J'étais allé voir la chef pour lui expliquer que le jour où je voudrais en finir, je viendrais m'égorger devant elle pour qu'elle puisse constater, dans des conditions quasi expérimentales, que le bleu et la mort se marient harmonieusement. Ca l'avait glacée ; trente minutes plus tard on me réhabilita dans mes vêtements. Mais c'était trop tard. Je l'avais déjà enfilé leur foutu pyjama et je n'avais pas du tout l'optimisme de me changer deux fois dans la journée. Le soir venu, j'ai découvert qu'il était plus confortable de vivre le jour en pyjama que de dormir la nuit en jeans. Je me suis mis à bien l'aimer finalement et la vie s'est étirée ainsi.
Je l'ai même conservé après l'hôpital. Il tient bien ce bleu. Je pressentais que c’était un costard pour la vie alors quitte à l'assumer tout à fait je l'ai planqué au fond de mon sac le jour de la sortie. En temps normal je n'aurais pas eu le droit, mais cela faisait longtemps que j’avais été éjecté du temps normal. D’ailleurs c’était mon grand regret dans la vie.
Nous avons fait les comptes avec l'infirmière. Ca me faisait tout drôle, nous avions partagé trois mois de nos existences et puis voilà qu'elle me rendait mon rasoir. Je l'aurais bien tassée au fond de mon sac elle aussi pour me sentir plus léger, parce que pour moi c'était réellement une rupture. Mais elle s'en foutait, elle ; elle s'en foutait avec ostentation. Elle n'était pas du genre à laisser refroidir son lit : « Dépêche toi de faire tes bagages ! » qu'elle m'engueulait, « je dois mettre des draps propres pour ton remplaçant ». C'était ignoble, elle avait représenté 80% de ma vie sociale pendant tous ce temps. Elle s'est mise à changer les draps devant moi pour le suivant, un type qui attendait sur le seuil de la porte. On le sentait vif, il avait déjà dégainé ses chaussons. J'ai filé pour ne pas voir le reste, mais auparavant elle m’a rendu mes rasoirs Bic en me relisant une notice. Elle possédait une connaissance épatante des rasoirs, je lui ai donc fauché son pyjama en hochant la tête pour montrer que j'avais bien compris. Nous étions quitte.
***
Dans le couloir qui menait à la chambre, l’infirmière m’a mis en garde : « Vous allez voir, il est pas méchant du tout ». Et elle avait complètement raison, il avait une tête à vous faire partir en courant.
Il était planté dans son fauteuil, un peu plus jeune que moi, mais bien implanté déjà dans la psychiatrie et surtout beaucoup plus poilu. Il portait des favoris, je me suis demandé qui avait eu le mauvais goût de l’affubler de favoris comme s’il n’avait pas déjà suffisamment d’atouts pour attirer les regards inquiets. Ca lui donnait un petit air de Jack Nicholson en loup garou, en moins sexy néanmoins, mais dans le lit d’à côté cependant ce qui laissait des ouvertures.
Ce qui est sûr c’est qu’il ne possédait plus les aptitudes pour effectuer ce genre de choix esthétiques, je m’en suis rendu compte dans les jours qui ont suivi. Quelqu’un lui avait plaqué ces favoris sur la gueule.
« Vous allez voir, continuait l’infirmière, il parle pas beaucoup mais il est comme vous et moi. C’est juste qu’il ne parle plus beaucoup depuis quelques temps, mais il vous comprend parfaitement. » Pourquoi parle t’elle comme s’il n’était pas là alors ? Je trouvais qu’elle faisait un usage approximatif du collectif, un usage daltonien : elle mettait sa blouse blanche et mon pyjama bleu dans le même sac.
Dijon. Bienvenue dans le troisième millénaire. Le président des Etats-Unis (George W. Bush) a annoncé la couleur : il sera bleu. Ce sera le millénaire du cerveau. (Mange t’il des cornichons?)
Lorsque je bouge vers la droite de la chambre, les yeux de loup garou me suivent à droite de la chambre. Lorsque je bouge à gauche de la chambre, ses yeux me suivent à gauche. Il me prend pour une balle de tennis, mais il y met un peu plus d’hostilité. J’ose plus bouger, mais même quand je bouge pas il me fixe alors autant bouger en espérant semer ses globes oculaires. Sa moelle épinière semble avoir décidé que dans toute la pièce c’était moi le plus captivant. Pourtant il y a d’autres trucs à vouloir assassiner dans notre chambre. Il y a une table de nuit qui vaut le coup, il y a deux lits qui méritent qu’on s’y repose. Il y a même un tableau très valable, affiché sur le mur. C’est sympas aussi les tableaux à épier, ils sont habitués, on peut les regarder d’un air qui veut les bouffer ; des fois même c’est fait pour, les natures déjà mortes. Et puis il y a la porte d’entrée. C’est particulièrement intéressant les portes d’entrée je trouve, c’est par là qu’apparaissent les nouveautés, des pyjamas inédits, des infirmières toutes fraîches. Moi j’adore les portes d’entrée, c’est ma sortie de secours s’il me saute dessus. Mais non, loup garou a décrété que j’étais sa star. Je suis la star de loup garou, à seulement 24 ans. Il me fusille sans faire de pause.
J’ai essayé de lui parler à deux ou trois reprises en faisant bien gaffe de ne pas le froisser toutefois. Par exemple le premier soir au moment d’éteindre la lumière dans l’espoir de le semer dans le noir, je lui ai demandé si ça ne le dérangeait pas que j’éteigne. J’avais pas mal d’appréhension moi même, c’était notre nuit de noce ; je voulais son accord avant de nous plonger dans la terreur. Ne pas le brusquer surtout. J’étais descendu dans le hall pour lui acheter deux doigts coupe faim en signe de sympathie. Je redoutais que ça soit pas suffisant pour lui couper l’appétit, mais je pouvais quand même pas remonter avec un kilo de Twix, non ? Il aurait trouvé ça louche.
Pareil pour la salle de bain : je lui demande si ça le dérange pas que j’y aille quelques minutes. Il me regarde fixement, j’ai l’impression qu’il me hait, alors je me repasse sans cesse la captatio suae benevolentiae de l’infirmière : « il est pas méchant », il est comme vous et elle (mais surtout pas comme moi).
Toutes les vies valent la peine d’être vécues. Je cite souvent l’exemple de loup garou pour illustrer cette vérité.
Au bout de plusieurs jours je me suis habitué. Je fais plus trop attention. J’ai vaincu l’angoisse, je me suis assuré qu’il était bien mort en dépit des yeux qui bougent encore. Je l’ai poussé dans ses retranchements pour être tout à fait sûr. Je suis allé jusqu’à jouer à je te tiens par la barbichette mais avec les favoris ; ça lui donne un air de clown propice à ma détente. Je me sens mieux, il bronche pas. On pourrait le mettre dans une guérite devant un palais de Buckingham, ou à faire le Pierrot sur une croisette de Cannes pendant un festival. On peut aussi poser ses vêtements sur lui, c’est pas pour autant qu’il vous assassinera plus. C’est un loup garou multifonctionnel et pacifique.
En ce temps là, je me souviens, je lui disais souvent le soir en éteignant la lumière : « Hey Jack, tu t’es trompé de film, on est pas chez les garous ici, on est chez les coucous » et il avait l’air de vouloir me bouffer conformément à son état. Un insatiable bouffeur de moi-même c’était.
J’achetais le journal de temps en temps, mais quelqu’un me le piquait, je sais pas qui. Je soupçonne une infirmière, une rousse qui avait cherché à me psychanalyser dès le premier jour. Le problème c’est qu’on ne peut pas fermer la chambre à clef. Mais depuis que je le pose sur les genoux de loup garou on me le pique plus. J’ai redonné tout son sens d’épouvantail à la vie du garou. Il n’y a pas de vie inutile pour tout le monde.
Quand j’étais gamin et que je me mettais en rogne, je prenais des décisions radicales comme faire la tronche à mon frangin un mois non-stop pour bien le punir. C’était mérité il faut dire. J’étais extrémiste en théorie mais sans jamais aller jusqu’au bout dans l’application ; j’étais d’humeur trop volatile et en plus cet enfoiré de frangin essayait de m’attraper le menton pour jouer à je te tiens par la barbichette, comme si le contexte s’y prêtait ; j’ai jamais réussi à tenir plus de deux heures, et pour moi ça reste, encore aujourd’hui, un souvenir cuisant, une humiliation totale. C’était vraiment un gros enfoiré de me faire le coup de la barbichette, ça devrait pas être permis quand on fait la gueule. Je m’accrochais au souvenir des crasses qu’il m’avait faites, mais c’était comme si on me chatouillait. La bonne humeur revenait, irrépressible, sur fond d’humiliation. Ca me laisse rêveur quand j’y repense, cette bonne humeur pathologique. Je manquais de consistance dans l’humeur de chien à la différence de loup garou. Peut être que je l’aurais admiré si j’avais fait sa connaissance à l’époque, j’aurais envié sa force de caractère un chrono à la main, carrément épaté.
De temps en temps Natacha me posait la question discrètement, l’air de rien, elle voulait savoir si malgré tout, je l’aimais.
Je me mettais à sa place. Je me serais vraisemblablement posé la même question à sa place. Ce genre de situation peut prêter à confusion. Qu’est ce qui vous dit finalement que votre mec vous aime s’il préfère encore se flinguer plutôt que de continuer à vous baiser dans la vie ? C’est à se poser des questions sur l’avenir de son couple, quand l’autre est un peu trop pris par sa passion du flingage, du coup je comprends tout à fait son besoin de mettre les choses au clair. « Est-ce que tu m’aimes ?» au moins qu’elle me disait. C’est délicat à répondre quand on aime particulièrement bien le flingage aussi. On a du mal à choisir des fois, on essaye de concilier les deux comme on peut et voilà qu’elle vous demande l’air de rien si vous l’aimez.
