Tous assument. Plus aucun de nous ne croit plus qu'il reste quelque chose à préserver. Sans continuer à vivre nous continuons à marcher, marcher comme on bouffe, comme on dort. Nous marchons et tuons, avec lassitude. Nous ne subissons plus aucune pression, libres de nous répéter indéfiniment, sans plus personne pour nous juger, nous aider.
Encore aujourd'hui nous marchons. Ici, dans cet endroit qu'aucun de nous ne connais. Nous marchons sans guide ni boussole, inutilement et stupidement, sans rien ne plus y pouvoir, sans repères, sans but. Nous marchons. Nous marchons et tuons encore. Pourtant nous sommes des hommes, de ceux que l'on aime à croire bons, mais nous détruisons ce qui se dresse sur notre monotone chemin. Qui peut imaginer cela ? Nous tuons, et chaque mort nous éloigne encore de la civilisation que nous étions venus défendre. Cela fait des mois, ou bien même des années que nous avons quitté nos contrées paisibles, quitté notre liberté pour devenir ces empreintes, ces silhouettes floues d'humains incapables de penser au prochain jour. Jadis nous tenions un rôle, agissant de nous-même, reconnus et considérés par les autres. Nous croyions qu'être humain nous empêcherait de devenir semblables à ces sous-hommes, ces tueurs. Nous voyions les soldats comme une espèce à part, des échecs, des parias. Mais insensiblement à notre tour nous avons dévié, malgré nous, forcés d'ôter la vie d'hommes que nous ne connaissions pas. Nous le faisions avec réticence. Avec dégoût. Nous le fîmes tant que cela s'imprima dans nos âmes, nos muscles, nos réflexes. Nous avions quittés notre bonheur pour ces actes inhumains, loin du chemin des hommes de bien que nous voulions être. Nous l'avons quitté dans la haine et l'horreur. A coups de fusils.
Chaque fois qu'au gré de nos errance nous découvrons une positions ennemie, où qu'elle puisse être, nos gestes sont les mêmes. Nous avançons, et nous abattons ceux sur notre chemin. Chaque fois la mort prend certain d'entre nous, et chacun accepte la fin comme un soulagement, un terme à une quête sans fin.
Nous avons embrassés tous les mensonges et nous sentons le regard de nos semblables nous déprécier, comme jadis nous l'avions fait. Car nous sommes bien des tueurs, nous portons au clair nos armes usées au canon qui jamais ne refroidit, nos muscles fatigués a peines cachés par nos tenues tachetées. Nous sommes les échecs de notre espèce, et nous la brûlons des forces qu'ils nous restent encore, jusqu'à ce que nous ne soyons plus, nous nous jetons dans la bataille sans penser au lendemain, car demain sera pareil à aujourd'hui, mêmes sensations ternes, privés à jamais de retrouver l'extase de vivre en harmonie avec la masse. Je suis devenu un animal, bête et monstrueux, car je suis le mal sur la Terre, un monstre parmi mes frères, un monstre pour celui que j'abats. Rien d'autre. Je suis l'horreur qui enlève la vie, l'horreur que certains estiment mal nécessaire tout en se félicitant d'en être différent. L'horreur. Une incarnation de ce que l'homme à de pire. Et je marche.
Je ferme les yeux et suis vide de pensées, je n'ai plus aucune idée ni désir ; je continue à marcher amèrement, impuissant. Je ne souffre plus, j'ai trop obéi à des règles qui n'étaient pas les miennes, et ai perdu toute volonté. Pour avoir une seule fois dit oui j'ai arrêté de vivre véritablement, j'ai plongé dans le tourment, loin d'une quelconque félicité. Je connais un oubli plus sombre que nul n'imagine, je suis la machine à tuer des humains, et je suis impassible dans les vibrations tristes de leurs râles, les fauchant dans leurs mouvements, laissant sur mon passage d'inutiles monceaux de corps sales et puants. Je ne peux leur offrir que le néant, un aller simple pour voir leur Dieu ou leur Diable. Mais je n'en ai plus rien à foutre, plus la moindre réticence, le moindre ressentiment, je suis vide de pensées.
Je croyais au début que je ne pourrais jamais sombrer totalement. Qu'accomplir des actes si horribles me révulserai à jamais. J'ai regretté, souffert, mais finalement devenu ce qu'ils voulaient que je sois. La décadence n'a pas eu d'arrêt, la finale acceptation et l'oubli n'ont de fin que celle qui doit être. Il y a eu la peur, le doute, mais maintenant seulement ces forêts, ces routes, ces villages aux gens qui fuient à notre approche, ces gens que nous tuons encore et encore. Nous, nous ne sommes plus là, seuls agissent nos couteaux et nos fusils. Nos fusils toujours chargés, aux sécurités cassées depuis longtemps, à la peinture défoncée, écaillée, fondue. Jamais je ne recule, et à chaque tir je m'éloigne encore un peu plus du monde, sans retour possible. Je ne sers plus personne depuis longtemps. Car nous sommes seuls, oubliés ici.
