Je vérifie le verrouillage des portes blindées en boitillant lourdement. A quelques heures de la Saint-Con, je me suis barricadé dans un ancien blockhaus allemand. J’ai pris toutes les mesures de sécurité élémentaires pour ne pas me faire repérer mais il est déjà trop tard. Dans le champ de mes jumelles, j’aperçois nihil, le chef de cette dangereuse secte d’illuminés qu’est l’ordre de Saint-Con. Il porte une côte de maille et une longue cape blanche ornée de la croix de Saint-Con. Pour le moment il fait de grands moulinets avec son lance-flammes. Il a l’air totalement ridicule.
Quelqu’un s’approche de lui. C’est l’un de ses lieutenants, que je ne reconnais pas. Ils se concertent, d’ici je n’entends rien mais je suppose qu’ils se querellent à mon sujet, c’est logique. Pour moi il est trop tard. Ils auront ma peau ces tordus, il n’y a plus rien à espérer, et je me sais vaincu. Il n’y a plus d’espoir.
« chui grave carémant foutu qoi » me dis-je dans un éclair de lucidité.
J’ai vraiment trop mal, je peux à peine marcher. Je me traîne lamentablement d’une pièce à l’autre, sans plus savoir ce que je fais. J’ai grand-peine à ne pas percuter les obstacles qui se dressent devant moi, aussi je me résigne à m’immobiliser dans la pièce principale. J’attends mon heure. Ce ne sera plus long.
Laissez moi me présenter : je suis le Duc, aspirant de la secte millénariste de l’ordre de Saint-Con. J’ai été approché par des zélotes de la secte il y a un an environ. On m’a laissé entrevoir une communauté saine et paisible, tournée vers la connaissance des Mystères et des Symboles. J’étais désespéré et seul, le réconfort et la paix qu’on me promettait ne pouvaient que me séduire. Pour tout dire j’ai été aveugle, et bien faible. La secte se présentait sous l’aspect d’un aimable site web de communauté, un peu en dehors du monde et des réalités quotidiennes, mais accueillant.
On m’a rapidement laissé entrevoir les Grands Mystères de la Connerie Universelle qui sous-tendaient le dogme de la secte. Je me suis laissé fasciner par l’histoire ésotérique de Saint-Con le Martyr et ce qu’elle impliquait. J’avais hélas raté pour cette année la grande commémoration que la secte consacrait à Saint-Con et à sa pensée, tous les ans en Avril, mais ce n’était que partie remise.
Mon entrée dans ce groupuscule a été douloureuse. J’ai été rabroué, bousculé, j’ai été la risée de tous, des semaines durant. J’ai ressenti une profonde détresse du fait de ce rejet, mais j’ai su taire ma révolte et accepter les brimades en serrant les dents. J’ai supposé que c’était là le lot commun de tous les novices.
Mon obstination forcenée fut bientôt récompensée. Peu à peu les choses se sont adoucies, et je me suis félicité d’avoir pu soutenir l’épreuve, résister aux déferlantes d’insultes et de moqueries. On me laissait enfin accéder aux arcanes de la connaissance et je pus me plonger dans les délices de l’étude et de la méditation auprès de l’œuvre du Martyr. On m’avait admis, accepté et je faisais désormais partie intégrante de la communauté. Comme j’étais loin du compte !
« cé tous des batars c’est enculé qoi » me dis-je dans un éclair de sagacité.
23h10
D’autres séides de la secte sont arrivés, et se sont mis sous les ordres d’un nihil furibond, qui éructe des ordres et se pète la hure en marchant sur les pans de sa côte de mailles. Ils sont tous venus pour moi, ils m’attendent tous. Si je n’avais pas si mal au bide, j’en rirais presque. Mais là c’est au-dessus de mes forces. Si je ris, je gerbe. D’autres continuent à affluer, ils cernent maintenant le bunker. Les principaux lieutenants de la secte se mettent à hululer un chant de guerre en se balançant d’un pied sur l’autre, ridicule chorégraphie apocalyptique. Les sectateurs lèvent le poing en cadence. Ils ont l’air complètement à coté de leurs pompes, à mon avis quelqu’un leur a fourni de la drogue.
« coman cé trop tous de con qoi », me dis-je dans un éclair d’intelligence.