Mais c’était compréhensible sa jalousie. C’est un peu prématuré dans une vie de couple de vouloir se flinguer au bout de deux mois. Ca ne veut pas dire qu’on n’atteindra jamais les noces de platine ou de tout autre métal dont sont faites les balles de flingue, mais c’est quand même délicat comme départ.
Moi je pense qu’à sa place j’aurais été légèrement jaloux sur les bords, voire carrément soupçonneux au milieu. Je pense que si ma nana, dès le deuxième mois, s’était fait la belle à l’hosto pour s’enfermer les trois mois qui suivent en compagnie de sa passion du flingage, et bien je lui aurais souhaité de s’envoyer en l’air tout à loisir. Je lui aurais dit : « Vas-y te gène pas, tu peux te taper l’infirmier de nuit autant que tu veux, tu peux l’aguicher avec ta camisole en dentelle et vous avez qu’à vous shooter tous les deux aux antidépresseurs pour mieux jouir, moi je m’en fous. Vas-y salope, que je lui aurais dit, vas-y, profite de tes partouzes scatologiques avec tes vieux en Pampers, profites en bien parce qu’ils vont peut être même crever avant toi, moi je suis pas jaloux de toute manière. » Je lui aurais envoyé des cartes postales vengeresses ou même carrément directement des photos de moi en train de baiser ma nouvelle nana, parce que la première chose que j’aurais fait moi à sa place, ça aurait été de m’en trouver une plus dans mon genre, une nana qui aime bien vivre et bien baiser et qui soit pas trop absorbée par sa passion du flingage et ses retraites psychiatriques scatologiques. Je lui aurais envoyé des photos de moi en train de baiser ma nouvelle vie, et au dos je lui aurais écrit : « Envoie toi en l’air autant que tu veux ma petite, je suis pas jaloux ; j’ai refait ma vie, et elle est aussi bonne que toi, et elle servira plus longtemps ! »
Faut croire qu’elle était un peu conne, parce qu’elle n’a pas du tout fait ça contrairement à moi. Elle est pas du tout aller baiser avec un autre contrairement à mes projets ; elle est restée avec moi, elle a bien voulu continuer à me baiser un peu plus que d’habitude même dans cette vie. C’est juste que des fois elle posait des questions chiantes du style : « Est-ce que tu m’aimes ? » Une emmerdeuse. Le pire c’est que je suis resté avec elle, et pourtant j’avais que l’embarras du choix. J’étais entouré d’infirmières et de baisées de la tête comme moi qui raffolaient de mon pyjama bleu. Le pire c’est que je l’ai gardée. J’ai fait mon seigneur, je ne l’ai même pas trompée. J’ai été royal avec elle, j’ai même différé mon flingage rien que pour elle.
Elle avait quand même je dois dire une sorte de don inné pour me poser des questions délicates. Elle savait poser les questions qui font bien chier. Ca me faisait carrément chialer quand j’avais raccroché ; ça me fait même toujours chialer maintenant dans mon café Internet quand j’y repense. J’aurais voulu mieux maîtriser le romantisme. C’est perturbant le romantisme, dans ma vie. Je voudrais le mettre en boîte aussi à deux allées de la mienne.
C’est le jour où j’ai le plus chialé de ma vie. Je me souviens bien, j’étais assis à cette table, il y avait un livre posé là avec des photos dessus, et moi je chialais tout au sommet. C’était une salle de séjour avec une véranda, c’était la piste de domino, c’était le terrain de tricot. Deux vieilles s’exerçaient derrière moi, elles profitaient de cette belle journée de printemps pour enfiler sereinement les mailles, se dégourdir un peu les phalanges. Leur virtuosité technique ne laissait pas transparaître la moindre angoisse existentielle. Dehors les arbres étaient en fleurs, mais toujours pas de pissenlits. Une infirmière est venue se poster près de moi ; elle m’a demandé : « Mais qu’est ce que vous avez ? », tout en se penchant sur mon livre des fois que ça serait pas une photo d’oignon qu’on épluche. « Mais qu’est-ce que vous avez ?... » Rien, rien du tout, j’avais juste 25 ans, mais j’ai pas réussi à le lui dire si bien qu’elle s’est peut-être figuré des trucs graves. Elle est restée debout deux minutes à mes côtés, majordome affable, mais comme elle n’avait pas de flingue à me proposer elle a dû se sentir superflue. Alors elle s’est éloignée, pudiquement, pour que je puisse chialer tout à mon aise. Avec la flotte salée dans mes yeux je distinguais à peine les images ; j’avais pas pensé à prendre mes lunettes de piscine. Je m’accrochais du regard pourtant, je voulais pas couler tout de suite. Fêter mon premier quart de siècle en maison de retraite, j’étais ému cela se comprend. Je bougeais les épaules sans faire de bruit, je savais chialer avec classe, en manifestant -spontanément- une rare maîtrise des deltoïdes.
Nietzsche disait que tout ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort ; je ne partage pas sa passion du lyrisme et moi ce qui ne me tue pas me laisse en vie.
C’est fait. J’ai 25 ans depuis quelques jours. On se vide de son temps, plus atrocement encore à le saigner dans l’ennui. Il fait beau, le jardin est magnifique. Je ne le ressens pas comme tel, mais supposons qu’il soit magnifique, cela ne me dérange pas. J’ai une grande tolérance pour les jugements horticoles, même dogmatiques.
L’infirmière m’a demandé de faire des efforts pour brasser des idées sympas, et voici le résultat : tous ces pétales autour de moi, je suis au paradis des dépressifs. Les pétales sont des pétards ralentis et arrondis, tous doux et colorés, bourrés de poudre pollen. Des pétards en dépression, et ça leur va plutôt bien à eux. Je m’arrête.
« Vous êtes sûr que vous ne voulez pas jouer aux dominos avec nous. » C’est une voix de femelle. Elle s’adresse à moi très sérieusement. Ce n’est pas une métaphore, ce n’est pas de l’humour, cette histoire de dominos doit être prise au pied de la lettre. Tout petiot déjà les dominos me gonflaient abusivement. Un sport sinistre de maison de retraite.
Lorsque je suis arrivé ici, la clinique me fut présentée comme une sorte de havre. Un paradis des dépressifs. « Vous allez voir, là bas c’est pas pareil » me disait la psychiatre du moment. Cela faisait peu de temps qu’elle me suivait, mais elle cherchait déjà à se débarrasser de moi. Ailleurs était meilleur dans sa bouche. Il faut dire que j’étais dans un état de gâchette émotionnelle extrême depuis plusieurs semaines. Les psychiatres pressentaient la boulette russe. J’en avais trop chaud sur la patate si bien qu’ailleurs était meilleur. Ils étaient très louangeurs avec autrui, je veux dire quiconque. Ils étaient très louangeurs avec quiconque. Ils voulaient bien me refiler sans problème. Je pense donc que mon arrivée dans cet établissement fut le résultat d’une erreur collective due au stress dont j’irradiais mon entourage, par le simple geste de me gratter la paume d’un index soucieux et moite.
C’était donc ça le paradis. « Là bas c’est pas pareil » on m’avait dit, comme si d’être admis « là bas » constituait en soi un pas décisif sur le chemin de ma guérison. J’allais franchir un cap. Là bas n’est pas ici, au grand soulagement de ceux qui restent.
J’étais le seul individu de sexe mâle et je vivais au milieu de 70 femmes -selon mes estimations- 70 ménopauses domino entrecroisées de tricot. Un amateur de vieilles cellules aurait adoré vivre au milieu de ces étonnantes bicoques organiques. Le vivant est capable de figures de style complètement bariolées, surtout la gérontologie.
Je devais être au paradis des martyrs j’imagine, avec mes 70 chastes promises, un vrai fanatique du martyr moi, au point d’omettre de me départir de mes souffrances, avec mes godasses au seuil de ce lieu sain. Je m’étais sans doute pris trop tard. Il y en a eu tellement des martyrs de Coran ces derniers temps qu’ils ont épuisé les capacités de renouvellement du paradis en virginité. Je suis pour l’instauration d’un numerus clausus afin d’épargner les arnaques en mon genre.
Venez mes biens chers frères de martyr, venez vous aussi arpenter ces branlants échafaudages moléculaires, ces fantasques amas biologiques, ces ménopauses juvéniles à jamais. Les vagins sont des fourreaux, c’est le latin qui le pense.
Les infirmières revendiquaient également leur spécificité d’ange : « Vous allez voir, ici c’est pas comme ailleurs. ». Ca donnait envie de se flinguer sur place pour leur conférer la modestie, pour leur démontrer que j’étais partout chez moi, et que leurs dominos ne changeaient pas grand-chose au fond de mon cerveau. J’en ai parcouru beaucoup des ailleurs. J’ai exploré l’hypothèse environnementale à fond. Je suis allé en Tunisie, mater la coupe d’Europe sur un lit de Djerba, j’ai vadrouillé le Brésil, où ma vie ne tenait qu’à un string, j’ai même atterri en Inde pour caresser les klebs pouilleux. J’ai exploré l’hypothèse environnementale en long en large et de traviole et j’en ai conclu que c’est partout chez moi, partout baigne dans mon liquide céphalo-rachidien. Elle est justifiée leur étoile, ils pouvaient garder l’espoir d’un ailleurs, d’un au delà de la clôture. Ils étaient dans le camp tandis que j’étais moi, le camp. Je trimballais ma stupeur sur mon dos partout où j’allais ramper, moi la torture, il aurait pas fallu m’aguicher avec des barbelés électrifiés parce que je serais aller me blottir dedans. C’est un cadeau à pas nous faire. Elle est méritée leur étoile, pour le confort électrique, pour le confort de pas avoir à se tracasser pour les modalités techniques.
On m’a fait comprendre que si je veux être accepté dans cet établissement, je dois me plier à deux ou trois règles. Est-ce là réellement ma volonté?
