La morphine, bien trop dosée, faisait peu à peu effet.
Ma vision s’obscurcit, et j’entrai peu à peu dans le monde Où-Les-Choses-Sont-Ce-Qu’Elles-Paraissent-Etre. Aussitôt, le battement de mon cœur se fit plus vrombissant que le plus terrible des séismes et ma peau recouvrait chacune des choses que je voyais. De mes viscères étaient faites les cieux, et de mon sang, la mer.
Six hautes figures encapuchonnées de blanc s’avancèrent jusqu’à moi et l’on me montra leurs bras amaigris, aux veines reliées à des perfusions. J’eus l’impression de me trouver devant un tribunal statuant sur ma peine. La première d’entre elles, de ses ongles durs, arracha l’aiguille du pli de son coude et le sang coula en goutte-à-goutte de ses doigts jusqu’au sol. Je sentis d’un coup ma souffrance s’alléger, et une voix tonna dans le lointain : « Vois ! »
Et voici qu'apparut à mes yeux un cheval blanc. Celui qui le montait avait les yeux fous et sa bouche sans lèvres articulait péniblement quelque sentence inaudible. Un grand froid se fit en moi et tout autour de moi la végétation dépérissait et fanait sous l’effet d’un souffle glacial.
Lorsque le second juge arracha sa perfusion, j'entendis la voix tonner : " Vois !"
Alors surgit un autre cheval, rouge-feu ; celui qui le montait, on lui donna de bannir l’humeur hors du corps des hommes, et mon monde s’assécha brusquement, et tout eau en fut retirée. Mon sang se fit boue et mes organes devinrent comme des formes d’argile, et s’affaissèrent au creux des cartilages étroits.
Lorsque le troisième juge arracha sa perfusion, j'entendis la voix tonner : " Vois !"
Et voici qu'apparut à mes yeux un cheval noir ; celui qui le montait tenait à la main une balance, et en comptait petitement le blé. Alors mon ventre se creusa et une impérieuse faiblesse m‘envahit tout entier, tandis que les hommes de la terre pliaient les uns après les autres sous le poids de la Famine.
Lorsque le quatrième juge arracha sa perfusion, j'entendis la voix tonner : " Vois !"
Et voici qu'apparut à mes yeux un cheval écorché, et ses muscles roulant autour des articulations ; celui qui le montait, on le nomme la Peste, qui décime mille armées d’un souffle, qui abat les puissants comme les faibles ; et l’Enfer le suivait. Alors le genre humain fut exterminé et disparut de la face du monde.
Lorsque le cinquième juge arracha sa perfusion, et que le sang coula en goutte-à-goutte de ses doigts jusqu’au sol, la Terre se couvrit d’une marée blanche, purulente, et le glas sonna. Je sentis ma maigre carcasse se replier sur elle-même. Je me courbai pour mourir enfin, et mille voix sourdes chuintèrent : « il est fini le temps. Oublie le poids de ta chair, oublie la maladie et l’infamie. Goûte ta délivrance, goûte-la bien car elle est la dernière chose que tu connaîtras jamais. Telle est le destin de chacun d’entre nous et il n’est nulle autre finalité pour une vie humaine. Viens, et rejoins-nous dans la longue plaine des sanglots et des murmures. »
Ma vision s’obscurcit, et je quittai peu à peu le monde Où-Les-Choses-Sont-Ce-Qu’Elles-Paraissent-Etre.
Lorsque le sixième et dernier juge arracha sa perfusion, il se fit un violent tremblement dans ma carcasse vidée, et le soleil devint noir, et la lune devint tout entière comme du sang, et les astres du ciel s'abattirent sur le monde, et le ciel de viscères s’éteignit, et les monts osseux furent arasés et disparurent. Les juges peu à peu s’éloignèrent de moi, en soufflant d’une voix presque inaudible : « nous n’avons plus rien à te pardonner, ni plus rien à te compter. Sois le plus heureux des hommes, car tu es celui qui touche la fin du doigt en ce jour. »
Car il est arrivé, le Grand Jour de ma mort et qui donc peut encore se lamenter lorsque l’échéance est arrivée ?
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A noter que je suis pas totalement reparti de l'Apocalypse pour écrire ce texte, j'ai aussi repris le concept principal de la parodie de Nounourz, qui reste un trip aux psychotropes (LSD et champignons hallucinogènes). Ici, je relate les hallucinations d'un mourant, dues à une overdose de morphine.