La vérité ? La vérité, c’est que je n’ai jamais été vraiment intégré parmi les membres de la secte. Après la difficile période des débuts, on a commencé à me chouchouter, et me remonter le moral, j’ai pris ça pour un signe d’acceptation, mais en réalité, les pontes de la secte avaient vu en moi un nouveau martyr potentiel. On m’avait engraissé comme une putain d’oie pour la commémoration, on m’avait élevé au rang de réincarnation de Saint-Con ! Ils avaient dressé des plans pour mon sacrifice sur le bûcher. C’était là leurs obscurs desseins.
« chui carémant tro dans la merd qoi », m’étais-je dit à l’époque, dans un éclair de sagesse.
23h40
Brusquement les troupes se mettent à converger vers mon antre bétonné et je ne peux rien faire. Même si j’avais eu moins de mal à me traîner, je n’aurais rien pu entreprendre, ils sont trop nombreux pour moi. Je suis pris au piège. Mais tout cela n’a plus d’importance désormais. Il y a maintenant plusieurs heures que je me suis résigné : je ne pourrai pas leur échapper. Quand j’ai compris, grâce à de nombreuses allusions, les plans terribles échafaudés par nihil et ses esclaves à mon égard, j’ai fui sans demander mon reste. J’ai pu échapper à leur surveillance quelques heures et me faufiler entre les mailles du filet. Mais ils n’étaient pas prêts à abandonner leur dinde de Thanksgiving. Ils m’ont pourchassé sans relâche des jours durant, interrogeant mes parents, torturant mes proches. Ils m’ont traqué jusqu’à cette vieille ruine abandonnée dans laquelle je jouais quand j’étais petit. Et les voici, tout autour du blockhaus, à quelques minutes du début de la commémoration. Ils ont gagné, je ne leur échapperai pas. Je ne me défendrai même pas, ça ne servirait à rien. Mais je ne partirai pas sans un dernier baroud d’honneur ! A l’instant où j’ai perdu tout espoir de survie, l’idée a germé dans mon esprit.
« on a pa finis da rigaulé » me dis-je dans un éclair d’astuce.
Ils sont là, dans la pièce, et j’ai beau boitiller, plié en deux, jusque dans l’ombre réconfortante d’un placard, ils me mettent rapidement le grappin dessus. J’entends la voix de roquet de nihil qui aboie des ordres à la ronde. On me bâillonne, on m’attache, et les liens serrés m’occasionnent une douleur sans nom. On me traîne dehors sans ménagement. Je gémis et je pleure. Je les entends rire autour de moi, et la rage monte. Riez, tant que vous le pouvez encore, riez de ma faiblesse et de ma défaite.
« putin de salaupard je vou chie a le gueul », me dis-je dans un éclair d’acuité intellectuelle.
10 Avril 2005
00h30
A l’extérieur, ils ont dressé un bûcher surmonté d’un mât, dont l’ombre acérée déchire la nuit. On m’a monté au sommet de cet amas de bûches et on m’a ficelé au poteau. Je sais très bien ce qui m’attend, tout le monde ici le sait. Je n’en peux plus, j’ai trop mal, il faut que cela finisse vite. Cette pantomime ridicule ne sert à rien, que le bourreau accomplisse son œuvre. Empêtré dans sa cape blanche, nihil sautille jusque devant le bûcher, où il est rejoint par ses lieutenants. Ensemble ils forment une haie inquisitoire qui me jauge d’un œil sans complaisance. Nihil s’époumone pour couvrir le vent nocturne qui bat la plaine :
- Le Duc, tu as été reconnu coupable de la plus immense Connerie qu’il soit donnée de constater chez un être humain depuis la mort de Saint-Con ! Nous te condamnons ce jour à périr par les flammes, comme le veut le rituel !
Une ombre encapuchonnée s’élève cérémonieusement sur le bûcher, jusqu’à moi. Je reconnais le père Dourak, le fanatique religieux qui évangélise cette congrégation de fous furieux. Il se penche vers moi et récite une courte prière à Saint-Con. Puis il me retire le bâillon et me chuchote :
- Mon fils, apprête-toi à subir le châtiment que nous réservons aux plus gros cons de ce bas-monde. Tu endosses le rôle de Saint-Con qui est mort pour la plus grande gloire de la Connerie Universelle. Quelles sont tes dernières volontés, Saint-Con ?
- Vnieu fn'une chdouille…
La douleur m’empêche d’ahaner quoi que ce soit de plus, je suis violet, j’ai la langue qui a triplé de volume et les yeux qui tentent de se barrer de leurs orbites. Après quelques minutes, Dourak soupire et s’éloigne.