Je dois notamment prendre part à deux ateliers de mon choix parmi la dizaine qui me sont proposés. Il y a de l’art thérapie, de la cuisinothérapie (ou culinarothérapie je sais plus trop), du groupe de parole thérapeutique etc. Au bout de trois jours je n’arrivais plus très bien à distinguer le thérapeutique du non thérapeutique. J’avais l’impression de bouffer des patates thérapeutiques à midi. D’ailleurs cette immersion dans la thérapie avait une bonne influence sur mon état d’esprit lexical comme put le constater le personnel soignant. J’avais déjà beaucoup moins « envie de me flinguer », je voulais désormais « m’administrer une balle thérapeutique ». Elles aimaient pas trop mon humour j’ai remarqué ces immaculées, « on plaisante pas avec ces choses là » ronchonnaient-elles. J’étais leur outil de travail après tout, ça se comprend leur réaction. J’étais du genre à les foutre au chômage technique avec mes blagues à une balle. Une noyade dans le suffixe, c’est tout ce qu’ils avaient à me proposer, du coup ça me donnait pas très envie de m’attarder. Mais pour aller où ? Etant donné qu’on m’avait juré que c’était là ce qui se faisait de mieux en psychiatrie et qu’il me semblait avoir effectivement fait le tour des molécules, ça me donnait pas très envie de m’attarder dans mon corps non plus. Je voulais foutre le camp de partout et surtout de moi-même.
Comme je tardais à faire mon choix dans cet embarras de thérapies, on m’a collé d’office en musicothérapie et en groupe de parole. « On a pensé que c’est ce qui vous convient le mieux » m’a-t-on dit. Une patiente m’explique que ça convient pile poil aussi au musicothérapeute, il a besoin d’atteindre un quota de patients pour justifier son existence budgétaire. S’il y a un papier où il importe d’exister dans une vie administrative, c’est le budget. Etes vous budgété ? Convergence d’intérêts. Aucune vie n’est inutile pour tout le monde.
Musicothérapie, dépressifs en riff. Je fais des riffs sur mon xylophone, et sur ma droite une mémère ferme les yeux, comme pénétrée par mon instrument. Qu’est ce que je fous là bordel ? Comment j’ai pu atterrir là ?
On est quatre dans cet atelier. Deux mémères, un loup garou et moi, le dépressif en riff. Je fais vibrer les hordes de bigoudis sur la tête de ma voisine. Elle prend un air étonné : « Ah bon, vous n’avez jamais fait de musique ? » Elle veut me faire un compliment, ça part plutôt d’une bonne intention, mais j’ai quand même envie de lui suggérer d’aller se faire foutre avec son tam tam. Restons calme…
Ce qui m’étonne le plus c’est de voir loup garou en face de moi. C’est la première fois que je le croise en dehors de notre fosse nocturne, j’imaginais pas qu’il soit transplantable. Ca donne un look saugrenu à cet atelier, j’aime bien, j’ai l’impression qu’on a déposé ma baignoire sur une chaise en face de moi et qu’on lui a mis un xylophone sur les genoux à elle aussi. Mais je dis rien, les autres se sont aperçus de rien on dirait, et faut pas compter sur moi pour trahir le garou. J’improvise avec mon talent inné, je riffe ding dong pour ma groupie à bigoudis. Elle a pas l’air déprimée du tout. Elle glousse, toute contente, comme en colonie de vacances. Le midi en sortant de table elle commente la qualité de la bouffe avec deux autres ménopauses, il paraît que c’est pas valable comme l’année dernière, mais l’an prochain le cuistot de l’an passé revient, elle a bon espoir. Elle entrevoit le bout du tunnel diététique. Une maison de repos, avec des activités tropicales, une existence de mémère bien remplie. A quoi ça rime ? Ils espèrent me guérir avec leur xylophone ? Je riffe tel Kurt ding dong sur mon xylophone ; je riffe tel Kurt bang bang en attendant le final.
Peu après mon arrivée, une fille est venue me voir. Amélie. J'étais assis dans le canapé de la salle télé à feuilleter le journal. C’était mon exercice intellectuel quotidien, la lecture du Parisien. Je préférais qu’on évite de me déranger, mais Amélie était nouvelle, elle ignorait donc mes coutumes. Nous sommes tous passés par cet état de nouveauté un jour ou l’autre dans notre vie, je comprenais. Ce n'est pas un reproche à ce stade de mon récit.
« C'est ta combientième toi ? » qu'elle m'a demandé. Ma combientième quoi moi? J'ai adopté un air approprié, quasi imperceptible, qui lui a pourtant fait comprendre du premier coup que ce n'était pas mon cas. Il suffit de déplacer des petits bouts de visage pour émouvoir les gens, encore faut-il connaître les raccourcis.
« Et bien c'est ta combientième TS... moi c'est ma dix septième » et elle m'a montré son poignet qui portait un petit pansement en guise d'attestation. Elle me prenait pour un videur à qui on montre son tampon pour rentrer dans la vie après être allé chercher un truc dans la voiture. Comment peut-on tenter dix sept fois de se suicider ? Est-ce qu'elle comptait toutes les fois où elle traversait hors des clous ? Comment peut-on se planter autant et éprouver le besoin de s'en vanter ? Dix sept, c’était un chiffre absurde, j'ai failli le lui dire. Refais tes calculs petite j’ai failli lui dire, tu t’es gouré dans les signes ou t'as oublié une virgule...
Elle me regardait, toute fière comme un petit vieux poilu qui flageole sous les médailles, et moi je dois dire que je m'en foutais tout autant qu'un onze novembre, si c'est pas moins encore. Par la suite j'en ai rencontré d'autres qui s'enorgueillissaient comme elle de leur nullité dans leur discipline de prédilection, la TS. Elle pratiquait le suicide à grande échelle, du haut d'un escabeau, ça justifiait qu'elle utilise des abréviations empruntées aux statisticiens, et je suis sûr que parmi eux certains sont passés par le bac.
« Alors ? » insistait Amélie. Mais j'étais à zéro tentative. Je le suis toujours d'ailleurs puisque je vous parle, et si je dis ça c'est pas pour me vanter mais je sens que j'ai une espèce de talent génétique pour le suicide, alors ça sert à rien de m'entraîner trop tôt de peur de m'en mordre les doigts par la suite.
Dans les mois qui ont suivi on m'a lancé comme ça des défis de couleur, à deux ou trois reprises, avec plus ou moins d'agressivité. « Fais voir ton bleu... » qu'on me disait et l’on venait coller sa manche contre la mienne pour comparer nos bleus. Pour Amélie je sais que ça partait d'un bon sentiment à la base, c'est du moins ainsi que je l'interprète - rétrospectivement - à la lumière des deux ou trois fois où elle a essayé de me violer dans les coins, lorsque les infirmières avaient le dos tourné. Les médecins non plus n'avaient pas l'air trop inquiets pour elle. Cette serial self-killer avait planté sa tente dans le voisinage immédiat de la mort un peu à la manière des poissons pilotes. C'est pas elle qui se ferait bouffer.
Voilà, je tenais à vous parler un peu d’Amélie. C'est le genre d'emmerdeuses avec qui j'ai vécu durant trois mois.
Un jour Trauma m’a appelé. Cela ne faisait pas longtemps que j'étais à l'hôpital ; c'était une période difficile. J'étais précisément en train de prendre conscience que j'avais épuisé toutes les sources de divertissement de l'étage - exception faite de Marcel que je ne connaissais pas encore. C'est un puits de pétrole ce Marcel, il fait peur comme un Sahara en surface, mais à l'intérieur il regorge de richesses pour passer son temps.
Je n'avais rien demandé à Trauma. Je lui avais juste écrit un mail quelques semaines plus tôt pour lui dire que j'avais une envie dingue de crever et que dans ces conditions, suivre les cours me paraissait superflu. C'est du gâchis d'intégrer une grande école si c'est dans l'optique de se jeter sous un métro en cours d'études ou bien tout de suite après. Les profs semblaient considérer comme acquise notre vocation à la vie, en tout cas ils n'ont pas fait le moindre rappel au cours des premières semaines, ce qui m'a étonné. Je regardais les autres, je cherchais des signes d'inquiétude chez eux aussi pour me dire que j'étais pas le seul usurpateur. Je trouvais qu'ils avaient des crânes volumineux, c'était des élèves bien proportionnés, exactement comme on les décrivait dans la brochure. Moi j'étais moins bien conformé déjà, complètement largué ; et ça a duré tout le mois d'octobre, jusqu'à ce que je lui envoie un mail qui aujourd'hui encore, avec deux ans de recul, me donne froid dans le dos.
Le 1er novembre j’y étais. J’y étais bien même, aucun doute, il suffisait de regarder autour de soi, j’étais entouré de blouses blanches et de pyjamas bleus, il manquait juste une toute petite touche en prévision du 11 et moi j’étais volontaire pour m’occuper du sillon, j’allais faire gicler du patriotisme plein les murs de ma chambre.
Je n'avais rien demandé à Trauma, promis. J'ai toujours assumé mes suicides à peu près comme un grand sauf qu'il s'est généralement trouvé des gens pour faire en sorte que ça foire, en particulier Lamictal qui aime se mettre en valeur lui aussi, exactement comme Trauma, mais dans un look complémentaire. Lamictal m’a déjà sauvé la vie deux fois ; c’est assez petit joueur par rapport à Trauma qui s’est montré magnanime avec moi un bien plus grand nombre de fois encore. Trauma prend de l’avance en prévision de mes prochaines détresses. J’arrive pas à mourir suffisamment vite pour suivre le rythme tellement il m’a sauvé de vies à l’entendre. La société produit les dépressions bien plus efficacement quand on divise ainsi les tâches. Je passe sur une chaîne, d’abord entre les mains de Lamictal qui m’empêche d’en finir, puis ensuite celles de Trauma qui m’accueille à bras ouverts pour m’extorquer les merci, et il aime bien me garder un moment car il a le sens du bonheur simple et modeste du travail bien fait, à fond tout simplement. On peut dire que les choses ont été bien conçues. Le job de Trauma a l’air moins important en apparence, mais dans une société cela compte les gens qui récoltent la gloriole pour les autres. Ca permet aux Lamictal de travailler dans l’ombre sans se faire emmerder.