Commentaire édité par nihil.
Puissant.
Ouais!
Tout le mérite en revient à Saint-Jean... Je dédie ce texte à mon troisième chat, qui s'appelle Morphine.
Bot installation
/nick Drogue001
Bot2 installation
/nick Saint-Jean
Bot2 has been doublefistfucking by Patrick Bruel (Motif: j'ai retrouvé mon amant)
fais tourner le chat, on va l'avoir à l'usure... tu va voir que les felins peuvent aussi morpher à grands coups de sex toys, jusqu'à ce qu'on en fasse les cordes d'une raquette de tennis sans avoir à le deboyoter et qu'il respire encore, miaulant à chaque revers et smach.
Moi j'ai bien aimé même si je ne le trouve pas très abordable à la première lecture. Du coup c'est juste ce qu'il faut en longueur, au-dessus ça serait devenu chiant.
En fait je trouve que c'est une bonne poésie en prose. Le style est plus qu'impeccable, je dirais même parfait. Je ne sais pas si c'est fait exprès mais techniquement je le trouve assez élaboré dans le rythme, les images etc. Le qualificatif de Narak, "puissant", résume bien.
A la lecture je l'ai rapproché de Neo-Inquisition plus que d'Arch-Nemesis d'ailleurs. J'avais l'impression que ça pouvait être la vision des dormeurs dans leur sommeil artificiel. Ca rajoute vraiment une dimension supplémentaire intéressante au texte.
Lapinchien édite le commentaire de Lapinchien
fais tourner la rhetorique, on va l'avoir à l'usure... tu va voir que les phrases bien trouvées peuvent aussi morpher à grands coups de métaphores obscures, jusqu'à ce qu'on en fasse les lois d'une nouvelle religion sans avoir à les interpreter clairement et qu'elles paraissent pourtant simple et evidentes à tous comme ciment d'une neo-concensualité, alors qu'en fait elles sont fonction de l'appreciation personnelle de chacun.
Commentaire édité par Lapinchien.
Hein ?
J'avoue avoir été surpris de l'arrivée en trombe de la dope en plein milieu de l'Apocalypse éditée. Mais ça a donné des textes qui me plaisent, autant celui de Nounourz parce qu'il est complètement délirant que celui-ci, pour d'autres raisons.
Ici, je reste un peu sur le cul devant l'espèce de tempête d'images, tu t'en prends quatre dans la gueule à la ligne. Mais ça reste cohérent, et pas surchargé. A mon goût. Tout est dans le même élan, ça ne fait pas "oh regardez j'ai une image les côpins". Bref, c'est bien foutu.
Et sur l'insertion du thème de la drogue, en particulier, avoir inclu les visions de l'Apocalypse comme si elles appartenaient à un camé en overdose, c'est tellement naturel comme procédé que j'y avais pas pensé.
On peut donc dire que j'aime énormément.
Bon, "le monde Où-Les-Choses-Sont-Ce-Qu’Elles-Paraissent-Etre", par contre, ça fait un peu Tintin au Tibet qui raconte sa prise d'opium en se prenant pour lao tseu, mais c'est pas grave.
Lapinchien édite le commentaire d'Aka
Moi j'ai bien aimé même si je ne le trouve pas très confortable la première fois qu'on y pose le cul. Du coup c'est juste ce qu'il faut en confort, au-dessus on aurait été absorbé et on se serait étouffé dedans.
En fait je trouve que c'est un bon canapé en sky. Le style fait un peu immitation, je dirais même faux cuir de vachette. Je ne sais pas si c'est fait exprès mais techniquement je le trouve assez élaboré dans sa forme, les coussins etc. Le qualificatif de Monsieur Meuble, "contemporain", résume bien.
En m'affalant dedans je l'ai rapproché d'un bon sofa de salon plus que d'un fauteuil Louis XV d'ailleurs. J'avais l'impression que ça pouvait être tanné artisannalement et brossé avec de la cire. Ca rajoute vraiment une dimension supplémentaire intéressante au séjour.
(putain pourquoi on ecrit des texte ici, commenter des articles de deco interieure c'est tellement plus simple)
Aka édite le commentaire de Lapinchien.