Et maintenant, seuls dans ce pays que nous ne connaissons pas, nous continuons une fois de plus notre chemin. Accroupis à flanc de colline, nous contemplons encore un village endormi. Nous les envions d'être vivant, d'être utiles, et les maudissons de nous rappeler sur le temps où manger, boire, pisser, chier, marcher et tuer n'étaient pas les seules choses à avoir encore du sens pour nous. Ce village, identique à tous les autres, brûlera comme tous les autres, il aura les murs criblés et les fenêtres brisées, comme tous les autres. Nous le savons, nous le détruirons de notre implacable lassitude, comme tous les autres. Mais je sais qu'un jour, lorsque en moi se sera éteinte la dernière lueur d'espoir, ce sera mon tour de me trouver dans la maison qui s'effondre, de récolter la balle perdue, et de disparaître à mon tour.
Et je sais que ce jour-là, pendant les dernières secondes, je ne souffrirai pas, je murmurerai encore et encore merci, et pardon, et une dernière fois je me maudirai, et enfin je quitterai cette vie que je n'ai pas eue.
LA ZONE -
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Textes précédents :
- Extrait du Faust, de Goethe
- Le pacte par nihil
- L'impact par Glaüx-le-Chouette
- Le trou par Aka
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Toujours ce thème obsédant de la conquête. J'ai lu à la troisième personne parce que je trouve que ça correspond mieux aux textes de Hag.
En passant, j'aime bien le mot normopathe. Ca fait longtemps que je le cherchais.
C'est à ranger dans le rayon insulte léthale.
mais qu'est ce qui vous arrive, les gars ? la guerre, c'est fun !
Bon, ça commence avec une phrase qui soit ne veut rien dire, soit est trop compliquée pour ma GDB. "plus plus", "nous nous", c'est chiant. Après viennent quelques images bâtardes qui ne sont pas bien méchantes quand le texte est sympa... voyons voir.
"Nous croyions qu'être humain nous empêcherait de devenir semblables à ces sous-hommes, ces tueurs." Je comprends, je crois, le sens qu'a voulu donner l'auteur à cette phrase. Mais, elle est mal dite, donc assez drôle.
Après ça on revient sur des images bâtardes et le narrateur tient une place étrange. Dans l'action et quasi omniscient. Il ne dit pas "je ressentais blablabla", mais, "c'était comme ça, pour moi, pour eux, et puis ouais, je lis dans les pensées des autres et je vous emmerde".
"La décadence n'a pas eu d'arrêt, la finale acceptation et l'oubli n'ont de fin que celle qui doit être". Là, je dis plum pudding !
"Mais je sais qu'un jour, lorsque en moi se sera éteinte la dernière lueur d'espoir, ce sera mon tour de me trouver dans la maison qui s'effondre, de récolter la balle perdue, et de disparaître à mon tour." Le lien de cause à effet est remarquable!
Conclusion : C'est bourré de stéréotypes, pleins de facilités qui ne sont poas rattrapée par le fond. Une forme aléatoire et une écriture absolument pas naturelle. L'auteur tente quelques acrobaties qui souvent se terminent en foirades.
Des fois, on croirait les aventures d'un goth qui part en guerre.
"les aventures d'un goth qui part en guerre"
Putain alors ça, ça mérite un texte. Tu t'y colles.
Marché conclu ! Je fais ça dès que j'ai achevé mon premier vrai texte.
"oh mon dieu, ce cinglé va bousiller ma mèche avec son mortier"
"départ tir mortier énemi!!!!!!!!"
"Nous tuons, et chaque mort nous éloigne encore de la civilisation que nous étions venus défendre."
Putain, Hag c'est Forrest Gump dans le Soldat Ryan.
Sinon c'est lourd, c'est chiant, le seul edit que j'ai pas réussi à lire en entier.
Avec le recul, toutes les critiques faites au texte d'Aka sont aussi valides pour le mien.
J'avais essayé de mettre un peu de changement sur le fond, en manipulant les paragraphes et certains passages, mais c'est invisible. Et sur le fond, je n'ai réussi qu'à tout aplatir, me répétant encore et toujours.
"me répétant encore et toujours"
C'est exactement l'impression qu'il m'a laissé, un peu comme un bruit de machine à laver coincée sur "essorage". Ca fait du bruit au début, puis ça berce, et enfin on fini par s'endormir. J'ai pas senti de progression, juste qu'on cherchait à m'enfoncer le concept dans le crâne par la répétition.
Pour finir, le thème ne me touche pas, alors forcément... c'est la débandade, mon ami. Débandade. Trocool, j'adopte.
Ouais les répétitions frénétiques sont regrettables ; on pourrait (en regardant le texte seul, pour lui-même) les justifier théoriquement par l'esprit bousillé du narrateur, qui tourne effectivement en boucle, jusqu'à ce que le disque saute enfin, à la fin. Mais si j'écoute mes sens seuls, ils me disent que ça broute. Ca vient d'un peu tout le monde, on a tous insisté sur ces répétitions. C'est même un trait commun à tous les serial edit je crois : on se fonde tous sur des strustures, volontiers rythmiques, et on les garde comme cadre où poser un nouveau texte, en les soulignant pour qu'on voie bien qu'on les a gardées. On devrait peut-être plus souvent s'en libérer, au fond.