J'ai un cerveau qui ne mérite pas de vivre ; j'ai un clandestin dans le cerveau mais je le surveille de près désormais mon clandestin, et je vous assure qu'il a intérêt à se tenir à carreau maintenant parce que le jour où les molécules de Lamictal faibliront j'emploierai mes nano molécules de 22 long rifle. Il a bouffé tous ses jokers mon cerveau, à 25 ans. Trauma n’a pas été très long à bouffer tous ses jokers lui non plus…
Sur le coup, alors que je l'avais au bout du sans fil, je ne me suis pas méfié. J'avais d'autres objectifs en tête. C'est après que ça m'est revenu, quand je me suis rendu compte qu'ils avaient empoché mon fric.
Il m'a demandé comment j'allais, naturellement. C’est la procédure dans les hôpitaux. Je lui ai répondu naturellement aussi, sans donner de précisions vestimentaires. C'est l'avantage de la radio sur la télé, on ne voit pas votre pyjama bleu estampillé Saint Anne. « Au fait, m'a-t-il demandé de son chapeau, est ce que tu pourrais m'envoyer un certificat d'hospitalisation ? C'est pour faire marcher les assurances. ». « Pas de problème » ai-je répondu. Pas de problème…Là où j'étais les assurances peuvent marcher ou même sprinter, personne ne s'en offusque et moi j'avais Harry Potter sur ma table de nuit pour faire bien, joyeux et tout. Il me manquait juste le cerveau qui va avec pour la lecture mais je recevais des visites parfois, et des chocolats je crois.
Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai trouvé ça bizarre cette histoire d'assurance. J'avais payé tous mes frais d'inscription, 3000 euros en tout. Ca changeait quoi mon hospitalisation ? Ou mon enterrement ? J'en ai conclu qu'ils magouillaient et c'était bien leur droit. D'ailleurs ils le faisaient dans l'intérêt de la démocratie à qui ils fournissent des esprits critiques par paquets entiers, sans aller jusqu'à un état aussi critique que le mien toutefois - et bien que ce fût pour une noble cause ces magouilles, je m'en foutais copieusement.
On réussit parfois à obtenir une minute de silence pour rendre hommage à un mort. A ma connaissance on n'a par contre jamais obtenu de trêve des magouilles même pour les rois des magouilleurs tout en haut. Le roi est mort, vive la magouille. Je pensais à ça souvent dans mon pyjama bleu, je pensais à tous ces couples partout dans le monde qui étaient en train de baiser avec des molécules plein les synapses aux bons endroits, des éclaboussures, je pensais à ça en regardant le trou de cigarette qu’avait laissé le taré d’avant moi dans mon étoffe bleue. Ca n’a jamais empêché la terre de baiser que je crève, l’expérimentation le prouve.
Je voulais me débarrasser de lui vite fait, j'avais rien à lui dire à ce type. Je ne le connaissais pas encore. Il était nouveau à ce poste tout comme Amélie dans les coins. On l’avait nommé durant l'été quand je dégageais sur la civière discretos. Lui il arrivait de l’autre côté sous les vivats pour devenir le soleil de sa petite cour avec les chiottes au milieu pour tourner autour, comme dans les pèlerinages somnolents. Nous nous étions à peine croisés deux ou trois fois durant le mois d'octobre à l'école. C'est dommage ; il y a des gens comme ça, on ne se rend pas compte qu'on devrait leur dire d'aller se faire foutre pendant qu’il en est encore temps et lorsqu'on s'en rend compte il est déjà bien trop tard. On est condamnés à le regretter jusqu'à la fin de ses jours. Evidemment dans mon pyjama, ce « jusqu'à la fin de mes jours » prenait une connotation moins mélodramatique.
Et puis j’avais suffisamment à faire avec les infirmières…
Prenons Cécile par exemple. Elle n'en a pas encore le diplôme, mais elle porte déjà la blouse et personnellement j'estime que c'est la blouse qui fait l'infirmière, et non le diplôme. Cécile est étudiante de seconde année en IFSI. C'est un inhibiteur féminin sélectif de la recapture de la sérotonine, une jolie protéine harmonieusement repliée sur elle-même aux bons endroits wonderbras. Elle a une cote du tonnerre auprès des petits vieux qui aiment tout particulièrement quand c’est elle qui les torche. Elle suit ses cours dans un bâtiment à cent mètres de là et de temps en temps elle fait son stage ici. C'est une filière intégrée : le site de formation se trouve directement sur le site de production, ce qui permet de faire l’impasse sur le métro et donc l’économie de patients supplémentaires.
Un jour elle est venue me voir avec un tas de feuilles. C'étaient des questions, des centaines de questions qui devaient permettre de poser un diagnostic. Ils n'ont pas encore très bien défini les pathologies mais ils doivent plus être très loin on imagine, les questionnaires touchent au but on croirait. « Vous me les rendrez la prochaine fois » m'a t'elle dit, « c'est pas urgent urgent ».
Elle est coquette Cécile, on sent bien tout de suite qu’elle est coquette. En tout cas moi je trouve.
J'ai regardé tout ça à mon aise, comme elle me l'avait conseillé, une fois qu'elle fût partie. Observer les autres malades c'est intéressant, mais ça m'occupait rarement toute une journée. Tous ne disposaient pas des ressources d’un Marcel. Je lisais également les pages sport du Parisien, je l’ai déjà mentionné, le seul journal blanc bleu que nous recevions. J'avais d'ailleurs protesté auprès de la direction mais on m'avait répondu que j'étais pas tout seul et qu'il fallait trouver un compromis. Faut croire que c’était moi-même en personne, le con si promis. Ma connerie messianique. Moi je demandais l'Equipe, or j'étais obligé d'aller l'acheter au Relay de l'hôpital pour pouvoir m'assurer qu'ils avaient bien les mêmes classements que dans le Parisien. Ca collait presque toujours, ils étaient attentifs eux aussi. Des journalistes scrupuleux, impeccables tels qu’on en crée dans mon école. Ils devaient avoir leur rédaction dans un hôpital quelque part j’imagine. On avait mis un Relay dans le nôtre, comme dans une gare, peut-être pour nous rassurer à travers la symbolique du passage. Nous rappeler que la vie n'est qu'un passage était une excellente idée, parce que personnellement ça m’aurait fait mal au ventre de savoir que ça durerait pour une éternité ou deux. Saint Anne n'était donc qu'un passage, fallait-il en déduire, mais il y a d'autres endroits qu’on pourrait classer dans cette catégorie. Au fond des Relay on pourrait en mettre un peu partout si c'était juste une question de symboles n’est-ce pas ? D'autant que ça ferait très plaisir aux actionnaires.
Je faisais des nuits de 18 heures, les journées ne me paraissaient pas trop longues ainsi. « Vous allez voir Mr Riwoal, c'est un excitant » qu'elle me disait l'autre infirmière. Je transpirais dans mon sommeil et lorsque je me réveillais il faisait déjà nuit. Je croyais qu'il était 6 heures du matin. C'était d'ailleurs exact d'un point de vue boréal. Quatre heures plus tard, extinction des lumières. Je menais une vie de lapon, à la différence près qu'on n'avait pas eu la clémence de me castrer. C'est tout ce que j'ai vu Mr Riwoal. On devrait leur mettre des cours de dégustation de pilules pour qu'elles sachent un peu elles aussi, les tourments de la constipation.
Ca me rendait dingue de dormir 18 heures d'affilée. J'avais 25 ans, je passais ma vie à dormir. Ca me rendait dingue, encore plus dingue qu'à l’origine. Ca me rend dingue !! Ca me rend dingue bordel !! Encore plus dingue qu’au début! Je ne veux pas dormir ma vie !! Je ne veux pas dormir ma vie…Les semaines passaient, j'engrangeais les rêves et je les foutais à la corbeille au petit matin vers 18h. Les infirmières savouraient bien mon sommeil, elles, parce qu'au moins lorsque je dormais je ne les faisais pas chier. J’avais plus de mal déjà dans mon sommeil, malgré toute ma bonne volonté d’emmerdeur du peuple. C’était plus ergonomique pour elles des malades allongés, c’est souvent comme ça avec les crazy-sitter ; ensuite elles font rentrer l’amant en douce pour faire des choses tout azimuts, je dis rien, mais je considère que la vie à cet âge-là elle n'est pas faite pour dormir ni pour crever. Elle est faite pour baiser justement à cet âge là ! Et je vais partir au Brésil dans pas longtemps pour rattraper le retard. J’aurais dû baiser tous les jours à cet âge là ! Là-dessus je n'ai pas peur d'être dogmatique et c’est personne qui m’empêchera de le clamer ! Mes nuits laponnes c'était la mort en pointillé, avec ce qu'il faut de réveil pour la constater. J'aurais préféré une extinction de conscience définitive, sans les repas en barquette et les pilules jaunes ou mauves.
Je pris le petit questionnaire de Cécile assez à cœur, dans la perspective de sa blouse blanche. C'était comme dans les magazines, on pouvait choisir le genre de taré qui nous agréait le mieux. Mes goûts personnels me poussaient vers des traitements dynamisants, je fuyais les neuroleptiques.