Moi j'ai bien aimé même si je trouve que ça arrache la gueule à la première bouchée. Du coup c'est juste épicé comme il faut, un peu plus on aurait chié liquide pendant quinze jours.
En fait je trouve que c'est un bon chili en conserve. Le gout fait un peu imitation, je dirais même un peu bouffe de cantine. Je ne sais pas si c'est fait exprès mais culinairement je le trouve assez élaboré dans sa forme, le choix des ingrédients, la sauce, etc. Le qualificatif de Pierre Martinet, "intraitable", résume bien.
En le goutant à nouveau je l'ai plus rapproché d'une bonne recette de grand mère plutot que d'un plat de gourmet. J'avais l'impression que ça avait été mijoté des heures dans une cocotte en fonte. Ca rajoute un aspect rustique intéressant à la dégustation.
(niark niark)
Commentaire édité par Aka.
Putain j'en ai pleuré de rire !
Nounourz édite le commentaire d'Aka
J'abattis ma hache dans un large mouvement circulaire. La trajectoire était calculée juste comme il faut, et la lame mal aiguisée lui arracha la moitié de la gueule dès le premier coup. Sous un aspect extérieur d'outil de bûcheron, c'était une arme de bonne facture ; un soin particulier avait même été apporté à la forme de la lame, que je trouvais assez élaborée, davantage même que celles destinées au combat qui se trouvaient chez l'armurier. Des runes y avaient été gravées, qui lui donnaient un coté un peu rustique. Le forgeron avait certainement passé de longues heures sur sa confection.
Je contemplai le cadavre de cette malandrine d'Aka. A-t-on idée d'essayer de me faire manger un vulgaire chili en boîte, à moi, qu'on nomme "l'intraitable" ? Elle avait payé le prix de son audace : le visage fendu au niveau de la mâchoire. On pouvait encore lire dans ses yeux ronds une expression de stupeur ; ma sentence avait été prononcée silencieusement, et l'éxécution immédiate.
"Qu'on se le dise ! Nul ne fera impunément ingurgiter à Pierre Martinet de la vulgaire bouffe de cantine." Sans tenir compte de l'assemblée terrifiée qui avait assisté à la scène, je remis mon tablier blanc et ma toque blanche, allumai le petit récepteur radio et, accompagné par la voix vibrante d'Edith Piaf, me lancai dans la préparation d'un coq au vin.
Desolé Nourz, mais autant je n'avais pas aimé ton texte et j'avais peur pour la suite du serial edit, autant là j'aime beaucoup et donc ça me réconcilie.
Je vais pouvoir aller chier serein.
Dans l'histoire, je ne sais toujours pas si tu as aimé l'edit qu'a fait nihil de mon texte, ou l'edit que j'ai fait du commentaire d'aka.
mais bon, sinon... va chier ! (serein, stu veux).
Lapinchien édite le commentaire de Nrz
Dans l'histoire, je ne sais toujours pas si ce qui t'a fait rire est l'edit qu'a fait nihil de ton texte, ou l'edit que j'ai fait du commentaire d'aka, ou l'edit qu'Aka à fait de mon commentaire, les deux ou un debut d'anevrisme cerebrale te chatouillant le nerf zygomatique
Hmmm.
*lis l'edit du commentaire d'aka*
*pleure*
*se dit qu'il faut faire de la lèche aux admins*
Heu, les deux nourz, les deux.
Faire de la lèche c'est pas mal, mais si dans un élan d'enthousiasme tu m'achetais les droits de mon edit de commentaire pour ... hmm... disons 1500 euros, je pense que je serais davantage convaincu.
En ce qui me conserne, tu me feras de la lèches, le jour où ma tronche sera edité en timbre poste... et où au regressera au lieu de progresser, dans l'industrie du timbre tout du moins, pour en revenir aux timbres humectables... ailleurs c'est deja le cas depuis longtemps.
une des plus belles oeuvres de beksinski
J'aime bien ce texte.
Ça garde presque la même portée que le texte d'origine, si en plus le style est bon, c'est cool. Ce qui me fait plutôt chier, c'est l'assemblage de mots à majuscules : Je trouve ça moche typographiquement et sans réel intérêt. Mais sinon ça roule.
Le texte y'é bon mais lé commentaires sont nul hahaha
Heureusement, t'es là.
Tu suces ? T'avales ?
Widze że wam też się podoba.