Je ne me suis pas carbonisé la gueule en dépit du fait avéré que, comme un con, je l'eu aimanté sur ce reservoir de tondeuse à gazon et que, ce faisant, j'eu lâché ma cigarette incandescente à l'interieur. Le reservoir n'a pas explosé, il n'a même pas pris feu. La connerie a refusé de me condamner. La connerie n'a pas voulu de moi. Tu peux me qualifier de miraculé si tu veux mais, en réalité, j'incarne bien plus que ça. Immunisé contre ma connerie propre je suis un Dieu vivant devant tout les cons rassemblés. Tout à fait. Et je m'en félicite. Et je m'en délecte. L'affaire ne te paraît-elle point évidente ? La connerie ne m'atteint pas, je la domine, je la contrôle, elle glisse sur moi comme un comique de cirque s'étale par terre en marchant sur une peau de banane. A toi le simple d'esprit je peux te l'assurer, par mon essence même je possède le droit de vie et de mort sur chaque connard de cette putain de planête. Oui, j'en suis convaincu. Et pour te le prouver, d'ailleurs, je vais en brûler un, de con. Je sens déjà la haine divine monter en moi, cette énergie indispensable pour la crémation. Le problème est de fixer la haine, il faut la rassembler, en récupérer les petits morceaux qui trainent partout, des bouts de haine émiettée sur tout un tas de connards, des parcelles oubliées dans le passé et que le temps parvient à étouffer. Et puis, ensuite, lorsque la haine est là et te dispose à l'action, ensuite il faut te concentrer.
Brûler un con et n'en bruler qu'un seul voilà toute la difficulté. Car la connerie est solidaire, elle se multiplie, elle t'embrouille, elle te disperse, elle te fait tourner la tête à gauche, à droite, elle te la fait lever en haut, pencher en bas, elle te pousse sans arrêt à changer d'objectif. Tu trouves un con, le con, celui que tu te décides à réduire en cendres, tu vérifies ton équipement et, immanquablement, alors que tout est prêt et qu'il ne te reste plus qu'à concrêtiser, à ce moment là, à cet instant précis, il te vient en tête un autre con. Un con encore plus con. La connerie produit tellement de nouveau talents qu'elle arrive constamment à se surpasser. Je suis, moi, le brûleur de cons, toujours pris de vitesse. Il faut choisir son con et s'y tenir. Il faut choisir un con et ne plus y penser.
J'ai sélectionné une tondeuse thermique tractée : la MC Allister MAC 7th pour être précis. Du solide, avec une coque en acier peinte en rouge et jaune, un moteur Briggs et Stratton type INTEK 7 doté d'une puissance de 6, 5 chevaux. En matière de tondeuse a gazon, Briggs et Stratton fabrique les meilleurs moteurs et, à ce titre, équipe la plupart des grandes marques. Le réservoir à essence de la MC Allister possède une capacité de 3, 5 litres, ce qui s'avère amplement suffisant pour brûler un con, et comporte une ouverture ronde, d'une dizaine de centimètres de diamètre, fermée par un bouchon à vis. On y plaquant correctement la tête du con à cuire, on peut tracer un cercle passant par la lèvre inférieure, les pomettes, la moitier des deux yeux dans le sens de la largeur et la naissance de l'arrête nasale située à la jointures des sourcils. Tandis que je me rend à l'hotel du Crillon, j'apprécie la souplesse et la maniabilité de l'engin. Je la pousse devant moi sur les trottoirs de Paris, ouvrant un corridor de lumière parmi la foule des passants anonymes.
Mon con prend un bain 6 étages au dessus alors que, me présentant à l'entrée du palace, j'empreinte la rampe d'accès prévue pour les fauteuils roulants. J'ai toujours nourrie une franche aversion pour le milieu du cinéma et plus spécialement pour les acteurs. Les actrices de cinéma sont des pétasses et les acteurs de cinéma sont des sales cons. A 100 %. Je ne prend aucun risque en ciblant de la sorte, à croire que je deviens frileux avec le temps. Je deviens vieux mais l'expérience parle pour moi, petit. Efficacité et sobriété sont les deux bosses chamelles du brûleur de con professionnel. Et j'apprécie le calme et la sérénité des plaines, les parfums subtils du bon vin, le jazz et les femmes raffinées. Quel besoin aurai-je de me donner en spectacle ou de taper dans l'artifice ? Faut-il absolument bruler un con original, un con inattendu ? Ce type de con se rend-il plus nuisible que le commun des cons ? Rien ne permet de penser en ce sens, et, pour ce qui me concerne, mon intuition penche vivement vers l'inverse. L'acteur de cinéma est adulé par la connerie de masse car il personnifie l'aspiration du con de tous les jours. Ne doit-on pas percevoir ici un genre de quintessence ? Une sorte de symbole ultime ? Le hall d'entrée de l'hôtel dégage une impression mélée de luxe et d'histoire fastueuse. L'employé de l'accueil, droit comme I derriere son comptoir, engoncé dans une veste noire à boutons d'or, est payé pour ne s'étonner de rien. Mr George Clooney a exigé, une tondeuse à gazon modèle Mac Allister Mac 7 th, mais oui Monsieur, parfait Monsieur, suite 12, 6ème étage, l'ascenseur est situé au fond du hall, sur votre droite, dans ce sens là, le voyez vous ?