Par exemple si la question c'était : « Vous mettez vous souvent en colère ? Souvent, de temps en temps, jamais. », il fallait cocher « jamais » afin qu'ils vous donnent des pilules qui vous mettent en colère de temps en temps, parce qu'il n'y a rien de plus sain que de se foutre en rogne une fois de temps en temps et que moi cela n'avait pas dû m'arriver depuis trois ou quatre ans. Je posais Loup Garou sur la chaise près de moi et je lui lisais les questions pour voir ce que ça donnait le test de personnalité sur lui. Sur lui ça donnait l’inverse de moi, ça donnait : « toujours » car il souhaitait rester bien calme avec des neuroleptiques. Tout doux le garou. Je me demandais s’il était aussi appréciateur des formes de Cécile que ne l’étaient les petits vieux de l’étage. C’est elle qui venait lui faire sa toilette de temps en temps, ils se retiraient tous les deux dans la salle de bain. J’entendais les râles de plaisir du jet d’eau au fond de la baignoire et tout se terminait dans un cri orgasmique de robinet mal huilé. Ca n’avait pas l’air de les effrayer trop tout compte fait ces infirmières, de se retrouver en tête à tête avec loup garou au fond d’une baignoire. Il avait atteint l’ataraxie dont parlent les philosophes, la vraie, celle du chou-fleur léonard. Je voulais tellement me flinguer certains jours -mais sans le vouloir assez pour faire preuve d’un minimum d’efficacité- qu’il m’arrivait de l’envier malgré tout. L’enviable confort des lilas, des sapins, l’insouciance morale du règne végétal…
Le questionnaire de Cécile comportait 600 questions. C'est un peu court pour résumer une personne. Du coup je me répandais au dos de la feuille, je me lançais dans des subtilités ; je n'avais que ça à foutre de toute manière, être subtile, contrairement au correcteur.
Je suis hélas incapable d'être subtile 600 fois d'affilée. Aussi lorsque Cécile me demanda d’un air enjoué si le questionnaire m’avait plu, j'ai donné un petit coup de menton approbateur en direction de la corbeille. Ca voulait pas dire que je ne l’avais pas trouvé intéressant, mais je me lasse des croix à la fin, c’est mon gros défaut dans les questionnaires. Elle me fit part d’abord part de sa déception, d'autant que c'était un exercice « évalué », comme elle me l’avoua sur un ton dramatique. C’est drôle, elle semblait penser réellement que j'allais m'apitoyer ; son attitude m’avait sincèrement surpris. Vraiment oui, j’avais été très surpris par son intonation. Je la mettais simplement dans les conditions réelles d'avoir un zéro. Si moi je crevais elle pouvait bien se faire tuer par ses parents de son côté non ? C'était du perdant-perdant, et encore, je trouvais qu'elle restait gagnante dans l'histoire. Il ne s’agissait, en somme, que d’un petit rôle secondaire dans mon énorme catastrophe personnelle. Finalement elle laissa tomber relativement vite. D'autres infirmières se montrèrent moins lucides.
Pour édulcorer le temps j’allais parfois rendre visite au groupe de parole. C’était généralement chiant, en prévision de quoi j’amenais le Parisien ou l’Equipe. L’aspect positif de la chose c’est que cela me permettait d’effectuer une sorte de détourage des menus évènements de mon quotidien inessentiel. Je ne vivais donc pas en permanence dans le degré zéro de l’intérêt comme je me le figurais, je possédais encore une marge de régression vers l’apathie, je me devais de la préserver. Et c’est parce que je l’oubliais d’une semaine sur l’autre que je ressentais le besoin de retourner m’ennuyer un peu à l’atelier.
L’infirmière qui menait les débats avait appris que j’étais étudiant en journalisme avant de prendre cette nouvelle orientation dans ma vie. Ca l’avait un peu perturbée d’avoir quelqu’un d’aussi notable dans son auditoire, du coup elle osait plus trop s’exprimer de peur de dire une connerie et peut-être -c’est l’impression qu’elle donnait-, que je fasse paraître un papier là dessus dans le Canard Enchaîné le mercredi suivant ; elle accordait trop d'importance à sa connerie. Elle voulait me céder la parole sur tout, elle me donnait du « vous le journaliste », je l’aurais volontiers tutoyée de quelques baffes en retour. Elle prenait la mouche aussi à cause de mes talents de ventriloque. Depuis le collège je parviens à suivre attentivement un prof dans les yeux tout en lisant mon journal. On croit que ça regarde devant alors qu’en réalité ça regarde plutôt vers mon giron, où reposent d’alléchantes pages sport. La ventriloquie c’est l’art de manipuler les gens dans les environs du ventre, et j’avais appris à le faire avec mes yeux et d’autres parties encore. Revancharde, elle cachait mal son plaisir quand elle me coinçait : « Monsieur le journaliste…Pourriez vous me répéter ce que je viens de dire monsieur le journaliste. » Je ne sais pas ce qu’elle avait, elle faisait immature, pour le coup ça donnait une impression étrange avec la blouse. On aurait dit que c’était irréaliste, de l’entendre dire des gamineries dans sa blouse.
La consigne était : « Dites tout ce qui vous passe par la tête, n’importe quoi. » On soupçonne à peine les tempêtes de vide qui se bousculent dans la tête des gens. Il aurait fallu nous donner beaucoup plus de liberté encore pour susciter de la réflexion, il aurait par exemple fallu nous donner un thème ; au lieu de quoi nous nous retrouvions dans cette liberté absolue comme au milieu du Sahara, vaincus d’avance par l’inanité du mot direction. Nous nous laissions tomber sur les fesses comme de vieux chameaux fourbus.
Il s’avéra finalement que l’esprit qui brassait les idées les plus fermes, c’était celui-là même qui le claironnait d’un A tatoué, bien en vitrine sur son crâne rasé. Le type accaparait systématiquement la parole histoire de nous emmerder avec ses tirades à la con sur « l’anarchie » et « les anar ». Dans cette gradation de diminutifs, il s’arrêtait un chouillas prématurément à mon goût. Un âne. J’essayais d’établir une liaison ventriloque avec l’infirmière, je voulais lui suggérer par des roulements d’yeux de le virer ou au moins, de grâce, qu’elle lui dise de la fermer. Elle fuyait mon regard, elle avait la trouille je crois. La politique et la psychiatrie, c’est un mélange atroce. Tel est le contexte atténuant dans lequel j’entrepris la rédaction de mes célèbres poèmes blanc bleu. Initialement il n’était pas question de les publier sur le web. Comment soupçonner à l’époque que ces modestes vers prendraient une telle ampleur, au point d’être visités par 81-456-432-100 et 45-312-67-89 ? Ca me bottait bien la méthode Rimbaud, avec les couleurs, mon intention était de le pasticher, humblement, en me situant du génie des Ardennes belges. Leur finalité première était d’amputer le temps de parole de l’anarchiste, dont le surnom était "chlorpromazine", du nom du célèbre médoc sensé lui aplanir la personnalité. Il en était extrêmement fier parce que cela lui conférait une ressemblance flagrante avec les révolutionnaires russes de la fin du XIXe. Il en était tellement fier que le jour où son médecin décida de modifier son traitement il nous a chié tout un scandale. Mes poèmes blanc bleu eurent le mérite de refléter avec une certaine justesse toute l’atmosphère bavarde de l’atelier. Ils reçurent d’ailleurs -là aussi- un assez bon accueil de la part de l’infirmière ; quant aux autres, pour les plus favorables, disons qu’ils s’en foutèrent. Allez, je vous en donne déjà un, et si certains en redemandent ils pourront toujours m’envoyer un mail. Je leur enverrai la suite :
Index des géniteurs les plus réguliers
Séduisant de Fooz, bleu
Amer de Belle Eau…blanc bleu !
Despote de l'Eau D'Eppe...blanc
Ecrin de Saint Fontaine.blanc bleu
Brutal de Saint Fontaine, bleu
Raciste de Mehogne, bleu
Et Cajoleur d'Hontoir? Blanc bleu,
Opticien d'Embise, blanc bleu.
Bijoutier Van Terbeck. blanc
Esteban du Pont d’Herbais Pie-bleu!
Gaillard de Bras Pie-bleu!!!
Garou de la Venne Blanc,
Hardi d’Embise!! Blanc.
Hibiscus de Lalivarde, blanc
Cubitus du Pré Rosine, blanc bleu
Imprudent de Somme, blanc
Radar Van Terbeck, blanc bleu
Notez le et du Pont De Messe, blanc
Biscuit d'Embise? blanc?
Brutal de Saint Fontaine? Blanc Bleu?
Tonique du Vivier
Pan dans le bec ! (parfois, en effet)
Le temps reste, et moi je passe.
Noël arriva. Ils se mirent à délocaliser les patients dans leurs familles pour quelques jours. L’idée me parut bonne, cela me donnait envie de sortir moi aussi, pour le réveillon. Je me disais que ça me ferait le plus grand bien d’aller de par les rues, en cette période de guirlandes. C’est beau de vadrouiller sur les quais au milieu du réveillon, je connaissais des coins.
Je suis allé voir au bureau au sujet de cette perm’. Mon infirmière préférée était justement de garde : « Oh vous, non… On préfère pas que vous sortiez » m’a-t-elle dit, un peu gênée. « On préfère que vous restiez auprès de nous. » C’était mon infirmière préférée et j’étais plutôt content qu’elle veuille que je reste auprès de nous à Noël, ça valait les tous meilleurs coins. J’imaginais déjà les discussions que nous aurions, comme cela nous arrivait parfois. Le soir du réveillon je l’ai cherchée partout comme convenu, mais on m’apprit qu’elle n’était pas « de contrainte ». Elle avait préféré rester auprès des siens, les siens à elle, dont elle prenait soin bénévolement autour de la cheminée, des bouteilles et de la dinde.
