:06:43
" En attendant de te revoir je t’embrassse, "

Moi z'aussi

crdp
Enfin    le 26/07/2004 à 22:24:39
Merci, grâce à toi, ce soir, après onze heures onze d'attente, une petite érection m'est venue .

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