Vol sécuritaire

Le Kamov KA-50 de la Sécurité Routière française en était à la fin de sa patrouille quotidienne. Pour son équipage sur-entraîné, tout ceci n'était que de la routine.
"Hé John, comment va ta femme ?
- Ho, elle se remet de son cancer du colon. Pas de sodomie pendant 6 mois, ça a été dur, on en a souffert tous les deux. C'est comme cela que l'on voit qu'une véritable relation de couple est solide, si on peut briser le quotidien de l'autre pendant une longue période et en ressortir indemne.
- T'as raison, mec. C'est ce qui m'arrive en ce moment. Ma femme ne trouve plus ses barres chocolatées préférées dans notre supermarché habituel. Tu penses bien que c'est la merde. Quand le supermarché en question aura réapprovisionné son stock de barres chocolatées, chacun de nous en ressortira plus fort.
- Que Dieu t'écoute, mon pote"

Une patrouille quotidienne pour ce genre d'hélicoptère et son équipage, c'est comme passer le balai pour un technicien de surface. Ca fait chier et on ne fait que ça, sauf catastrophe nucléaire ou sortie d'un nouveau Pokémon.

"Unité 004597, Unité 004597, au rapport.
- Rien à signaler, QG. Le bétail est docile aujourd'hui. Nous n'avons vidé qu'un unique chargeur de la mitrailleuse 12.7 mm. Roger.
- Bien, Unité 004597. Vous effectuez un dernier tour et retour à la base.
- Compris, QG. Roger."

Dans l'équipage, on aime bien se bourrer la gueule en pleine patrouille. Sauf le pilote, c'est un peu le capitaine de soirée, lui. De toute façon, il boit pas, cette pédale. Mais on l'apprécie tout de même, comme tous les capitaines de soirée. Bref, on aime bien se bourrer la gueule durant une patrouille. Cela a plusieurs avantages : Tout d'abord, on améliore ainsi considérablement les rapports dans tout l'équipage. Qui dit meilleure entente, dit une augmentation non négligeable de la rapidité à l'éxécution des ordres. Et cela avait aussi un deuxième avantage, c'est qu'on augmentait ainsi le pourcentage d'éxécution des contrevenants, principale mission de cet hélicoptère. C'est vrai, merde, ces putains de communistes automobilistes ne comprenaient rien au respect du Code de la Route. Donc, il a fallu choisir une solution radicale, et néanmoins humaine. Elle fut trouvée, et c'est cet hélicoptère, dont chaque autoroute récemment privatisée pouvait bénificier avec l'aide de l'Etat. Ainsi, le nombre de tués par accident a pu enfin être maîtrisé, et c'était une joie pour tous les journalistes (qui ne roulaient plus qu'en vélo en ville depuis qu'on leur offrait un jet privé personnel, en signe d'amitié du gouvernement français), et, bien sûr, pour tout le gouvernement et les familles. C'était vraiment une putain de solution, c'est clair. Et un poste dans l'équipage d'un tel véhicule, c'était le rêve de chaque pilote, mitrailleur, radio, bref, pour tout le monde qui rêvait de voler en hélico, pourvu qu'il soit réactionnaire.

"Allô QG, on a remarqué un contrevenant qui roule depuis un petit moment sur la file de gauche. C'est dangereux. Permission à l'éxécution.
- Permission accordée, Unité 004597. Que Dieu vous vienne en aide.
- Bien compris QG. Roger"

Ha, le doux bruit du chargement de la mitrailleuse. Ca, Roger, il adore. Tout cet embriquement de mécanique, d'acier et de plomb. Il fallait être un fin connaisseur pour l'apprécier à sa juste valeur. Roger en était un. C'était le meilleur mitrailleur de toute la Sécurité Routière. Son pourcentage d'éxécution de contrevenants était impressionant et aurait fait pâlir d'envie le Baron von Richthofen. Roger aperçut le contrevenant. Il déteste les contrevenants. Il les hait. Foutus contrevenants. C'est avec cette pensée qu'il le mitrailla, visant le réservoir d'essence, qui promettait toujours un superbe effet pyrotechnique qui ne coûtait, lui, quasiment rien au contribuable.

BOUM

La voiture s'enflamma dans un superbe enchevêtrement de flammes. Probablement un Diesel, à l'odeur, se dit Roger. Ca sent la victoire au moins.

"Bien joué, Roger !!!
- Regardez, c'est la panique en bas on dirait, les mecs !"

En effet. Chaque automobiliste, désormais familier de ce genre de carton, se sentit coupable d'une infraction. Quand, quoi, où, rien à foutre, plutôt éviter les balles et survivre que de crever sans rien faire. Et c'était le comportement de tout un chacun.

"Comportement normal et humain. Allume-les, Roger."

Et ce fut un véritable carnage, mais tellement beau. A chaque nouvelle douille éjectée du chargeur de la mitrailleuse, une nouvelle confusion de couleurs et de flammes se créa, démontrant l'impuissance de ses machines mécaniques à quatre roues. L'hélicoptère est tout-puissant, l'hélicoptère est Dieu. Pas besoin qu'un autre Dieu vienne en aide à l'équipage, c'est l'hélicoptère qui est Dieu. Et ainsi, tout l'équipage put apprécier ce magnifique moment, d'ailleurs, il est le seul à pouvoir l'admirer. Yvan, l'artiste du groupe, emméne toujours son camescope numérique pour enregistrer ce genre de scène.

Cette fois-là, il fut servi, et il jouissait déjà du moment où il pourra voir, revoir, re-revoir ce spectacle.

"Messieurs, admirez, et vous vous souviendrez toujours de cet instant magnifique. Ce que vous voyez à l'instant, c'est l'accomplissement de toute une vie, c'est un chef-d'oeuvre, le chant du cygne du maître."
Aprés cela, plus rien ne sera comme avant. L'hélico s'en alla, retournant à la base.
Encore une victoire pour la Sécurité Routière. Encore une victoire divine.