Du coup j’avais renoncé à mes coins pour rien. De dépit, j’en ai visité d’autres dans le couloir, ceux que je connaissais le moins. Il n’en restait déjà plus beaucoup des exotiques, hormis celui où l’on avait installé le petit sapin, un des sites les plus dynamiques de l’hôpital, toujours des choses à voir par là bas, garanti. Ce sapin, je ne sais pas où il avait débuté son existence mais toujours est-il (tronçonneuse) qu’il la terminait à mes cotés en HP, dans un pot, accablé de guirlandes. Un drôle de destin, je connaissais ça. On l’avait chargé c’est dingue, à croire que ça coûte rien les guirlandes dans la fonction publique. A croire que c’est au nombre de guirlandes qu’on guérirait tous les timbrés du couloir. Il suffoquait là le sapin, aux côtés de la télé si bien qu’on hésitait tout du long sur lequel concentrer son attention, entre le suspens des guirlandes et celui de Michel Drucker. Le Drucker reste et moi je passe. Dans ces cas là il faudrait pouvoir disposer d’un magnétoscope pour profiter pleinement des deux. « Mais vous en avez un déjà de magnétoscope ! » s’exclama l’autre, très contrainte d’être là le soir du réveillon on sentait. A choisir entre moi et la dinde aux marrons, j'avais l'impression qu'elle dégustait autant la dinde. Et elle avait raison c’est vrai, il y avait bien un magnéto ; ne me restait qu’à espérer que le père Noël apporterait une cassette VHS ou deux.
L’installation de notre conifère avait suscité une petite polémique au sein de l’équipe thérapeutique ; une infirmière débutante avait pris l’initiative de l’orner avec de longues lianes chatoyantes ; de vives discussions s’étaient ensuivies pour savoir si l’un de nous ne risquait de gâcher la fête pour cause de pendaison. Il lui faut deux gros souliers au père Noël au moins, pour faire tenir un cadeau de ce volume dedans, un cadavre au plafond. On fit venir la psychiatre de garde qui en vérifia la solidité, discrètement. Ca tenait, discrètement, et on l’enleva. Au moins le sapin put respirer un peu plus à son aise, il vivrait quelques heures de plus. Nous fûmes condamnés à la même peine.
Avec les autres je dois dire, nous étions verts, tous. Que nous ayons spontanément songé à discerner un nœud coulant dans cette cravate à conifère, c’est bien naturel ; on n’avait pas réellement de mérite, nous avions chaussé les lunettes de souffrance pour. J’imaginais difficilement en revanche qu’un individu sain puisse pousser le sens de la métaphore à cet extrême, dans cette profusion de guirlandes. Ca m’avait bluffé. C’est une vieille qui avait eu le réflexe. Chapeau la vieille…Hein ? Pas vous ? Moi je dis chapeau la vieille…Elle était loin d’être pourrie encore, hein ? Comme quoi c’est formateur de nous côtoyer quotidiennement quelques décennies, ça l’avait rendue bricoleuse comme tout, une vraie Mac Gyver capable de stopper un cœur avec deux bouts de ficelle. Et moi qui pensais vivre dans un paradigme inaccessible au commun des mortels, qui regrettent leur condition de mortel eux sensément…
Noël…C’était une ambiance bizarre. Il restait très peu de patients, quelques-uns qu’on avait préféré garder auprès de nous, eux aussi, et d’autres que leurs familles préféraient abandonner là pareillement plutôt que d’appesantir le dîner.
C’était le cas de cette bonne femme un peu épaisse -j’ai jamais su son nom ni même son poids. Tout le monde était d’accord pour qu’elle sorte mais son mari ne l’était pas trop pour qu’elle rentre, ce qui fait qu’elle restait coincée dans un entre-deux de clochard.
En conséquence elle avait choisi de rester à l’hôpital pour les fêtes. Elle positivait, c’était un choix. C’est toujours un plaisir de passer Noël « en compagnie d’un charmant jeune homme » avait-elle glissé, toute finaude.
J’ai vérifié partout autour et le type le plus jeune de ceux qui restaient à l’hôpital pour le réveillon devait avoir cinquante balais, du coup je prenais la menace bien au sérieux et je conserve le souvenir d’un réveillon particulièrement guet.
A Sainte Anne je me suis retrouvé dans un groupe plus en rapport avec mon niveau de connaissance du plaisir. Nous prenions tous des pilules avec simplement des différences de couleur. C’était les cours du crépuscule, pour différer la nuit. On faisait des expériences de chimie, tous, avec application, pour apprendre que la vie est belle. Les infirmières adoptaient un ton didactique de maternelle, elles se mettaient au niveau du plus modeste et me parlaient comme à un demeuré pour s’épargner la peine d’avoir à changer de registre constamment. Dans certaines matières je peux affirmer sans me vanter que j’étais dans les meilleurs, en énurésie par exemple. A tel point que j’étais dispensé de couche-culotte contrairement à Marcel ; le moelleux des chaises ne semblait pas le perturber, Marcel. Je l’entendais de temps à autre faire ses exercices de sphincter aux chiottes, dans la case d’à côté d’où je faisais les miens en écarquillant les tympans. Je l’écoutais en retenant mon souffle, j’avais du temps de toute manière. Bref, c’est évident, je ne faisais pas le malin. Je ne faisais pas le malin du tout.
L’autre détail qui attira mon attention je me souviens, dans ce nouveau décor de ma vie, c'est un sillon poilu et ténébreux. Ca vous marque une raie du cul l’air de rien quand ça vous arrive, je n'ai aucun mérite. Le gars était obèse, mais pas encore assez pour empêcher son pantalon de glisser dangereusement sur la pente. Le suspend était intolérable, on le suivait tous du regard, on le suivait même avec nos jambes pour savoir où tout ça se terminerait. Il ne restait plus que ça dans la vie, c'était le dernier truc qui m'intéressait, la dernière chose à savoir avant la mort, je voulais voir son cul et puis crever. La pointe du gras de Mr Daniel nous obsédait.
Ca reste un grand souvenir aussi, mais ça énervait les infirmières qui ont déjà des conditions de travail assez éprouvantes comme ça. L’une d’elles (celle qui est conne, la rousse) : « Mr Daniel, vous pourriez vous habiller décemment et nous épargner ce spectacle ! » On aurait dit qu'elles n’aimaient pas les raies globalement les infirmières, on ne partageait pas du tout les mêmes goûts sur la raie de Mr Daniel. Cette même infirmière me confia qu'il était de Namur, mais je trouvais que ça n'expliquait pas tout. Pénétrez dans l'univers du strip-tease belge... Elles ne se rendaient pas compte à vouloir le censurer, elles voulaient vraiment ma peau par assèchement d'intérêt !? Merci Mr Daniel, merci ! Je n'oublierai jamais votre cul, jamais non, j'en chiale même quand j'y repense d'avoir survécu grâce à ça, putain !
Il ne restait quasiment plus que des vieux. Lorsque je marchais dans le couloir -étant donné que je ne voyais pas mon visage- j’avais tout ce qu’il fallait pour me croire à l’hospice : les émotions ternes et, désormais, un bain de rides alentour. Je regardais ma poitrine et j’en concluais que j’étais un vieux svelte. Un vieux svelte, au relief maîtrisé du côté du nombril.
Je jouissais de ce fait d’un avantage certain pour mettre la main sur la télécommande. Noël est une fête cathodique, je voulais ce poste. J’arrive à faire des trucs peu communs quand on me donne une télécommande avec des téléspectateurs, j’arrive à les zapper en mode humeur de chien. Faut juste connaître les codes.
Marcel était un de ces vieux, et pas le moindre. Marcel, un repère dans une vie pavillonnaire. Je savais en le croisant que je touchais enfin au but, que dans cinq mètres tout au plus j’allais pouvoir obliquer sur la droite et m’engouffrer dans les chiottes, une autre planète déjà. Il arborait un air fier le Marcel ; il donnait l’impression de penser que ce morceau de carrelage qu’il affectionnait tant était la meilleure place du couloir. On aurait dit qu’il se foutait de nous, parce qu’il avait chopé la place du chef. Mais j’étais pas jaloux ; je nous trouvais -globalement- tous au fond de la piscine, à deux carrelages près. Du sien il surveillait le tunnel, un tunnel long de 50 mètres. Notre cadre de vie ; mon horizon de vie. Un futur de 50 mètres. Planté sur ses jambes -deux ciseaux émoussés, rouillés au niveau des hanches- Marcel ne parvenait plus à découper l’espace. Il avait renoncé à décrire ces trajectoires et ces figures absurdes qui caractérisent pourtant l’activité animale à la surface de la terre. Plus le moindre motif. Il avait cessé de vaquer à ses directions. Je suppose que c’est les infirmières qui le déposaient sur son morceau de carrelage tous les matins avant que je ne me lève ; puis elles repassaient le chercher le soir en rentrant du boulot puisque c’était sur leur chemin pour sortir du couloir ; sympas les infirmières dis donc, parce que sinon il aurait dormi sur place. Elles connaissaient ses préférences, le gâtaient sur le bon carrelage.
Marcel, on le repérait tout de suite. Toutes les personnes qui me rendaient visite me demandaient : « C’est qui ce truc ?» Il n’y avait pas de réponse toute faite. Il pouvait stationner des heures, immobile à l’exception de ses yeux qui faisaient le trajet pour suivre les corps d’un bout à l’autre du couloir, comme Loup Garou, mais en plus pacifique et sénile.
Tant qu’il y a de la station, il y a de l’espoir. On sentait que ça lui plaisait plus que tout, ce déplacement des vessies, des chambres aux chiottes et retour. Marcel restera dans mon souvenir comme un insatiable observateur des vessies en déplacement, un « loospotter » ; il était curieux comme un badaud confronté au manège de pompiers en intervention. Je me suis demandé si c’était de l’envie. Ses couches lui faisaient un gros cul dans son pyjama. Or j’ai lu que les fesses féminines - grâce à un judicieux remplissage par du tissu graisseux (phénomène dit de « globulisation des fesses »)- ont gagné en volume et en harmonieux arrondissement au cours de l’hominisation (Gérard Zwang, sexologue fameux). J’ajouterai que les couches Pampers confèrent artificiellement au porteur une silhouette « stéatopyge » semblable à celle qu’arborent certaines statuettes préhistoriques, les fameuses Venus. Il n’est sans doute pas inutile de rappeler -enfin- que les Hottentots valorisent culturellement l’outrance de l’indice fessier. Dès lors, «le cul malingre de Lucy n’avait rien « d’accrocheur » » (Gérard Zwang, toujours aussi fameux). CQFD.