Je le vois. Je l'empreinte. Cling ! Au 6ème étage un service de sécurité nord-américain condense la profondeur du corridor, dans la famille armoires à glace, deux types, costumes et cravates sombres, regards barrés par des lunettes de soleil malgré la lumière artificielle des lampes fixées aux murs, dont la coupe de cheveux ras rappelle celle des GIs embourbés dans le sable irakien. Ils vérifient mon identité et l'un d'eux transmet, par takie walkie, la raison de ma présence à un attaché de presse qui, à son tour, s'empresse de mettre George dans la confidence. Grâce à ma ruse et au prestige d'Edith Piaf, je savais que Georges Clooney, avec sa belle gueule universelle et malgré son air d'acteur américain moins con que la moyenne, ne me fermerai pas la porte au nez. Tu peux noter ce truc de vétéran petit : tout acteur de cinéma ou chanteur américain, fusse-t-il le moins con, accepte, avec fierté et bonheur, n'importe quoi venant d'une personnalité légendaire comme Edith Piaf. Ceci, sans se poser plus de question. Ainsi je pénétre dans la suite de Monsieur Clooney, irritant fantasme de copines que je peine à niquer, introduisant par devant moi le soi-disant présent de madame Piaf.
George trouve la Mac Allister absolument fantastique. Il reconnait dans cette tondeuse à gazon tout le talent et la puissance d'évocation d'Edith. Il fait le tour de la machine, pied nu, en resserant la cordon cotonneux de son épais peignoir en éponge blanche. Il se dirige vers le bar, ouvre la boîte à cigare, m'en offre un, que j'accepte, et allume le sien. Ce con de George Clooney est aussi beau en réalité qu'au cinéma, et il paraît au moins aussi interessant et aussi sûr de lui. J'en viens à me demander si je ne l'ai pas sous-estimé, finalement, avec mon histoire d'Edith Piaf. Je me demande si il ne me reçoit pas pour satisfaire sa propre curiosité ou simplement par distraction. Je viens, sans ambage, de lui remettre une tondeuse à gazon de la part d'Edith Piaf, morte et enterrée depuis plus de quarante ans. Ne m'érige-je point ainsi comme con valant détour ?
Mais non. George Clooney est un acteur de cinéma et, en terme de connerie, les acteurs de cinéma sont d'une valeur constante et sûre. George Clooney ne se doute de rien évidemment et George Clooney m'affirme maintenant qu'il aimerai tant rencontrer Edith Piaf à l'occasion de son séjour à Paris. Il est merveilleusement surpris et tellement honoré de recevoir cette tondeuse à gazon. Un sourire franc ne quitte plus son visage. Il n'hésite pas à se pencher quand, dévissant le bouchon du reservoir je lui annonce qu'Edith y a versé quelques gouttes de parfum à son intention. "Closer George, don't be shy, closer" et le voila à présent le nez collé dans le reservoir, son cigare échappant des lèvres, l'essence se transformant en brasier, mon pied sur la nuque lui maintenant la tête écrasée dans les flammes. Ses cris étouffés, ses cheveux embrasés.
Une minute passe. Puis deux. Je relâche l'étreinte.
Son corps éteint roule sur le coté. Le feu du reservoir lui a crâmé jusqu'au cerveau. Le visage est méconnaissable, gris, noir, les deux yeux fondus et il ne reste plus de peau. Une odeur suffocante de porc grillé a remplacé George Clooney. La Mac Allister n'a pas explosé, une bonne machine, un excellent outil de travail, fiable et costaud. Les héritiers du défunt ne s'en plaindront pas.
En général quand on échappe à une situation critique on apprécie pas mal de voir les autres s'y vautrer et ne pas en sortir indemne. Que tes semblables se noient dans le torrent dont tu as précédement franchi les flots tumultueux te rend plus fort et plus puissant. Dans cet ordre d'idée, les très cons, les incapables de quoi que se soit et les malchanceux chroniques potentialisent ton amour propre. Ils sont la condition sine qua non de ta réussite humaine et sociale. Tu sais, même si elle est bonne, il n'y a rien de valorisant à baiser une grosse salope que tout le monde à déjà baiser. Sauf si elle trimbale le virus du SIDA et que, parmi ceux l'ayant secoué sans capote, toi seul n'ais pas été contaminé. Alors, dans ce cas, profitant de la faveur des astres, tu regardes tout le monde crever, quel dommage, et tu te dis en ton fort intérieur que tu possèdes quelque chose de spécial, quelque chose de plus que les autres, et ça te fait plaisir de penser ça parce que des faits objectifs parlent pour toi et que, pour une fois, tu ne te racontes pas d'histoire.