Pour le reste, moi, le thème aurait très aisément pu me toucher, mais je trouve le propos trop éthéré et trop loin de la réalité pour y être pris.
Ah et c'est bourré de fautes ballotes faciles à éviter. Que diantre. C'est dommage.
AH OUI J4OUBLIAIS il y a un "foutre" quelque part qui correspond assez bien à mon idée de l'emploi de la vulgarité et du lexique violent : juste là où ça porte, juste un coup, pas plus. Il me semble qu'il fonctionne, ce "foutre", il surprend et il tape, fort ou pas fort à chacun de voir, masi il porte. J'aime bien. Plutôt que de surmultiplier les grossièretés ou les images virulentes, ou de les évacuer, les utiliser à bon escient, car bon escient il y a pour elles aussi.
oui, juste une remarque sur le fond : tous les gens qui ont pris part à une tuerie disent qu'il y a une intense jouissance à tuer (la descente n'est pas forcément jouissive), comme il y en a une à baiser dit-on.
Peut-être les textes gagneraient en force et en intérêt si des dents de scie extatiques mettaient un peu de nerf dans l'ambiance morne et désespérée.
C'est vrai que ça n'apparaît pas dans le texte de départ, sinon dans la séduisante figure de l'ami Méphisto et la belle couleur de sa poudre.
L'extase du texte de Glaüx est d'une autre nature, bien sûr.
Moi je n'essaierai pas, la jouissance c'est trop dur à dire.
Euh... Pour être honnête, je crois qu'on se fout complètement du réalisme.
Et de la jouissance, ici c'est un site propre.
ah bon j'avais cru que c'était le thème du texte (et du site).
L4HUMUR N4EST PAS UN ANIMAL EN VOIE DE DISPARITION? ALORS TU SERAS GENTIL D4EN BOUFFER UNE GRANDE QUANTIT2 PAR TON GROS CUL POUR TOUT DE SUITE SANS FAUTE? MERCI D4AVANCE? AMI HIPPOPOTAME;
d'accord.
NON
NONONNONON
IL NE FAUT JAMAIS ËTRE D4ACCORD §
surtout avec le Chouette.
oui mais quand on est nouveau on est dans la soumission même aux chouettes alors j'ai couru mes champs et mes bois et j'en ai trouvé un quand même, tremblant sous une feuille. Il est tout petit et pas mal décati je crois que je vais me le faire en suppo, ça me dégoûte de l'avaler.
Ils me l'avaient bien dit, tous, surtout mes plus beaux spécimens, qu'ils me quitteraient, qu'ils passeraient le fleuve, si j'allais dans la zone, et ils avaient raison, ils voulaient pas se faire bouffer.
Et me voilà sans humour du tout maintenant, MERCI BEAUCOUP.
DE RIEN? C4EST OFFERT PAR LA MAISON? AU PRIX D2FIANT TOUTE CONCURRENCE DE TA M7RE EN BERMUDA DE SURF AVEC DES COUETTES SUR LE COMPTOIR;
ma mère ne met jamais de bermuda tu fais erreur sur la personne.
Ta mère ne t'a jamais avoué qu'elle mettait des bermudas de surf. Nuance. Et c'est seulement quand elle danse sur le comptoir, avec des couettes.
ah oui et tu as vu ça comment espèce de camionneur tu es entré par la lucarne du Routier, et d'un vol feutré tu as survolé la salle, profitant que tout le monde était dans l'admiration de la danse de ma maman?
Non, tu bluffes, je te crois pas.
Comment tu sais que je suis routier ? Je suis entré par la porte du Bar 18-Roues, c'était en 1995, je me souviens, j'avais roulé toute la journée et toute la nuit et toute la journée suivante depuis Erevan, j'étais crevé et je puais, et elle était là, dansant sur le bar au son des Beach Boys, ses grosses cuisses lascives pleines de bonne cellulite à faire cuire trois boeufs à la poële. J'ai craqué, on a partagé nos sueurs et nos flides, surtout les miens, à peu près tous.
En même temps, c'est un compliment que Gloups fait à ta maman en vantant sa capacité à s'adapter à son environnement, en arborant, par exemple, des couettes sur un comptoir. C'est une femme formidable à n'en pas douter, qui a toutefois commis, comme tout un chacun, des erruers dans sa jeunesse .
tu es gentil toi au moins.
Tu crois que Glaüx est mon papa ?
(quel cauchemar cette zone, réveillez-moi je veux retrouver mon humour dix cors celui qui m'allaitait dans la forêt).
J'en sais rien, mais je pense que tu devrais chercher la réponse au plus profond de toi même, DTC par exemple.
oui, tu as raison, je vais aller rejoindre mon tout petit dernier humour et écouter sa petite voix mourante.
Et toi tu seras mon guide désormais, si tu veux bien, DTC par exemple.
Un guide c'est plus important qu'un père, surtout un père chouette.
Y a que le Père Castor qui tire son épingle de tcs.
ah oui, ça te rappelle ça aussi?
Moi, surtout "Poulet des bois".
On s'éloigne de Goethe.