De temps en temps Marcel tombait, ses jambes farceuses le lâchaient, sans crier gare. Les infirmières se contentaient d’un commentaire pragmatique sur l’utilité des couches, ces casques à coccyx.
J’ai toujours eu du mal à regarder les gens dans les yeux, mais avec Marcel j’arrivais bien. Je remontais le couloir et d’aussi loin que je pouvais je plongeais mon regard dans le blanc de ses yeux. J’y allais sauvagement comme avec mon bol de lait, je lui rentrais dans le lait des yeux. Un jour, j’ai failli l’exterminer, à l’improviste. Je ne pense pas qu’on m’aurait fait le moindre reproche de toute manière ; tout le monde attendait qu’il s’éradique selon son propre mouvement naturel de moribond. C’est juste que parfois la nature se montre inférieure à la civilisation, surtout dans l’accélération des décès, les réallocations des ressources pour parler écolo. Je traversais alors une période étrange : je voulais exterminer tout le monde comme ça, à tout propos, au seul motif que j’allais moi, surtout, bientôt crever le premier, et que la vie d’autrui dans ces conditions me tenait déjà moins aux couilles. Je devenais égoïste sachant que j’allais disparaître et plus pouvoir profiter utilement de l’altruisme de tout un chacun à mon égard. Au fur et à mesure que je survis, j’ai tendance à réviser mon jugement. Je redécouvre la noblesse de l’altruisme des autres ; je m’adapte à mes perspectives.
Mon existence seule justifie la vôtre, Que mon cerveau pète les plombs et c’est tout l’univers qui taille en vrilles. Une simple balle dans son crâne, et ce sont les espèces toutes entières et la terre qui s’évaporent, et le soleil aussi et peut être bien même la Maison Blanche comme dans Independance Day. L’univers a son talon d’Achille planqué dans ma petite boîte crânienne. Je pourrais si je le voulais vous ôter à tous la petite existence merdique que vous êtes parvenus à vous tailler dans mes neurones.
Ce jour là je marchais dans le couloir, et au moment de doubler ce légume de Marcel, je fus saisi d’une sorte de myoclonie barbare. Mon bras s’est tendu, ma main s’est ouverte, comme des serres, à quelques centimètres du visage du vieux. Il a regardé droit dedans dans les lignes de ma paume, un résidu de philosophie pour s’enquérir si j’avais bien envie de pisser ainsi qu’il paraissait. Mes doigts vibraient d’intensité, tellement j’avais mis de haine, d’éradication là dedans. Je voulais butter tout le monde sincèrement, à commencer par cet enfoiré de Marcel ! Qui avait eu l’honneur de vivre toute sa vie ! Pour venir mourir de son beau gâtisme, ici ! Sur un bout de carrelage devant moi ! Et aussi, je crois, j’étais pas mal ému par ma propre charité. Je me demandais si j’aurais moi-même la chance de dénicher une personne empathique, qui voudrait bien me casser la tête pour m’épargner ces semaines de délibération suicidaire. J’arrivais pas à décider moi-même parce que, semblait-il, la mort est tout à fait irrévocable, ce qui me rendait indécis. J’avais tendance à croire que ma générosité à l’égard de Marcel était un acte exceptionnel, imputable à ma propre situation, ce cauchemar stagnant qui me rendait empathique. J’avais le sentiment que ces connards de cathos, en érigeant la bipédie au rang de l’absolue dignité, avaient sapé pour longtemps toute possibilité de réflexion morale profonde sur ce qui fait le sens d’une existence à deux jambes : le cerveau. La frontière entre l’homme et le chou-fleur me paraissait ténue, indistincte. C’était -grosso modo- la même choucroute à trop y penser.
Je me méprenais. On en trouve beaucoup en fait, des gens charitables et exterminateurs, mais en général ils traînent pas trop dans les hôpitaux. C’est en sortant que j’ai fait la connaissance de Trauma. Il m’attendait, charitable, pour me sauver mes vies.
Et puis je l’ai épargné Marcel, et aujourd’hui je m’en veux d’avoir été magnanime… Je m’en veux terriblement. J’ai parfois ce soupçon : « Et si je m’étais comporté comme Trauma ?" Et si moi aussi j’avais été magnanime ? Au nom de quoi me serais-je permis ce genre de sentiment ? Qui étais-je, moi le merdeux paroxystique, pour épargner les êtres que j’aurais légitimement pu déblayer vu ce qui leur est arrivé ? Qui j’étais moi pour faire le magnanime sur le dos de Marcel au lieu de l’achever comme on doit avec les klebs à deux pattes ? J’en ai bouffé suffisamment de la pitié et du magnanime pour plus vouloir l’infliger à quiconque, et si Marcel je l’ai laissé pourrir à son rythme poussif, j’espère seulement que c’est pas un abus de magnanime…J’espère seulement que je ne l’ai pas épargné, mais que c’est tout connement que je ne pouvais pas, que j’avais pas cette force, ce pouvoir… Aussi je jure solennellement, moi, Riwoal, de ne plus jamais me montrer magnanime moi, et toutes les fois que j’estimerai être en mesure d’exterminer, je le ferai. Et pas une personne au monde pourra venir se plaindre que prétendument je lui aurais accordé la vie ! Pas une ! J’ai vu ce qui se cachait derrière la pitié. Ca m’a converti pour de bon, et rendu impitoyable. Je suis un homme. Je suis un homme. Je suis un klebs à deux pattes avec un cerveau tout à fait comme les autres. Je suis un homme à genoux...
Nous n’étions généralement pas seuls dans le couloir. Il faut regarder plus bas, allongée par terre. Cette bonne femme passait ses journées à répandre ses membres sur le sol. Elle aimait bien faire chier le personnel. Elle prenait bien soin à chaque fois d’exhiber sa vulve septuagénaire. De temps en temps, une infirmière venait la gronder pour la forme. La vieille continuait de faire la morte, elle poussait même parfois un petit râle réaliste pour suggérer la souffrance, avec délicatesse, du bout des bronchioles, moi j’appréciais carrément. L’infirmière allait alors prendre un drap et, munie de ce linceul, elle la couvrait gracieusement, dans tous les sens du bénévolat. Mais l’autre retirait le drap systématiquement, vite à poil derechef. Il aurait fallu l’attacher, lui mettre des Pampers de chasteté, la fouetter, l’hystérectomier, je sais pas moi, tenter des thérapies invasives. C’est le job des psychiatres ça. Le destin des vulves est de vivre dans la pénombre, et la sienne, après toute ces années, criait à l’halogène.
De temps en temps elle se levait sans qu’on s’en aperçoive. C’était le quinquagénaire qui partageait ma chambre qui s’en apercevait le premier. Il s’en apercevait du chausson, et nous en tenait informé par l’émission d’un petit « putain… » las et guttural qui m’atteignait en plein comique. Elle aimait notre porte comme ses propres chiottes la vieille. On ne lui avait rien fait à ma connaissance, mais elle prenait tout de même la peine de se lever et de parcourir quelques mètres pour honorer le seuil de notre chambre et aucune autre, comme son lampadaire attitré.
Pour gagner l’autre bout du couloir (la télé, les toilettes) on était obligé de l’enjamber. Ca me donnait des frissons de sauter par dessus son ravin broussailleux. Ca donnait un côté insolite à un déplacement éminemment banal : aller aux chiottes.
Un jour Marcel posa un regard sur sa vulve. C’était justement un moment où je m’entraînais à défier son blanc des yeux. Je comptais mettre à profit tout cet entraînement des yeux plus tard avec les filles, en cas de survie. A Marcel il lui restait plus grand-chose non, mais il savait encore repérer les points cardinaux du réel, les yeux et les vulves, le minimum bestial d’un animal digne de ses pattes. Il s’approcha donc à petits pas d’antique, -je l’observais, c’était un évènement cette trajectoire-, il s’approchait en bougeant pour de vrai sur ses pieds, tout seul, et parvenu au niveau de la bonne femme, il s’immobilisa pour contempler. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il était intrigué,-moi je l’étais un peu- mais quelque chose se passait, incontestablement. La vieille imitait la flaque, joliment, imperturbable, peut être même qu’elle éprouvait de la fierté d’avoir ainsi pu capter l’attention de quelqu’un avec une chatte de son âge. C’est appréciable déjà de conserver du sex-appeal malgré la décrépitude. Marc
LA ZONE -
En ce temps là je lisais Harry Potter mais j'avais des pensées d'adulte. On m'avait mis un pyjama bleu pour m'en dissuader et j'admets volontiers que j'avais l'air d'un con ; on y réfléchissait à deux fois avant d'attirer l'attention sur son cadavre.
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Magnifique, encore !
J'en suis qu'à la moitié, je finirai demain parce que là j'ai pas le temps (un peu long quand même) ; mais pour l'instant c'est excellent.
Belle nouvelle qui décrit beaucoup.
Le passage avec le yeux de loup-garou est hilarant...
Tout ça sent lé vécu (???) mais c'est décrit avec beaucoup de détachement du coup c'est drôle et non pesant.
Le narrateur se complaît dans sa situation de victime mais ne se plaint pas plus qu'il n'a envie de guérir.
En gros il est vraiment profondément malade, c'est quelque chose de bien plausible comme histoire..bien!
Pas envie de critiquer.
C'est à mon sens un des meilleurs textes que j'ai lu sur la Zone depuis un bail.
Putain j'ai trippé jusqu'au bout.
Je vais me l'imprimer tiens.
Ca mérite d'être dans le best of, j'insiste !
Oui ça y sera sans conteste, dès que je mettrai ledit best-of à jour.
Je comprends pas bien le titre par contre, quelqu'un a une idée ?
Ca me semble à peu de chose près: "de la déchénace et du chemin qui y mène".
Sinon ne te suicides pas avec une 22 malheureux ! Tu aurais vite fait de te retrouver avec des favoris.
commentaire édité par Ventoline le 2006-5-17 16:53:48
C'est long, c'est lent, c'est monotone, ça n'avance pas, ça tourne en rond autour du nombril, ça se polarise sur des obsessions ridicules , c'est tuant.