Un jour j'ai manqué de me crâmer la gueule avec une tondeuse à gazon. Ce jour là j'étais saoul et j'étais con et je l'étais assurément plus que de coutume. La chose s'est passée chez un pote de lycée pendant qu'on séchait les cours. On a débarqué à quatre ou cinq.dans la villa cossue de ses parents qui, téléportés dans leur quotidien professionnel, ne se doutaient de rien. On a pillé le bar et ingéré de grands verres d'alcools forts. Je me rappelle de la bataille de pizza amorcée dans la cuisine et qui s'était conclue dans le salon, on s'envoyait des parts de 3 fromages et de Reine à travers la tronche, mais comme on voyait double on visait mal et la garniture dégoulinait sur les murs blancs de la maison. Le sol était bariolé d'arabesques gluants et de pâte à moitié ratatinée. A force d'échanger des tirs sans se toucher on a vite épuisé le stock de munitions. Alors on est descendu dans le garage. Comme ça, à l'instinct. Mon imbécile de pote Mickey a remarqué la tondeuse à gazon rangée dans un coin et moi j'ai proposé de s'en remettre un coup derrière la tête. On a donc appliqué nos organes respiroires, à tour de rôle, la bouche et les narines, sur l'embouchure du reservoir à essence de la tondeuse. On inhalait les vapeurs du gaz oil comme les petits colombiens de la télévision, ceux qui respirent dans les sachets de colle. Moi je l'ai fait avec une clope au bec, qui était allumée. Et tandis que j'aspirais un bon coup pour me défoncer, la cigarette est tombée dans l'essence.
Il ne s'est rien passé.
Il ne s'est rien passé.
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C'est marrant ça mais y'a des mecs (au hasard) comme Paul Newman (ouais jeune) Robert Redford, BRAD PITT et George Clooney on ne sait pas pourquoi mais tout les autres de mecs les trouvent cons et surtout ...pas beaux.
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Gloups bon d'accord.
Je reprends, le choix de l'arme, Edith Piaf, le texte m'a plu c'est original et marrant mais il ne m'a pas convaincue de la connerie de son con.
Sans les fautes omniprésentes ce serait plus agréable.C'est assez drôle mais un con célèbre et riche massacré dans son milieu sans trop de violence ça me laisse sur ma faim.
Bon texte, bien écrit, agréable à lire, nickel. Et même drôle grâce à Edith Piaf. Quant au choix du con, ça peut se discuter à l'infini. Pourquoi pas celui-là ? On a l'impression qu'il paie pour les autres, mais il en faut bien un, n'est-ce pas ?
Concurrent sérieux.
Moi j'aime bien.
Maintenant Georges peut jouer le capitaine du navire fantôme et faire se pâmer les mortes vivantes, Edith Piaf par exemple
Moi c'est la qualité d'écriture qui m'a le plus scotchée dans ce texte. Comme les autres, je trouve les raisons de choix du con assez discutables, mais franchement la narration et la manière de cramer : j'applaudis des deux mains très très fort.
Lemon A président ! Lemon A grand inquisiteur !
J'aime bien aussi.
Il y a de très belles descriptions servies par un style des plus fluides. Et puis, la petite morale à la fin, j'ai trouvé ça très con pour le côté branleur, donc très drôle. Par contre je trouve que le con de cette histoire meurt un peu vite, c'est dommage.
Mais bon dans l'ensemble c'est vraiment très très bon. Un potentiel de plus.
Eh bé. Une fois encore je suis d'un autre avis que tout le monde. Ca va finir par me faire croire que je suis quelqu'un d'exceptionnel. Ou un gros connard.
Qualité d'écriture, oui, y a pas à dire, mais à mon goût qualité lisse. C'est moi qui ai dû faire l'effort de continuer paragraphe après paragraphe, rien ne m'y a forcé, et dans un mois j'aurai oublié le texte. Ca n'est pas le cas de tous.
Bien écrit mais sans nécessité propre et sans vrai rythme. Et dans la masse de texte de la Saint Con, ça pardonne pas.
Y a de chouettes phrases.
La réponse se trouve donc dans le choix du premier paragraphe de Glaüx, à savoir :
Petit a) quelqu'un d'exceptionnel ?
Petit b) un gros connard ?
Faites vos jeux, moi je vote grand A et grand B qui veut dire "quelqu'un d'exceptionnel dans le genre connard"
Moi j'hésite entre les deux, mais ce qui est sur c'est que pour ne pas ricaner longuement et stupidement à l'idée d'un type en train de crâmer Georges Clooney avec une tondeuse à gazon, faut être un gros connard.
En effet, sauf que je ne nommais pas Lemon A, mais Glaüx.
J'ai grand plaisir à lire ainsi mon nom dit et répété (et bien orthographié, hosannah), et associé à des adjectifs comme "grand" et "gros", éventuellement répétés.
Après déconnexion de neurones aux endorphines à haute dose, j'aime beaucoup mieux ce texte. Je n'en concluerai évidemment pas que vous êtes des sous-synapsés. J'en concluerai seulement que finalement c'est pas mal. Les paragraphes sur la tondeuse surtout, et la phrase sur ses qualités admirables à la fin. Bien rigolé.
j'ai bien aimé.
à peu près pour les mêmes raisons qu'aka et shad.
mention particulière au cynisme du paragraphe de fin, très chouette =)
Pareil.