Je suis pas une dinde putain ! Je ne suis pas la réincarnation de Saint-Con, il va bien falloir que ces illuminés en prennent conscience ! Toute ma fascination pour ce prophète déviant s’est enfuie, et je n’ai plus que du mépris pour sa glorieuse imbécillité, pour cette stupidité béate qui l’a conduit au bûcher. Qu’ais-je donc de commun avec ce sinistre attardé, comment a-t-on pu voir en moi une quelconque trace de la Connerie ultime de ce taré ? Je ne peux que me perdre en conjectures. Cela n’a aucun sens.
« cé vré qoi putin », me dis-je dans un éclair de raison.
C’est la fin. nihil s’est avancé jusqu’au bûcher et a entrepris d’allumer les fagots de bois sec de son lance-flammes. Peu à peu, des langues de feu s’élèvent, montent jusqu’à moi. La chaleur devient bientôt insupportable, toute la campagne alentours est illuminée de torrents de lumière rouge. Mes vêtements s’embrasent et partent en cendres, et le feu rampe sur moi. La souffrance est infinie et je hurle, à m’en arracher les cordes vocales. Que ça se termine, il faut que ça se termine vite. Je me mâche la langue pour me détourner l’attention de mes jambes en torche. Un grand vide s’ouvre à moi, mais non, je dois rester conscient, conscient quelques minutes encore. Les flammes entrent en moi, carbonisent ma peau, je suffoque, je meurs.
Soudain, je sens une déformation dans mon abdomen, une fission interne terrible qui me déchire de l’intérieur. Ca y est. Mon plan est en train de fonctionner et ma défaite sera une victoire. Mes entrailles se tordent en tous sens, youpi ! C’est la première des trois bouteilles butagaz que je me suis enfoncé dans le cul qui est en train d’éclater, tordue par la chaleur du brasier. Ca a pas été facile, mais quand j’ai compris que j’étais perdu, je me suis dit que ces connards ne l’emporteraient pas au paradis, et mon calcul a fonctionné. Waargh putain, j’en ai plein le cul !
Et puis j’explose, emportant dans les torrents de flammes que j’exhale toute la congrégation des fanatiques de Saint-Con. Ils me suivent dans la mort, ces demeurés, et j’entrerai en Enfer suivi d’un cortège d’abrutis morts avant de comprendre ce qui leur arrivait. Paix à nos âmes !
« putain cé l idée la plus tro intéligente ke gé jamait hue qoi », me dis-je dans un éclair de butane-propane.
Résumé : Ce dernier texte de la Saint-Con 2005, c'est la réalisation du plus gros fantasme de tous les zonards depuis un an ou presque : brûler le Duc. C'est l'évidence même de la stupidité du Duc qui a fait reculer les saint-conneurs, par peur du manque d'originalité. Alors je m'y suis collé en hors-concours, en me basant sur un début de texte écrit par la victime elle-même.
= chemin =
= résumé =
[ Ce dernier texte de la Saint-Con 2005, c'est la réalisation du plus gros fantasme de tous les zonards depuis un an ou presque : brûler le Duc. C'est l'évidence même de la stupidité du Duc qui a fait reculer les saint-conneurs, par peur du manque d'originalité. Alors je m'y suis collé en hors-concours, en me basant sur un début de texte écrit par la victime elle-même. ]
= biblio =
04/09/2022
23/12/2021
12/07/2021
10/08/2017
06/06/2017
07/02/2015
30/05/2012
15/07/2011
09/05/2011
08/09/2009
9 avril 2005
22h53, quelque part dans la campagne de l’Est Français.
22h53, quelque part dans la campagne de l’Est Français.
= ajouter un commentaire =
Les commentaires sont réservés aux utilisateurs connectés.
= commentaires =
le satyricon etait moins bien
Je ne suis pas un ecclésiastique, raclure de sac à foutre. Je n'ai prononcé voeu ni de chasteté, ni de pauvreté, ni d'humilité. Ce qui ne m'empêche pas d'être presque chaste, presque pauvre, et presque pas orgueilleux.
Que dire...c'est tellemment beau...!
Douap Merdiakof > Une chance que ta pas lu le texte avant que Nihil ajoute son grin de sel
m'aura bien fait marrer ce texte n'empêche !
Pour votre curiosité personnelle, voici le texte original que m'a donné le Duc pour le corriger et le finir :
"9 avril 2005 - 21h53
Quelque part dans la campagne de l’Est Française.