Sûrement parce que ça reflète bien la quatrième dimension des mouroirs et des HP.
Aucune crédibilité, ange.
et si je parle de toi, je deviens crédible?
Et flatteur.
C'est vraiment très bien.
L'épisode de la vieille m'a bien plu, un très bon passage érotique... Bravo !
Je peux pas dire pour les hôpitaux psychiatriques, j'y ai jamais foutu les pieds (par contre j'ai habité quelques mois à l'intérieur même d'un pensionnat de débiles, d'autistes et de mongoliens, vous posez plus de questions). Mais je connais pas mal les hospices, puisque j'y vais régulièrement torturer des vieux. Et là je peux dire que l'ambiance ressemble pas mal à ce qu'on lit ici.
Morceaux choisis :
"Est-ce que c'est l'Etat qui vous envoie ?"
"Sortez de chez moi, cet appartement m'appartient."
"Saloooope dégage de là, t'as piqué mes draps, si mon mari était là il te péterait la gueule"
"c'est qui le médecin qui m'a prescrit ça, que je lui foute mon poing dans le cul ?"
"Wouuarraaargh arrghh OUArrhh ! GNIIarr !"
"vous savez, j'adore les hommes grands. Ca vous dirait de repasser me voir de temps en temps ?"
Oui l'un dans l'autre c'est réaliste. Les infirmières aussi ressemblent bien à ce qui est lu ici.
Le ton est excellent, il se passe rien de chez que dalle pourtant chaque phrase est suffisamment bien écrite pour qu'on se fasse pas chier, chaque réflexion est suffiemment intéressante pour qu'on ait envie de lire la suivante.
On s'est trouvés avec Aka en train de réflechir sur certains passages admirablement confus, à se poser des questions sur ce qu'il se passait réellement dans ce bordel. Pour un texte de je ne sais combien de dizaines de pages, c'est une perf. Comme quoi, pas besoin qu'un texte soit rempli d'action et de tumulte pour être valable, suffit qu'il soit bien écrit et intelligent. Si on se fait chier en lisant un texte, c'est peut-être pas uniquement parce qu'on est des putains de zappeurs internautes qui aimont les formats publicitaires qui permettent de pas décrocher avant la fin.
Moi je ne dis pas que le ton est "excellent", il est réaliste. C'est trop bien rendu pour ne pas être vécu. Après ça, on a presque envie d'aller y faire un séjour .
D'ailleurs il y a un HP à Morlaix. Apparemment ils sont connectés.
Quand Obn sera sorti de là, il pourra aussi écrire pour le "petit pas futé" ou bien le "guide du routard déjanté".
"Je pressentais que c’était un costard pour la vie alors quitte à l'assumer tout à fait je l'ai planqué au fond de mon sac le jour de la sortie. En temps normal je n'aurais pas eu le droit, mais cela faisait longtemps que j’avais été éjecté du temps normal. D’ailleurs c’était mon grand regret dans la vie."
Quand ça commence avec des phrases d'une telle élégance, je lis jusqu'au bout, ne serait-ce que par respect.
Bêtement, c'est beau. Ca paraît écrit au fil de la plume, sans effort, ça se lit de même, naturellement ; il y a des jeux sur les mots, sur les concepts, un certain détachement de tout, des choses et des mots pour les dire. J'aime beaucoup. De l'élégance au sens latin.
Autant chez le personnage que dans les mots.
Et je veux la suite.
C'est excellent, ça se lit tout seul ; il ne se passe pas rien, il se passe une multitude de petites scènes hautes en couleurs.
Ensuite, pour ma part, ce fut aussi très dérangeant. Quelque part, ça doit expliquer ma réticence instinctive à lire ce texte. C'est réaliste, et même trop pour moi.
C'est un texte brillant, mais putain, j'avais pas envie de repenser à tout ça.
J'aurais pas été jusqu'à dire que c'est génial, mais au moins c'est différent de ce qu'on lis d'habitude ici. J'aime beaucoup le style. Le texte, je l'ai ressenti "par vague", le début sympa mais sans plus, mais ensuite ça devient vraiment bon
" Comment peut-on tenter dix sept fois de se suicider ? Est-ce qu'elle comptait toutes les fois où elle traversait hors des clous ? Comment peut-on se planter autant et éprouver le besoin de s'en vanter ?"
Génial ce passage d'après moi, et tout le paragraphe l'est aussi d'ailleurs.
Et puis ça fini par retomber un peu (Certains ou l'ennui est tellement bien décrit que le texte devient...pas chiant mais presque, c'est ça le danger. Ensuite ça remonte de nouveau. Un vrai grand-huit, le vomi en moins.
Comme le disait Glou plus haut, les jeux sur les mots et les concepts sont super bien foutus, personnellement c'est ce que j'ai préféré.
Au final je confirme que c'est vraiment un truc agréable à lire et un bon texte.
Chiotte, c'est bluffant.
Ecrire "bluffant" comme ça c'est révéler aux yeux du monde que tu es en fait Christophe Dechavanne, j'espère que tu t'en es rendu compte.
Négatif.
Ben quoi, t'était très sex dans Ciel Mon Mardi.
J'ai travaillé sur la version longue ce week end. Elle est en ligne à cette adresse:
http://ervlc.blogspot.com
Ah bon parce que ça c'était pas une version longue ?
Ya moyen de taxer la suite pour en faire un second texte pour nous autres Obn ?
Commentaire édité par nihil.
Oui, bien sûr. Mais tu verras que j'ai fait des insertions, dont une très longue qui arrive assez rapidement. Je ne sais pas si on peut l'insérer ici?
Oui on peut, d'ailleurs ça obligera ces blaireaux de lecteurs à tout se retaper, ce qui est pas du luxe.
Envoie moi la nouvelle version comme un texte classique, je fais le remplacement dès que possible. Et la suite peut faire un second texte.
c'est pas le moment de faire des boutures... çà bourgeonne en ce moment
"Ben quoi, t'était très sex dans Ciel Mon Mardi."
Gloups a écrit ça.
Il a donc fait une faute d'orthographe.
A mort.
Je dis que Gloups est en réalité Fabien Barthez.
enculé
tu m'as latté
connard
J'ai tout lu, excellent.
Je viens de poster la version modifiée et rallongée de ce superbe texte, avec pas mal de paragraphes ajoutés...
Citation aléatoire :
"Nietzsche disait que tout ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort ; je ne partage pas sa passion du lyrisme et moi ce qui ne me tue pas me laisse en vie."
Je sais pas si ça vaut le coup de relire, mais pour les fans en tous cas, y a du neuf à se mettre sous la dent.
Et prochainement sur la Zone, la suite...
La fin chie...
Salut la zone...
Je publie un petit roman intitulé En route vers le clochard. La couverture est bleue, avec un soupçon de rose(en haut à droite). C'est chez un nouvel éditeur, L'Altiplano.
http://laltiplano.com/
Salut Obn...
Et un petit soupçon de vert.
Super, bravo, clap clap
http://www.laltiplano.com/enrouteversleclochard-p-35.html
Ils ont édité un texte avec utitre aussi naze ?
*Rongement d'ongle*
*Regard haineux et jaloux vers l'écran*
c'est excellent. plein de trouvailles de style, tellement qu'on dirait du Ajar par endroits.
evidemment j'ai pas tout lu, parce que là, à cette longeur, faut imprimer sinon c'est pas posssible.
mais chapeau en tout cas
Imprime et je te chope par les couilles pour te racler contre un mur de pierres sèches recouvert de lichen jusqu'à ce que tu ressembles à un cul de fonctionnaire de justice, putain de feignasse de mon cul.
bon je le recopierai à la main sur du papier recyclé, voilà !
mieux
avec une main recyclée s'il te plaît
Trop long. J'imprime, je lis et j'reviens. Heu, Glaux, avant de me rpovoquer en duel pour cause d'impression anti-écolo, dis-toi que je suis pauvre et que j'ai pas les couilles de braquer Dell pour négocier un ordi...
Un individu qui s'appelle Usine ne peut pas être pauvre. Capitaliste de merde.
Songe que de là-haut, Nicolas Hulot te regarde et secoue la tête d'un air triste.
Au fait, et ça n'a pas grand chose à voir, mais savais-tu que le papa de Nicolas Hulot était un vieil ami de Jacques Tati? Je déconne pas. C'est lui qui a inspiré le personnage de M. Hulot.
Mill, c'est Pierre Tchernia.
TcherniaMill.
Haha.
Atomic Pierre.
Ca me plait. Je garde au cas où j'ai besoin un jour d'une fausse identité. Bye.
Je viens de m'acheter le bouquin. On va voir si ce pédé de Obn s'est trahi pour mieux se vendre.
Ca valait le coup de se latter les yeux .
Bien ce texte. J'ai même le livre qui étouffe dans ma bibliothèque. Du coup, c'est un peu comme revenir sur le lieu du crime. Il y a du Ajar là dedans, comme dirait Kwizera.
Vraiment très bon, rare que je décroche pas à un moment ou à un autre sur une telle longueur et sur du format numérique. Un sens de l'humour pareil sur ce sujet, c'est fort. Je me prends le bouquin.
Je vais même faire un don à cet hosto de Dijon.
Soutenons les HP qui produisent des auteurs talentueux.
j'ai l'impression que ce sont plutôt les auteurs qui produisent des HP
Bonjour !
C’est un sujet vraiment passionnant qui réveil toute ma curiosité et je ne m’en lasse pas même après l’avoir lu et relus.
SebastienVignaux2019@gmail.com
Votre article est superbe, très bien détaillé. Cela aide beaucoup.
https://www.credimed.com/
S'ils se mettent au javascript, ça va mettre des développeurs au chômage. Changeur d'huile de bot, ça c'est un métier d'avenir, avec toutes les synergies possibles avec l'industrie du sexe.
bientôt ils écriront et publieront les textes