Cette année j’ai fait fort.
Je suis pour le moment à quelques heures de la Saint Con, barricadé dans un ancien blockos allemand.
J’ai pris toute les mesures de sécurité élémentaires pour ne pas me faire repérer et donc rester hors de portée des autres zonards.
Mais pourtant en regardant dehors à l’aide de mes lunettes infrarouges, je vois bien que je suis loin d’être seul, dans un buisson à 100m au sud est, je pense avoir reconnu Nihil, leur chef, il est en treillis, ce qui n’envisage rien de bon, pour le moment il se recouvre le visage de boue.
Ah… du mouvement quelqu’un s’approche de lui, je reconnais Narak ce mec est un dangereux psychopathe, il est entré dans la zone en même temps que moi autant dire que nous avons fait nos armes ensemble, mais demain il n’aura pas de pitié, d’ailleurs il n’en a jamais eu.
Narak donne l’air de se disputer assez violement avec Nihil, d’ici je n’entends rien mais je suppose qu’il se querellent à mon sujet, pour eux je suis un trophée de chasse inestimable et il est hors de question de laisser quelqu’un d’autre s’emparer de leur proie, les inconscients..
J’espère seulement qu’ils ne s’entre-tuerons pas.
Laissez moi me présenter,
Je suis Le Duc, anciennement El Défoncer, je suis arrivé sur la Zone en mai 2004 comme un cheveux sur la soupe.
J’ai été tout de suite fasciné par les concepts de la Saint Con, Brûler des cons, les torturer et récompenser le « héro » qui aura fait le plus « joli » massacre. C’est du génie ! Quelle idée révolutionnaire et pleine de bon sens !
J’ai donc décidé d’apporter ma contribution et par la même occasion de gagner la prochaine Saint Con.
J’ai tout d’abord analysé le comportement et les mœurs de ses membres pour pouvoir cerner ce qu’était pour eux l’archétype du con
Je me suis donné dès lors, beaucoup de mal pour entretenir une image de méchant benêt (dans tous les sens du tèrme) dans le seul but de ce jour.
Ce n’était pas facile tous les jours, car pour que ma stratégie fonctionne il fallait, au prix d’un effort harassant, que je donne l’impression d’atteindre des sommets de stupidité, mais aujourd’hui, ce soir, je vais enfin pouvoir récolter le fruit de m’on dur labeur.
22h30
D’autres zonards sont arrivés je vois, entre autre :
Lapinchien, hybride croisé entre un lapin et un chien, grâce à on ne sait quelles mutations génétiques dues au contact prolongé des radiations de l’explosion de la centrale de Tchernobyl. Il est aussi le bras droit de Nihil en plus d’être son animal de compagnie.
Kirunna, une nymphomane du type mante religieuse, pas réellement futée mais très efficace dans l’art subtil de vous faire chier par de longs discours ennuyeux après l’acte sexuel, je n’ai toujours pas réussi à déterminer si c’est une stratégie volontaire ou non.
Aka, Argneuse Kami* Agressive, cette créature use de ses charmes pour vous attirer vers elle, et si vous avez le malheur d’y succomber vous serez entraîner alors avec elle dans les profondeurs de l’enfer et la damnation éternelle, c’est aussi, la compagne de Nihil
(* kami : n.m. mot jap., supérieur. Nom générique donné aux êtres surnaturels dans le Japon ancien)
Talsein, esprit vil et sournois ce personnage haut en couleurs a plus de bagou que de mordant, mais reste à craindre pour le commun des mortels.
Herpes, tout comme la maladie une fois contractée, elle ne vous lâche plus jusqu’à votre mort, l’avantage est qu’elle arrive bien plus vite qu’avec l’infection.
Douark Smerdiakov, (à vos souhaits) Lord Russe complètement déjanté, un parrain de la mafia qui a comme lubie l’excision et la scarification de jeunes enfants.
D’autres continuent à affluer, ils cernent maintenant le bunker.
Tout marche comme je l’avais espéré"
« chui grave carémant foutu qoi » me dis-je dans un éclair de lucidité.
Bon moment d'hilarité
Je viens de relire ce texte, franchement il est carrément génial, d'ailleurs t'as du te taper une bonne crise de schizophrénie Nihil quand t'as du écrire à la première personne sur un observateur entrain de t'observer et de t'analyser
Va te faire foutre, je suis un fourmilier.
Ah ?
Et toi aussi.
Ah ?